Qu’en est-il des OGM ?
A l’heure d’une campagne présidentielle où la thématique écolo a accompli une percée dans le discours des candidats et où la présence du trublion José Bové apporte à la fois franchise et démagogie contestataire, il apparaît opportun de faire le point sur une question aussi cruciale qu’occulte : celle des OGM.
Beaucoup de choses se disent aujourd’hui sur les OGM, sujet qui intéresse une grande majorité de français
alors que, finalement, bien peu sont capables de trier entre le faux et
le vrai. José Bové et la Confédération paysanne ont fait beaucoup pour
placer ce thème sur le devant de la scène médiatique depuis quelques
années. Les lobbies agroalimentairess et le législateur de leur côté
semblent agir en quasi-clandestinité, donnant autant de grain à moudre
à leurs opposants. Quelle est donc la réalité des OGM aujourd’hui en
France ?
Initiative de transparence à souligner, un site intergouvernemental (http://www.ogm.gouv.fr/) a été mis en place pour expliquer la situation des OGM en France. On peut ainsi y lire que "parmi
les risques que sont susceptibles de présenter les OGM, figurent
notamment des risques pour la santé humaine par toxicité ou
allergénicité et des risques pour l’environnement comme la
déstabilisation de certains écosystèmes". Comme pour beaucoup
d’innovations scientifiques récentes, aucune étude ne dispose de
suffisamment de recul pour pouvoir aujourd’hui clamer la nocivité ou
non des OGM pour la santé. La question qui se pose est donc ici celle
du principe de précaution,
inscrit désormais dans la toute neuve Charte de l’environnement voulue
par le président et collée à la Constitution. A commencer par le
premier danger représenté par les OGM pour l’écosystème, celui de la
mutation des autres espèces végétales par transgenèse (ou transmission
des gènes OGM à des plantes de même variété mais non-OGM). Le risque de
réduction de la diversité biologique existe, comme l’explique le site
scientifique OGM-info.
On y apprend ainsi que ce risque n’existe a priori pas en France pour
les espèces d’origine non européenne. Le maïs étant (pratiquement) la
seule plante actuellement cultivée en France dans sa version OGM, seul
le maïs serait susceptible de se voir "contaminé" par des gènes de maïs
OGM. Ce risque entraînerait néanmoins l’impossibilité de fait de
maintenir un étiquetage fiable sur les produits de consommation
contenant des OGM : une parcelle non-OGM contenant des pieds contaminés
par des gènes OGM ne serait pas étiquetée comme OGM...
En outre,
l’étiquetage obligatoire ne concerne que les plantes et non les animaux
ayant consommé ces plantes. Or, les aliments de bétail sont largement
issus de cultures OGM. Les garde-fou imposés par Bruxelles se voient
ainsi réduits à la portion congrue et deviennent en pratiques inutiles.
Concernant la législation, l’opacité entretenue par les pouvoirs
publics associée à une accumulation de couches juridiques entre la
France et l’Europe n’aident pas le citoyen à avoir les idées claires.
Il apparaît, en tout état de cause, que seul un contrôle est aujourd’hui
réglementé, imposant une autorisation spécifique pour toute nouvelle
implantation ou commercialisation d’OGM ainsi qu’une traçabilité
précise. Nous avons vu combien cette traçabilité était inadaptée et la
philosophie libérale qui prévaut à l’Union européenne comme dans les
pays qui la composent semble s’opposer à toute entrave commerciale.
Il est certain que le lobbying actif des firmes (essentiellement
américaines) de l’agroalimentaire OGM à Bruxelles impose une terrible
pression aux parlementaires et à la Commission. Le contexte du commerce
international, la position de l’OMC et le rapport de force entre les
deux rives de l’Atlantique sur la question de l’agriculture et de la
pénétration de ces deux énormes marchés, transforment ainsi le principe
de précaution en un enjeu mineur. Le jugement de
l’OMC condamnant le moratoire européen sur la commercialisation des
cultures OGM en est l’illustration. Pour rappel, entre 1991 et 1998,
dix-huit autorisations de commercialisation de cultures OGM ont été
accordées dans l’Union, avant un moratoire de fait (non légiféré)
stoppant les nouvelles autorisations. Ce moratoire a pris fin en 2004.
L’OMC ne distinguant pas les cultures OGM des cultures classiques,
seules les Protocole de Cartagène et Convention d’Aarhus,
accords internationaux très généraux, sont reconnus par l’organisation,
autorisant une interprétation stricte des accords commerciaux
internationaux. Il s’agit ici très clairement de la lutte commerciale
engagée entre les deux géants agricoles que sont les Etats-Unis et
l’Union européenne, sur fond d’idéologie économique et de développement
du tiers-monde.
En France le maïs est pratiquement la seule
culture OGM autorisée et exploitée. Il s’agit d’une semence du leader
mondial du secteur, l’Américain Monsanto, mis en cause récemment dans un reportage diffusé sur Canal + (reportage qui, par ailleurs, fit l’objet d’une mystification conspirationniste sur le Web). L’éthique très particulière de la firme a également été mise à mal par la publication d’une étude scientifique1
ainsi que par des révélations sur une entente qui eut lieu avec le
gouvernement britannique dans les années soixante en entraînant une
très grave pollution des sols2. Si les surfaces de culture OGM ne représentent aujourd’hui officiellement que moins de 500 hectares3
sur 3 millions d’hectares pour l’ensemble du maïs cultivé en France,
ces surfaces sont estimées sur la seule déclaration volontaire.
Certaines sources estiment plutôt à 1 000 ha les cultures de maïs OGM.
Alors que la position américaine semble progresser dans la législation
de l’Union, la présidentielle française est l’occasion d’un débat sur
le sujet. Deux points ressortent des positions des trois principaux
candidats. La première est la nécessaire adéquation avec la position de
la majorité des Français, citée plus haut, à savoir un moratoire sur
les nouvelles autorisations. La seconde est une certaine gêne sur le
sujet, conscients sans doute d’être, une fois à l’Elysée, pris entre
les engagements à l’OMC (présidée par le socialiste Pascal Lamy...), la
jurisprudence européenne (pour rappel, la France a entériné il y a
quelque temps maintenant la prédominance législative européenne sur la
loi française) et le risque de s’interdire l’entrée ultérieure dans un
marché qui pourrait devenir stratégique dans les années à venir. Si la
pression de l’opinion reste importante et assez tranchée, il est
probable que la mise en place d’une politique libérale après les
législatives conduise à une accélération de la pénétration des OGM dans
nos assiettes et nos champs.
1 - "Forts soupçons de toxicité sur un maïs OGM", Le Monde, 14 mars 2007.
2 - "Le gouvernement britannique et Monsanto ont dissimulé la pollution d’une réserve", Le Monde, 12 février 2007.
3 - Source http://www.ogm.gouv.fr
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