Déficit démocratique en Europe

La crise que traversent actuellement les pays du Vieux continent, est une crise non pas économique ou financière, mais une crise démocratique. Une crise de gouvernance. La crise d’un système en somme. Alors que nos ayatollahs mondialistes, adeptes de la méthode Coué, anesthésient jour après jour l’opinion publique à coup de « sommet de la dernière chance », et de « rencontre extraordinaire », une compréhension de la mécanique européenne est fondamentale pour initier un nouveau départ à nos sociétés sclérosées.
Sans rentrer dans les détails de l’origine de la crise financière, il ne fait aucun doute que le virage ultralibéral atlantiste adoptés par les hautes sphères européennes, a montré ses limites. Nous sommes trop endettés, nous avons laissé filer la dépense publique, et la France est incapable, dans le système actuel, d’assurer la survie de son modèle que de nombreux pays nous envient tant.
Un chef d’entreprise ayant failli se fait en général remercier eu égard à sa piètre gestion. Au niveau étatique, l’inverse se produit. Les dirigeants politiques peuvent faire les girouettes idéologiques, peuvent adopter une mesure et imposer son contraire quelque temps après, il ne sera nullement inquiété. Ainsi, au-delà de la crise économique, c’est bien une crise démocratique dont il s’agit. Quelle marge de manœuvre détient le citoyen lambda pour influer sur les décisions au niveau européen ? On ne cesse d’entendre dans les médias que nos dirigeants cheminent, qu’ils s’interrogent, se démènent mais rien de concret ne sort de ces discussions. Pourquoi ? Car le paradigme reste le même, les pyromanes se muent en pompiers.
Dès lors, que nous reste-il pour insuffler une direction nouvelle conforme à nos attentes ? La démocratie ou la révolte ?
Etant avant tout légaliste, je suis un partisan de la première solution. Mais est-elle seulement à notre portée ?
Les mesures régulatrices des secteurs financier et bancaire prises depuis quelques années sont pour certaines tuées dans l’œuf, et pour d’autres impropres à répondre de façon sensée à nos attentes. Or, si les textes émanaient des peuples européens, via leurs représentants légitimes au sein d’un processus parlementaire, les autorités européennes n’aurait d’autre choix que de s’exécuter face à la vox populi. Seul le processus législatif permet d’édicter des textes et règlementations, ayant valeur obligatoire. Ainsi toute la problématique repose sur le fait de savoir si le pouvoir législatif européen repose sur une légitimité démocratique. Une étude de la question montre que si démocratie il y a, elle apparait à un degré très lointain, reflétant ainsi la nature profondément technocratique de ce « fatra » supranational.
En vertu de l’article 2-1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s'ils sont habilités par l'Union, ou pour mettre en œuvre les actes de l'Union. »
Les compétences exclusives sont précisées par l’article 3 du TFUE. Il s’agit de l’union douanière, des règles de concurrence, de la politique monétaire, de la conservation des ressources biologiques, et de la politique commerciale commune. Ces compétences recouvrent toutes les prérogatives permettant à un Etat d’ajuster ses variables économiques en fonction de sa situation intérieure. Au-delà du fait qu’il est hérétique de vouloir appliquer des règles communes à des pays ayant naturellement des intérêts divergents, il est important de souligner le fait que l’UE dispose d’un monopole règlementaire sur des questions qui aujourd’hui sont au cœur de « la crise ».
Qui dispose du pouvoir législatif dans l’UE ?
On pourrait naturellement penser que ce rôle de législateur est dévolu au Parlement, officiellement représentatif des 500 millions d’européens. Officiellement seulement car cette institution ne représente en rien les intérêts des peuples européens, sinon ceux de quelques lobbys plus nombreux à siéger à Bruxelles que nos eurodéputés. Sans vouloir tomber dans l’abondance statistique, une étude de l’Eurobaromètre[1] publiée en février 2011, révèle quelques informations intéressantes. 39% des européens trouvent que l’UE ne prend pas la bonne direction (50% en France). 39% des français trouvent que le pays n’a pas bénéficié de son appartenance à l’UE. 46% des européens ne « sont plutôt pas d’accord » avec l’affirmation selon laquelle les intérêts de leurs pays sont bien pris en compte dans l’UE. Et plus révélateur encore 45% des européens déclarent ne pas faire confiance en l’UE…
Ces chiffres sont révélateurs de ce que l’on peut appeler le courant « eurosceptique ». Il semble représenter une part importante, et même grandissante au sein de chaque Etat membre. Cette humeur populaire devrait donc être représentée au sein du Parlement européen, afin que l’Europe prenne enfin la tournure sociale demandée avec tant d’insistance par ses citoyens. Il n’en est rien, les eurosceptiques ne représentent que 21% du Parlement européen[2].
