Quel peut être l’effet du réchauffement climatique sur nos forêts humides ?
Le changement climatique va affecter nos forêts humides tempérées ; quelles sont celles qui risquent d’être le plus fortement affectées par un climat plus chaud et plus sec ? Une étude*nous donne quelques clés pour connaître les zones forestières les plus sensibles ; elle tente de faire des prévisions sur leur évolution jusqu’à l’an 2100.
Une question importante, jusqu’ici non tranchée, à laquelle il faut aussi répondre est celle-ci : les forêts qui poussent déjà sur des zones sèches seront-elles plus vulnérables, parce qu’exposées au-delà de leurs limites physiologiques, que les forêts dites naïves installées dans des zones plus humides ?
Pour mesurer la sensibilité des arbres aux fluctuations météorologiques les auteurs se sont appuyés sur les données de la banque Internationale de données sur les cernes des arbres (ITRDB) et celles du service forestier des Etats unis (FIA). A partir de ces données ils ont pu générer un indice de largeur des cernes qui donne une mesure annuelle de la croissance des arbres. Le temps et le climat ont été caractérisés par l’évapotranspiration potentielle et le déficit hydrique climatique relevés localement par ces organismes. L’évapotranspiration potentielle décrit la demande atmosphérique en eau produite par évaporation et transpiration des plantes, cette dernière est fonction de leur disponibilité en énergie. Le déficit hydrique climatique mesure le déficit en eau par rapport à la demande atmosphérique.
La plupart des relevés de l’ITRDB et du FIA montrent :
- Qu’il y a eu une réponse positive à la croissance des arbres lorsqu’il y a eu une plus grande quantité d’eau ou d’énergie disponibles sur le site.
- Les arbres situés sur les zones les plus sèches (déficit hydrique élevé) de l’écart climatique où vit l’espèce ont une croissance moins affectée par la sècheresse que ceux situés dans les zones plus humides. Les forêts naïves sont donc plus sensibles à la sècheresse.
- Les arbres ont aussi montré une hétérogénéité de réponse à une croissance annuelle de l’énergie disponible (augmentation de l’évapotranspiration).
En 2100, avec le réchauffement climatique, les forêts tempérées vont être exposés à des températures plus élevées et à une sècheresse plus forte que de nos jours. En estimant la variation du déficit hydrique et de l’évapotranspiration potentielle à partir des changements climatiques, la croissance des arbres devrait, selon les auteurs, diminuer de 10,4 %. Nos forêts vont subir ainsi une dégradation de leur état sanitaire et une réduction de leur capacité à séquestrer le carbone.
Les projections de changement de l’index de largeur des cernes en 2100, montrent que le réchauffement climatique aura un impact négatif prononcé sur les arbres qui poussent dans les zones humides chaudes alors qu’il sera plus faible dans les marges plus froides et plus sèches de la zone d’adaptation de l’espèce. La réduction de croissance des arbres serait de 17,2% dans le premier cas, et seulement de 11% dans le second.
Ce comportement positif des arbres qui vivent dans les marges plus froides et plus sèches est à attribuer à l’hétérogénéité de l’espèce. Ces individus ont été exposés sur plusieurs générations à des conditions plus sèches et plus froides et ont acquis par sélection naturelle certains caractères de résistance. De ce fait ils pourraient être utiles, en migration assistée, vers des régions plus humides qui devraient, suite au réchauffement climatique, devenir plus sèches.
* Robert Heilmayr et al. Science, 8 décembre 2023, N°6675, pp.1171-1177
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