Cette année, comme depuis 1951, les Français célébreront le 8 mai, en référence à l’armistice qui signa la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945.
Qu’il soit de nature religieuse ou historique, on a trop tendance à se réjouir d’un jour férié en oubliant toute sa symbolique et/ou son origine. Que signifie le 8 mai 1945 ? La commémoration de la paix suite à la plus grande barbarie européenne ? La victoire du gentil Français sur le méchant Allemand ? La première option semble évidente. C’est pourtant bien la deuxième qui s’impose si l’on jette un oeil outre-Rhin où cette date est inconnue au bataillon. Mais où elle a, en revanche, cédé la place à un mea culpa latent et profond depuis plus de 60 ans. La France ayant préféré, à juste titre à l’époque, oublier cette sombre période avec cependant un post-it de rappel annuel dans son calendrier.
La fête est finie !
60 ans plus tard, que reste-t-il à fêter ? Une France qui croit avoir gagné - gagné quoi d’ailleurs ? Une France qui « n’a pas commis de génocide ni inventé la solution finale » comme l’a clamé haut et fort le nouveau président Sarkozy durant toute sa campagne électorale ?
On construit l’avenir sur son Histoire, y compris sur ses pages sombres. Mais à l’instar de la réunification allemande fêtée outre-Rhin, ne devrait-on pas fêter également en France des symboles de construction, de réunion, plutôt que des symboles guerriers qui, de toute façon gravés dans notre conscience collective, ne reflètent plus aujourd’hui qu’un fond de rancoeur avérée ou non, en l’occurrence à l’égard de l’Allemagne.
La question mérite enfin d’être (re)posée : faut-il supprimer le 8 mai comme jour férié ? Valéry Giscard d’Estaing, président de la République française entre 1974 et 1981, fut le seul à le faire en 1975, par souci de réconcilier les deux ennemis d’hier. Le jour redeviendra férié en 1981 avec l’entrée en fonction de François Mitterrand…
Travailler un jour de plus ?
« Supprimer un jour de congé, hors de question ! » Certains bondiront à cette évocation, votre serviteur y compris. Pourquoi pas alors le remplacer ? Les dates de remplacement ne manquent pas. Qui sait que le 9 mai est la fête de l’Europe ?
Les Français l’ont prouvé lors du débat autour du Traité constitutionnel européen, ils s’intéressent à l’Europe. Si seulement leurs dirigeants daignaient en parler avec pédagogie et non démagogie. Qui aura remarqué le cinquantenaire du traité de Rome cette année ? Alors même que l’Europe génère la plupart des lois qui dirigent notre quotidien. Cette Europe justement rêvée à haute voix par un certain Robert Schuman, le 9 mai 1950, où le père de l’Europe appela les nations d’Europe à surmonter les haines du passé pour mettre en commun leur bien le plus précieux de l’époque : le charbon. Ce qui allait amener à la création de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA).
Une évolution logique
Après les 50 ans du traité de Rome, en 2007, après un 60e anniversaire du débarquement allié célébré en 2004 en présence du Chancelier allemand Gerhard Schröder, le nouveau président Sarkozy, grand Européen autoproclamé, s’excuserait de la plus belle des manières pour ses dérapages verbaux de campagne à l’égard de l’Allemagne et lancerait un signal européen fort à quelques mois de la présidence française du Conseil européen en décidant de remplacer ce triste 8 mai par un 9 mai synonyme d’espoir pour nos grands-parents et d’avenir pour nos enfants ?
62 ans après ce deuxième armistice, l’heure n’est plus à la rancune ou à la stigmatisation. Ensemble, France et Allemagne se sont détruites pendant des années. Ensemble, elles se sont reconstruites ces 50 dernières années. Ensemble, elles se réinventent chaque jour en même temps que l’Europe. Qui réinventera le calendrier français ?