Pour en finir avec les biocarburants
Les biocarburants ne sont pas coupables du crime dont on les accuse.
L’augmentation récente des prix des matières alimentaires a déclenché une levée de bouclier contre les biocarburants. Hier solution miracle, aujourd’hui scandale planétaire. Il faut d’abord accepter l’idée que les biocarburants et l’alimentation humaine utilisent les mêmes ressources en eau, terre et exposition au soleil. Et la quête d’une plante comme le Jatropha qui produirait de l’huile non alimentaire en grande quantité sur des terres impropres à la culture alimentaire est en grande partie une vue de l’esprit car exploiter des terres à faible rendement coûte cher et il n’y a pas de raison que des terres de mauvaise qualité produisent plus d’huile de Jatropha que d’une plante alimentaire adaptée.
S’il y a un territoire où le biocarburant pourrait se développer sans entrave et sans conflit, ce sont nos océans. Leur usage futur comme champs de culture d’algues énergétiques reste entièrement à créer.
Si l’on revient sur la terre ferme, il faut accepter qu’il y a bien compétition entre le biocarburant et les plantes alimentaires, mais cette compétition est-elle si négative qu’on veut bien le dire et dans tous les cas si importante qu’elle soit la vraie raison de l’augmentation du prix des denrées alimentaires ?
On met en avant le développement de l’éthanol de maïs américain ou l’éthanol de blé ou de betterave en Europe, mais on oublie que ce phénomène tient plus d’une subvention politique à l’agriculture que d’une réelle volonté de produire des énergies renouvelables, car contrairement au cas de l’éthanol de canne à sucre, c’est le gaz naturel et les centrales aux charbons qui apportent jusqu’à présent la majorité de l’énergie nécessaire à la transformation de l’amidon ou du sucre en alcool. Le paysan des pays riches compense ainsi la diminution ou la perte de subventions. Réduire ces subventions est une bonne chose, il faut en accompagner l’impact auprès des pays pauvres sans revenir à la politique du passé qui oublie les vertus de l’économie de marché et la synchronisation des politiques avec la réalité.
La révolution verte qui a donné à manger au monde s’est arrêtée au début des années 80. Elle s’est arrêtée parce que les denrées alimentaires devenaient si excédentaires que les paysans ne pouvaient plus vivre de leur récolte. En fustigeant les biocarburants, on oublie que les agriculteurs français se chauffaient au blé, il y a encore deux ans. Sauf de revenir à la planification communiste qui a donné les famines que l’on connaît, quel autre moyen avons-nous que d’augmenter les prix des aliments pour relancer une nouvelle révolution verte ? Ainsi le blé servira à autre chose qu’à chauffer nos fermes, y compris pourquoi pas à faire voler nos avions ? Si l’Inde nourrit 17 % de la population mondiale sur 5 % du territoire mondial qu’attendons-nous pour répliquer ce succès ailleurs, y compris pour produire du biocarburant dont nos voitures auront besoin. L’éthanol produit à partir de canne à sucre a un bilan carbone très positif, il ne détruit pas la forêt vierge et permettrait à l’Afrique de produire autant d’éthanol que le Brésil. Dès que le baril de pétrole dépasse 60 USD, cet éthanol devient compétitif sans avantage fiscal. Pourquoi taxer l’éthanol brésilien et pas le pétrole saoudien ? Si c’est pour protéger notre agriculture, elle n’en a peut-être maintenant plus besoin ?
Les cassandres du XXIe siècle qui parlent de famine ont aussi leur responsabilité en amplifiant complaisamment le phénomène au grand bénéfice des fonds spéculatifs. On aurait par exemple du mal à croire que ce sont les biocarburants qui augmentent le prix du riz. Sur les deux milliard d’hectares de terres cultivables dans le monde, combien y en a-t-il réservés aux biocarburants ? Probablement moins que les hectares de terre arable qui ont disparu en Chine ces dix dernières années. Cultiver du coton va-t-il devenir aussi un crime ?
C’est en augmentant raisonnablement le prix des denrées alimentaires qu’on incitera le monde agricole à produire plus. Par ailleurs, donner d’autres débouchés aux produits de l’agriculture que ceux liés à l’usage alimentaire est une bonne chose si cela permet d’amortir les fluctuations du marché. On a beaucoup reproché à l’éthanol de maïs américain de faire monter le prix des tortillas mexicaines, on oublie de dire que ce prix avait fortement baissé lorsque le marché mexicain s’est ouvert dix ans auparavant au maïs américain et que le Mexique serait facilement excédentaire en maïs si le droit de la propriété agricole y était enfin réformée. Ça ne résout pas le problème des pays pauvres, c’est vrai, mais les solutions sont dans l’aide à leur agriculture et pas dans sa destruction par l’importation de produits agricoles artificiellement bas.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON