De l’indépendance catalane
Face à l’organisation par les indépendantistes d’un referendum permettant l’expression libre du peuple catalan, la réponse d’un pouvoir central espagnol largement adossé à une monarchie obsolète s’est caractérisée par un matraquage policier et des violences rappelant les riches heures des répressions franquistes.
Cette violence s’est exercée au nom du respect de « l’État de droit » mais elle s’appuie sur une Constitution largement "questionnable" du fait de ses origines et de son contenu.
À propos du refus du référendum, les juristes sont d’ailleurs partagés entre ceux qui estiment que le droit à l’auto-détermination des peuples est un principe du droit international et ceux pour lesquels le principe de l’intégrité territoriale des États-Nations doit prédominer.
Nous observerons au passage qu’à propos du Kosovo un arrêt du Tribunal de la Haye a légitimé en quelque sorte les déclarations unilatérales d’indépendance : "Nous déclarons qu’aucune règle interdisant les déclarations unilatérales d’indépendance n’existe en droit international. Nous déclarons que lorsqu’il y a une contradiction entre la légalité constitutionnelle d’un état, et la volonté démocratique, cette seconde prévaut, et nous déclarons que, dans une société démocratique, contrairement à une dictature, ce n’est pas la loi qui détermine la volonté des citoyens, mais c’est elle qui crée et modifie la légalité en vigueur".
Le gouvernement Rajoy et son parti, le Parti Populaire, héritier d’une Droite ultra conservatrice, centralisatrice et nationaliste, comptent sur le soutien de tout ce que l’Espagne compte de réactionnaires et de nostalgiques du régime franquiste, mais ils bénéficient aussi de l’attitude ambiguë du parti socialiste espagnol (PSOE) et des sociaux-démocrates catalans, qui prônent la conciliation tout en rejetant catégoriquement l’indépendance.
Ce gouvernement a constamment refusé toute négociation, tout dialogue pouvant aboutir à un compromis avec les autonomistes catalans. Pire, il a fait annuler par une cour constitutionnelle inféodée le statut d'autonomie renforcée de la Catalogne qui avait été voté en 2006. Devant une telle attitude, les nationalistes catalans sont donc passés progressivement d'une demande d'autonomie réelle à une volonté de totale indépendance.
En France, une campagne médiatique indécente orchestrée par la presse mainstream et les organes officiels s’est développée pour excuser sinon légitimer le refus de tout compromis en évoquant la "nullité" constitutionnelle du referendum et le "jusqu’auboutisme" coupable des Catalans indépendantistes, volontiers présentés comme des "extrémistes radicalisés" pour avoir, en dépit du cadre constitutionnel espagnol, organisé une consultation démocratique.
Les mêmes milieux français, qui ont délibérément ignoré voici quelques années le résultat d’un referendum pourtant "constitutionnel" et sont passés outre au vœu majoritaire de la population, s’érigent aujourd’hui en défenseurs sourcilleux d’une légalité invoquée de manière aussi contradictoire que circonstancielle.
Des "experts" aux ordres et des économistes volontiers présentés comme patentés se sont succédé dans les lucarnes pour tenter d’effrayer, comme pour le Brexit, une opinion publique heurtée par la violence de la réaction madrilène et prête, pour une part non négligeable, à considérer comme justifiée la revendication catalane.
Ils ressassent à l’envi que le patronat et les banques quitteront, en cas de sécession, une Catalogne indépendante, tout en prédisant un chaos économique et financier généralisé.
Toujours en France, une sorte d’union sacrée se forme pour rejeter ou condamner les velléités indépendantistes des nationalistes catalans. On ne distingue plus ici la Droite, la Gauche et le Centre, l’extrême droite et l’extrême gauche, les Européistes convaincus et les souverainistes affirmés. Tous invoquent l’unité nationale et le principe d’indivisibilité de la nation. Dans ce contexte, la perspective d’une sécession de la Corse est évoquée comme une sorte de prélude au délitement de la France.
Pour sa part, l’Europe de la finance, des technocrates et des multinationales, entité supranationale de surcroît largement soumise aux intérêts de l’imperium américain, est écartelée entre son désir secret de voir les États-Nations se désagréger en régions plus faciles à contrôler, et la crainte dans laquelle elle se trouve de voir se démembrer les États-Nations qui la composent.
Au niveau international enfin, il est frappant de voir que le principe de la géométrie variable s’est, en matière d’auto-détermination des peuples, des ethnies et des régions, appliqué avec une régularité singulière. Les sécessions sont condamnées ou soutenues selon qu’elles concernent telle ou telle nation, tel ou tel État, tel ou tel camp, telle ou telle sphère d’influence. En la matière, la liste est longue à dresser des justifications contradictoires et des légitimations spécieuses. Sans faire référence aux indépendances relevant de la libération d’un joug colonial, les exemples abondent, dans les dernières décennies, en Europe même, de pays ayant acquis leur indépendance au détriment de l’État-Nation tutélaire avec ou sans la bénédiction des instances internationales et, de manière concomitante, avec ou sans l'autorisation de l'État central.
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