Les élections des eurodéputés souffre en effet d’une profonde méconnaissance, et d’un lourd désintérêt reflétant l’absence de conscience européenne au sein de la population française, malgré les nombreuses déclarations officielles. Pour les élections européennes de 2009, le taux d’abstention s’est élevé à 59,37%, et le vote blanc à 4,30%. En d’autres termes 26,5 millions de français sur les 44 millions d’inscrits ne se sont pas prononcés pour élire nos eurodéputés. La « voix » française au Parlement européen, ou du moins sont soi-disant reflet, repose sur un socle de 17,5 millions de français, une goutte dans l’océan des lamentations qui submerge notre pays.
Le Parlement européen représente donc imparfaitement la sensibilité des peuples d’Europe. Mais même s’il reflétait à la perfection le paysage idéologique des citoyens, sa marge de manœuvre reste très étroite. En effet, le chevauchement des compétences au sein du triangle institutionnel européen (Commission, Parlement, Conseil) rend la classification entre pouvoir exécutif, législatif, et judiciaire obsolète. La Commission européenne, qui détient la compétence exécutive au sein de l’UE (au plan interne, par ses compétences d’exécution administratives et budgétaires, et au plan externe, par son rôle de négociateur des accords internationaux de la Communauté) dispose également du « monopole de l’initiative » en matière législative. Elle propose ainsi les textes, et définit leur base juridique qui détermine la procédure à suivre. C’est donc la Commission qui détient le pouvoir de règlementer et d’exécuter, les matières relevant des compétences exclusives accordées à l’UE. Le Parlement européen ne détient qu’un pouvoir de censure, lui permettant de rejeter un texte si 2/3 des députés se mettent d’accord.
La Commission, qui décide des orientations en matière commerciale, économique, et monétaire - orientations fondamentales à l’heure actuelle – détient-elle une légitimité démocratique ?
Cet organe est composé de 27 commissaires, à qui le président de la commission distribue un rôle particulier. Chaque commissaire est élu parmi le parti politique majoritaire du pays qu’il représente. Ainsi, pour la France, Michel Barnier membre de l’Union Populaire Républicaine, est en charge du portefeuille « marché intérieur et services » au sein de la Commission.
Les commissaires européens tirent donc leur légitimité, de leur nomination unilatérale par le Président de la République, qui lui-même ne semble pas représenter parfaitement la société française. Quelle position va-t-il défendre au sein de la Commission ? Cette position a-t-elle était présentée au peuple français ? Alors que la Commission européenne décide de tout dans notre pays, ces pouvoirs quasi régaliens ne reposent que sur une infime couche démocratique que l’on retrouve, comme pour un très lointain cousin, au 4ème ou 5èmedegré. Ce n’est plus un déficit démocratique mais un gouffre. Les peuples n’ont aucune prise sur le processus règlementaire, on ne leur soumet aucun programme, ils ne valident aucune proposition, ils ne définissent aucune orientation. Ils subissent…
La légitimité en terre européenne est passée de démocratique à technocratique. Les experts ont la voie royale. Mais force est de constater que leur expertise s’est révélée efficiente dans l’échec. Le processus décisionnel ne prend pas sa source dans la population, mais plutôt dans les 5000 lobbys officiellement enregistrés au Parlement, qui influencent également le travail des commissaires[3].
Vous croyez en une nouvelle Europe ? Belle chimère à l’heure actuelle. Nous sommes des cocus masochistes. Votre compagnon (ou compagne) vous trompe, vous trouvez cela scandaleux, mais plus il (ou elle) vous trompe, et plus vous croyez qu’il (ou elle) changera.
Alors que nous reste-t-il, citoyen lambda, pour insuffler un vent nouveau à ce machin européen, si la voie démocratique nous est fermée ?
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