Retour vers le Progrès
On peut sans risque de trop se tromper énoncer cette loi que tout ce qui vit cherche à croître. L’homme ne fait pas exception à cette règle car voici des millions d’années qu’il est l’espèce animale qui progresse le plus et surtout il progresse de plus en plus vite. D’où cette question : l’homme peut-il maîtriser son destin dans sa course folle ? Pour tenter d’y répondre, petit retour arrière dans notre machine à voyager dans le temps...
I
Le progrès a connu diverses formes au travers des âges de l’Humanité : progrès spirituel et moral, de la raison (Galilée, Pascal, Descartes...), de la liberté de l’homme (Philosophie des Lumières), progrès technique (XIX ème siècle), éducatif (Jules Ferry en France, colonialisme). Au Vingtième siècle le progrès fut mis au service du pire (gaz de combat, holocauste, bombe atomique...) mais l’on parlait encore de progrès, cette fois économique et social (congés payés et 39 heures, consommation du plus grand nombre) mais aussi scientifique (médecine). Et voilà qu’aujourd’hui on assiste à la réduction de l’idée de progrès à sa seule signification de croissance économique.
Rien que pour cela, on pourrait dire qu’il n’y a plus progrès mais régression.
Les plus pessimistes prophétisent que la France est en déclin. Les plus naïfs prêchent la décroissance, introduisant ainsi une dimension volontaire dans ce que les premiers considèrent comme une évolution inéluctable et finale. Entres ces deux extrêmes, rien de nouveau : Que l’on crie « vive la croissance keynésienne » chez les Socialistes ou « vive la croissance en travaillant plus et en renonçant à la sécurité de l’emploi et à une part de son salaire » chez les Libéraux, dans les deux cas on asservit l’homme à l’économie -un certain modèle d’économie- et on se prive définitivement d’imaginer d’autres voies de salut.
Progresser c’est décroître, disent les objecteurs de croissance, contredisant ainsi la loi que j’énonçais en introduction. Progresser, c’est relancer l’économie disent les économistes et les politiques. Qui a raison ?
Restreindre la civilisation à son type d’économie n’est pas progressiste. Pas plus que l’idée en soi de décroître.
II
Il aura suffi d’un mot sorti du chapeau par le ministre de l’économie Thierry Breton en ce mois d’août 2006 pour que nos terreurs se dissipent au loin : balayés d’un coup, d’un seul, l’explosion démographique mondiale, les pays émergeants et leur taux de croissance à deux chiffres, leur coût de main-d’œuvre défiant toute concurrence, les délocalisations de nos emplois. Il l’a dit, notre ministre : la croissance a augmenté de 0,1 % sur un semestre ! « Il s’agit d’un record, depuis près de six ans ». Les regards se tournent alors vers cet indice conjoncturel. Le mot « croissance » a été prononcé et le voyant est au vert. Le « moral des ménages » peut repartir et le bonheur est dans le pré.
Et pourtant...Souvenez-vous du Progrès !
Reprenons notre machine à explorer le temps et revenons aux Trente Glorieuses. En ce temps-là l’idée de Progrès ne se résumait pas à une donnée statistique et les gens ignoraient cette notion - toute économique - de « moral des ménages ». C’est du moral tout court dont ils parlaient. Il brûlait dans leurs yeux l’espoir d’un avenir meilleur, d’un monde fait de progrès technique au service de l’humain, mais aussi de progression sociale pour eux et leurs enfants devant qui s’ouvraient les portes de l’ « instruction » comme ils disaient alors et cela résonnait chaudement dans leurs coeurs de parents.
Deux chocs pétroliers ont suffi à briser le rêve. Il a fallu regarder la réalité en face : notre progrès serait désormais tributaire d’une unique chose : la croissance. Depuis, le monde entier n’a plus que cela en tête et s’y attelle tous les jours, y compris les pays qui n’avait cure de cette idée de capitaliste. Avant même que certains se piquent d’inventer le concept de décroissance, était venue la décroyance ! La décroyance en d’autres idéaux possibles.
Revenus de tout, nous voici aujourd’hui livrés à la seule croissance : « Sacré Croissance, puisque te vl’a ! »
Mais qu’avons-nous fait de notre idéal de Progrès, de ce qui signifiait confiance en l’avenir, marche en avant ? Souvenons-nous, en 1969, de ce petit pas pour l’homme et qui était annoncé comme un grand pas pour l’humanité. Souvenons-nous du progrès et revendiquons-le ! Ne laissons pas mourir cette idée chère à nos parents, à nos grands-parents.
Le progrès est-il encore possible ? Sans doute. Un progrès humain, libérant l’homme de son asservissement à la technique, à la fatalité d’un modèle économique. Il faut mettre de l’humaniste dans l’idée de progrès. La dimension humaine n’est pas paramétrable sur des critères économiques. Plutôt que croître trop vite, approfondir et réinvestir des champs complets négligés pour une meilleure harmonie avec notre nature d’homme et notre environnement. Le progrès de l’homme n’est pas dans l’affirmation permanente et toujours plus forte de sa puissance. Le vrai progrès est ailleurs...
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