Christine Lagarde reine de la gaffe ?
Dans une interview au quotidien « the Guardian »,la directrice du FMI a appelé ce week-end les Grecs à prendre leur « destin en main » en s’acquittant notamment de leurs impôts, ajoutant avec un tact plus que discutable que les enfants démunis d’Afriques ont davantage besoin d’aide que la population grecque.
Ci-après l’article complet publié paru dans The Guardian.
Ce n’est pas tant les comparaisons déplacées, voir carrément choquantes, qui ont suscité une levée de bouclier sur sa page Facebook -littéralement incendiée par les internautes - mais surtout le contexte géopolitique dans lequel s’inscrit d’une telle déclaration qui marque au fer rouge un peuple déjà écorché vif. D’ailleurs le chef de fil du Parti socialiste (Pasok), Evangelos Venizelos, a accusé Christine Lagarde samedi soir d’avoir « humilié » le peuple grec et l’a appelée à « reconsidérer ses déclarations ».
Face à ce feu nourri de vives critiques, Christine Lagarde a écrit sur sa page facebook « Ainsi que je l'ai dit à de nombreuses reprises par le passé, j'éprouve beaucoup de sympathie pour le peuple grec et pour les défis auxquels il est confronté (...) Une part importante de cet effort réside dans le fait que chacun assume sa part du fardeau. ».
Dimanche matin, seulement 417 personnes disaient « aimer » cette mise au point alors qu'elle avait suscité plus de 7 900 commentaires majoritairement peu flatteurs, chiffres qui ne cessent d’augmenter d’heure en heure... http://www.facebook.com/christinelagarde
Cette "séance de rattrapage maladroite" est loin de convaincre visiblement.
Humilié le peuple grec ? On le serait à moins ! Et cela d’autant plus que la dirigeante du FMI a affirmé qu’elle n’entendait pas assouplir les termes du plan de rigueur imposé par la troïka à un pays pourtant déjà exsangue qui n’est pas parvenu à former un gouvernement de coalition et doit reconduire des élections législatives le 17 juin prochain. Ce nouveau scrutin a d’ailleurs fait plonger les marchés financiers dans un chaos et une panique immédiate cette semaine. L’euro a atteint vendredi son niveau le plus bas depuis le 6 juillet 2010, tombant vers 15h20 à 1,2496 dollar alors qu’il valait encore 1,33 dollar début mai.
Ce n’est pas tant la sortie anticipée de la Grèce de la zone euro mais l’effet domino sur des pays tels que l’Espagne, fortement fragilisée par ses actifs immobiliers risqués, mais aussi l’Italie, le Portugal… qui inquiète à juste titre les investisseurs. Le risque de contagion ne rassure pas les opérateurs sur les marchés financiers et ne favorise pas le retour de la croissance tant psalmodiée par notre gouvernement qui voit l’économie avec des lunettes rose bonbon.
D’un autre côté, si l’euro perd de l’altitude c'est plutôt positif car cela redonne du souffle aux exportations. Le taux de change trop élevé et un euro largement surévalué handicapaient lourdement la compétitivité des économies. Cela risque aussi d'attirer de nouveaux investisseurs. Revers de la médaille, cette chute renchérit le coût des importations, notamment des matières premières. Côté pile ou côté face, l'euro est de toute façon une monnaie commune qui plombe toutes les économies de la zone euro et celles de l'Union européenne.
Comme le démontre avec pertinence François Asselineau, Président fondateur de l’UPR (Union populaire Républicaine), la panique qui règne en zone euro a entraîné de facto une migration des comptes intra-zone euro qui a dépassé 1.000 milliard d’euros en raison d’une ruée vers les « Euros-refuges » situés prioritairement en Allemagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg.
Revenons un instant au rôle du FMI. Christine Lagarde, autrefois réputée pour ses talents dans la natation synchronisée et première femme à être devenue ministres des Finances dans une économie mondiale majeure, a une nette tendance tenir aujourd'hui le simple rôle de porte-parole d’une Troïka implacable au service des intérêts Etasuniens.
Car le FMI est avant tout un outil de pression considérable au service de Washington.
