Pourquoi cela ne va pas plus mal ?
Jamais nous n’avons été aussi conscients des risques écologiques. A quelques mois du Grenelle sur l’environnement durable, quelles sont les voies à emprunter ? Gilles Lipovettsky, dans son ouvrage « Le Bonheur paradoxal », nous invite à passer d’une révolution des modes de production à une révolution des valeurs. Tout un programme !
La boussole écologique de l’Union européenne a perdu le Nord ! Les 10% fixés comme objectif à l’horizon 2020 pour la part des carburants d’origine végétale constitueraient, nous révèle Le Monde du 15 mai, une menace pour les équilibres sociogéographiques.
Les méthodes de production agricoles sont flashées d’excès à grande vitesse, leur production poussée par une consommation excessive d’énergie et l’usage d’engrais en surabondance. Les forêts tropicales seraient également menacées car supplantées par l’apparition de zones agricoles destinées à la culture du maïs.
Et donc, pour ne pas réellement perdre le Nord, noyé dans un immense océan, les scientifiques nous invitent fortement à revoir les objectifs et les politiques à promouvoir.
Devant une incapacité avérée de la politique, il s’ajoute donc aujourd’hui une part de doute, qui n’est pas sans conséquence sur notre capacité réelle à agir pour faire face au réchauffement climatique.
Il y a fort à parier, devant de tels arguments imparables révélés par Le Monde, que les invectives pour alerter et les cris à la catastrophe vont vraiment avoir du mal à porter. Apparemment, notre obligation morale d’opérer des changements ne constitue pas un facteur suffisament mobilisateur.
Pourtant jamais nous n’avons été aussi conscients des risques : à peine 30 à 40 années de survie pour une partie de la Hollande, si l’on en croit les prédictions d’Al Gore, et d’autres régions encore à disparaitre si le rythme continue à ce train effréné.
On peut rappeler la quatrième de couverture du Livre d’Alain Minc : Existe-t-il encore un intérêt collectif quand nul ne s’en estime responsable ?
Nous devons donc nous poser la question cruciale du chemin à emprunter pour accomplir notre mutation.
Avec toute la bienveillance citoyenne que nous y mettons, les obstacles à lever sont encore nombreux :
- les impératifs économiques prévalent sur des actions d’amélioration pour l’environnement dont nous ne percevons pas les effets ou seulement à si long terme de sorte qu’il sera bien temps de s’en occuper plus tard. Aussi les actions restent aujourd’hui assez peu mobilisatrices ou trop dépendantes seulement de la bonne volonté des individus ;
- l’approche actuelle pour la préservation de l’environnement est trop souvent moralisatrice : "le robinet tu fermeras", "le métro tu prendras", "un arbre tu planteras", "les poubelles tu trieras", et malgré tout cela cela continue à chauffer ;
- les incitations financières sont encore faibles, voire très faibles, pour ce qui est du cas de la France. Nous sommes même la lanterne rouge de l’Union européenne en matière de fiscalité écologique (La Tribune du 16 mai) ;
- les incitations auprès des citoyens également peu perceptibles, le label "Développement durable" ne permettant pas de construire une image suffisamment différenciatrice auprès des consommateurs.
Pour comprendre notre incapacité à réagir devant tant d’évidence, arrêtons-nous un moment sur un phénomène connu des scientifiques, celui de la grenouille plongée dans l’eau bouillante. L’eau chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La grenouille s’accomode progressivement mais finit par mourir lorsque l’eau est bouillante. Au contraire, une grenouille plongée subitement dans l’eau bouillante réagit par instinct de survie et saute pour s’enfuir.
Et nous, "en conscience" , allons mourir à petit feu telle la grenouille prise au piège ?
Comment lever les obstacles qui se dressent un à un face à notre volonté d’action ? Comment passer du désir à la volonté ? Comment passer de la vision à l’action ?
Pour parvenir à agir, nous devons nous tourner vers une approche nouvelle dont nous pourrons percevoir les bénéfices à tous les niveaux aussi bien individuels que collectifs. Une approche, j’ose le dire, mercantile ou ludique selon notre champ d’intervention professionnel ou personnel.
Les théories de la gestion du changement pratiquées dans les entreprises nous enseignent généralement l’importance de la prise de conscience, la phase où finalement on accepte une réalité nouvelle. Nous nous réveillerons peut-être lorsqu’au réveil, un petit matin, ouvrant le robinet d’eau, l’eau ne coulera plus en abondance comme nous en avons tant l’habitude, ou lorsque nous serons contraints de voyager en covoiturage.
Ce temps est malheureusement peut-être déjà arrivé ! En Australie c’est déjà la pénurie et l’Etat vient justement d’instaurer de nouvelles règles de gestion de l’eau et contraignant les citoyens à consommer de l’eau recyclée. Ici encore, au Kenya la rareté de l’eau menace les populations du nord-est du Kenya. Et l’on sait aussi que la genèse des exactions au Darfour, où plus de 1,5 million de personnes sont déplacées, sont aussi la conséquence d’une raréfication de l’eau.
Finalement tout ce brouhaha écologico-scientifico-médiatique ne satisfait pas l’urgence à agir, il est néanmoins encore temps de se mobiliser et l’une des façons de le faire, certainement pour apporter une brique constructive au débat,c’est par exemple de participer au débat participatif de l’ADEME dans le cadre du le lancement des Etats généraux Ecologiques 2.0
Comme le montre Gilles Lipovetsky dans l’ouvrage sociologique "Le Bonheur paradoxal" nous pouvons refermer la boucle en considérant en effet, que cette attitude bienveillante à l’égard de l’environnement est aussi un chemin pour sortir de notre névrose de l’hyperconsommation.
"Consommer moins, consommer mieux", non pas dans un acte pour la préservation de l’environnement mais dans la recherche d’un bien-être individuel retrouvé, voilà le chemin ?
C’est l’agitation du toujours plus qui débouche seulement sur un "bonheur blessé" comme le formule Gilles Lipovetsky. Un bonheur égoiste et jamais rassasié, insatisfait de ne pas être servi assez vite, nommé aussi "la pénia = bonheur matériel contre insatisfaction existencielle". La consommation est incapable de nous apporter de vraies satisfactions, c’est seulement une façade, un vecteur pour assouvir nos vrais besoins : la légéreté, la facilité, l’évasion, le jeu.
Et comme ces désirs ne peuvent jamais être comblés, deux alternatives se profilent à l’horizon, la première c’est de devenir, comme l’auteur les appelle, des "espèces de turbo-consommateurs", sans cesse en quête d’accélération, et la seconde c’est espérer une mutation profonde portée par l’invention de nouveaux buts et sens, de nouvelles perspectives dans l’existence.
Voilà la quadrature du cercle bouclée, tout un programme de changement, pour opérer "une révolution de nos valeurs" et pas seulement "une révolution de nos modes de production", et permettre ainsi de prévenir d’une catastrophe écologique annoncée.
Les assises du Grenelles de l’Environnement peuvent s’ouvrir !
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