Assurer le transport des enfants à l’école, conduire des personnes handicapées au nom de l’État pour deux euros de l’heure, c’est en Hongrie, en Lituanie ou en Slovénie que l’on trouve ces salaires pingres ? Loin s’en faut, cela se passe en Allemagne (de l’Ouest). Salaires de misère - vive le dumping salarial, et bonne année !
L’Allemagne a un nouveau scandale de dumping salarial : des conducteurs de bus, qui transportent des élèves et des personnes handicapées, un travail de responsabilité importante. L’entreprise où les heureux conducteurs travaillent s’appelle Sonnenschein (rayon de soleil) . Le salaire est inversement proportionnel au nom poétique qui suggère bonheur et chaleur humaine : le salaire maximal s’élève à 3,87 par heure, c’est ce qui est précisé dans deux contrats de travail qui sont présents au journal Frankfurter Rundschau. L’entreprise Sonnenschein conteste ce salaire.
D’après le syndicat Verdi, le salaire horaire réel est au-dessus de 2 euros. C’est le record actuel dans le dumping salarial en Allemagne, et il n’a pas lieu dans l’est de l’Allemagne comme on aurait pu le croire et où le niveau salarial est plus bas, mais dans l’ouest. L’entreprise a des sites dans des villes Warendorf, Offenbach, Mainz, Koblenz, Celle, Hanovre ainsi que Wuppertal et Leipzig.
Le conducteur L.M. travaille 15h par semaine pour un salaire brut de 250 euros par mois. D’après le syndicat Verdi, ce n’est pas le salaire réel, car les trajets entre l’emplacement des bus et le début du transport des voyageurs ne sont pas payés ce qui mène au salaire faramineux de 1,94 euro de l’heure. L’entreprise "rayon de soleil" riposte qu’elle paye un forfait qui inclut les frais pour ces trajets.
Ce qui est particulièrement intéressant est le fait que le client de l’entreprise est l’État comme des réseaux communaux, des villes et des fédérations régionales. À la demande de Verdi, des responsables administratifs déclinaient toute responsabilité. Les deux conducteurs de bus dont le contrat est présent au Frankfurter Rundschau sont des retraités (probablement des retraités pauvres qui ne peuvent vivre de leur retraite). Verdi a porté plainte contre Sonnenschein pour salaire indigne.
Après d’autres recherches, on se rend compte qu’il s’agit d’un scandale à plus grande échelle. La fédération LWL
[1] (cliente publique de
Sonnenschein) en savait beaucoup plus qu’elle n’a prétendu. Deux autres entreprises de transport en bus ont été trouvées qui paient des salaires horaires autour de deux euros :
Busverkehr Pader et
Kaiser Busse. Verdi a également porté plainte contre ces entreprises.
Ce qui est plus grave est le soupçon, que l’administration qui supervise les transports a été au courant de ces pratiques. La mère d’un garçon handicapée qui avait parlé avec des conducteurs de bus à plusieurs reprises s’était étonnée des nombreux changements de conducteurs et avait pour cette raison demandé des explications à cette administration. D’après la mère, c’était le salaire insuffisant qui était responsable du changement fréquent du personnel. L’administration n’a jamais répondu à ses lettres. En tant que mandataire public elle prétend n’avoir pas le droit d’exiger le respect de salaires conventionnels.
Ce serait aux politiques de changer cette situation, se dédouane-t-elle. Transporter des enfants et des personnes handicapées demande une grande responsabilité. Quel degré de responsabilité peut-on attendre pour deux euros de l’heure ?
Sources : Cet article est un compte rendu de deux articles (
1 et
2) du cotidien
Frankfurter Rundschau, parus les 11 et 19 décembre 2008. Depuis la parution de ces articles, ce scandale fait une apparition timide aux infos dans différentes chaînes de radio.
[1] Landschaftsverband Westfalen Lippe