Pression sur la Grèce (déjà laminée), sur la Hongrie (jugée trop rebelle), sur l’Argentine (où le FMI va se rendre début 2013 officiellement afin d’y évaluer le système financier - car officieusement il s’agit de faire pression sur ce pays qui a décidé de nationaliser la compagnie pétrolière YPF filiale de Repsol - ce que déplore bien évidemment le FMI). Pression sur quiconque se met en travers des intérêts de l’oligarchie euro-atlantiste et de ses volontés d’hégémonie planétaire en affaiblissant les Etats-nations, particulièrement en Europe.
Les Etats membres du FMI ont décidé en 2010 d'imposer aux 25 pays ayant un système financier d'importance systémique l'obligation de se soumettre à une telle évaluation tous les cinq ans.
Le FMI ne cesse de pressuriser ces états afin d’engranger des milliards. Ainsi le Fonds monétaire international, au G20, a annoncé le 23 mai 2012 dernier que le total des contributions était monté à plus de 430 milliards de dollars.
« Trois absences notables » : les Etats-Unis, premier actionnaire du FMI, le Canada et le Mexique. Questionnée sur l’absence de contribution de la part des USA, la réponse de Christine Lagarde dénote du pouvoir absolu de ces derniers qui mènent la danse synchronisée du FMI. Selon elle "Les Etats-Unis participent d'une manière différente", a t’elle affirmé lorsqu’elle a été interrogée sur le refus de Washington d'apporter un seul dollar au FMI. "Ils ne peuvent pas pour le moment pour des raisons qui leur appartiennent", a t'elle ajouté (sic !).
“Les banques centrales prêtent déjà au Fonds dans le cadre des nouveaux accords d’emprunts et d’accords bilatéraux depuis 2009″, a rappelé le FMI. Mais pourquoi les banques prêtent-elles au FMI de l’argent qui sera ensuite prêté aux Etats avec un taux usuraire ? That is the question !
La réaction de l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing est on ne peut plus claire, (un Mea culpa tardif mais sincère ?) : « L’Europe est devenue une espèce de victime offerte à tous les sacrificateurs mondiaux, c’est insupportable ».
Un VGE visiblement très énervé par la visite jugée « inopportune » en Europe du secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, qui était venu rappeler les européens à l’ordre lors du sommet de Wroclaw en septembre 2009.
Dame Lagarde est donc dévouée corps et âme à cette institution où elle a remplacé Dominique Strauss-Kahn au pied levé, trop heureuse de retrouver ses amis américains et de quitter le joug pesant du gouvernement de Nicolas Sarkozy.
D’ailleurs elle ne s’est jamais cachée de son admiration sans borne pour les institutions américaines, la Maison Blanche en tête. Elle a été dithyrambique au sujet du 44ème Président des Etats-Unis Barack Obama. Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, le 5 novembre 2008, en faisant référence aux années 1990 quand elle dirigeait à Chicago le cabinet d’avocats international Baker & McKenzie, la ministre française avait avoué avoir soutenu le candidat démocrate à l’élection sénatoriale de l’Illinois. « On sentait déjà sous le jeune sénateur l’étoffe d’un grand bonhomme », avait-elle souligné alors.
Le fait est que la mise sous tutelle des pays d’Europe, et en particulier de la France, par la troïka et l'UE via Washington ne risque pas de changer sous la présidence de François Hollande. En digne européiste convaincu, il a sagement emboîté le pas de son prédécesseur face à Angéla Merkel puis lors du sommet du G8 ou devant "ses partenaires" de l’OTAN à quelques petites variantes près (coup de foudre avec Merkel, tombé de cravate de rigueur et accolade tactile avec Obama et retrait très partiel des troupes françaises basées en Afghanistan).
Non, le changement n’est pas pour maintenant ! Le retour à l’autonomie décisionnelle des pouvoirs exécutifs et léglislatifs français n'est pas pour demain non plus. Notre pays est vassalisé aux intérêts euro-atlantistes et aux diktats de la troïka via les décisions des technocrates Bruxellois à la solde de la Commission européenne.
Et ce n’est pas Christine Lagarde-à-vous devant Washington qui s'en offusquera.
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