Europe : 25, stop ou encore ?
La Bulgarie et la Roumanie ont beau ne pas être tout à fait prêtes à entrer dans l’UE, comme l’indiquent les rapports d’évaluation rendus publics hier à Strasbourg, la Commission européenne, toujours dans sa démarche idéologique et sans tirer les conséquences du non qui souhaitait une Europe avec des frontières, soutient sans faillir leur adhésion dès le 1er janvier 2007. Bruxelles aurait pu repousser d’un an ce cinquième élargissement...
Mais déjà ces deux pays profitent des faiblesses de la construction européenne, qui n’est plus qu’une simple zone de libre-échange sans projet politique, sauf à ajouter sans cesse de nouveaux adhérents. Mais, comme bien souvent, les annonces officielles sont contredites par la réalité.
Un exemple récent, les conditions d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, qui seront, nous dit-on, très sévères, la commission à cette occasion montrant de gros muscles en... yaourt, sans doute.
Car la Roumanie actuellement manque de bras pour cause d’exode de sa main-d’œuvre vers les pays de l’UE.
Les ouvriers roumains profitent déjà du laxisme des conditions de circulation dans l’UE.
D’abord, en 2002, l’Europe a supprimé les visas d’entrée pour les Roumains et à partir de cette date, les Roumains ont commencé à immigrer en masse. Un chiffre incroyable, vous lisez bien, près de deux millions de Roumains seraient déjà en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Irlande et en France
L’ouverture des frontières qui a précédé l’adhésion du pays a déjà bénéficié à la Roumanie, qui connaît un boom économique sans précédent. En 2000, le taux de chômage avoisinait 10 % et le budget de l’Etat croulait sous les demandes d’aides sociales. La Roumanie était en pleine restructuration, et les anciennes entreprises d’Etat fermaient les unes après les autres. Cinq ans après, la situation est radicalement différente. Le pays connaît un boom économique, avec une croissance avoisinant 8 % par an, et le chômage passera bientôt sous la barre de 5 %. Les compagnies étrangères débarquent en masse et cherchent de la main-d’oeuvre. La modernisation des infrastructures routières, financée en grande partie par l’Union européenne, réclame également des ouvriers.
Mais aujourd’hui, la situation devient très paradoxale, la Roumanie manque de bras roumains, l’émigration ayant également causé de nombreux dégâts sociaux collatéraux. Les émigrés ont souvent laissé leurs enfants au pays, ce qui provoque une hausse des cas de délinquance juvénile et d’inadaptation à l’école, notamment dans le Nord-Est, d’où sont originaires beaucoup d’expatriés.
L’adhésion à l’Union européenne pourrait accélérer les départs. Certains pays, comme l’Italie ou la Finlande, ont annoncé que les travailleurs roumains et bulgares bénéficieraient de la libre circulation dès le 1er janvier 2007, au contraire de la Grande-Bretagne, qui referme les portes qu’elle avait ouvertes aux pays de l’Est intégrés en 2004. Ayant accueilli, depuis, près de 430 000 Polonais, Tchèques ou Baltes, Londres n’accordera qu’un "accès très progressif" aux Roumains et aux Bulgares.
En privé, des officiels roumains reconnaissent, eux, qu’une nouvelle vague de départs nuirait au pays. "Il manque déjà 100 000 personnes dans le secteur du bâtiment, et nous aurions besoin de plusieurs milliers d’infirmières dans les hôpitaux. Si l’Europe ouvre grandes ses portes aux ouvriers roumains, qui sont assez bon marché et qualifiés, je ne sais pas comment nous allons faire."
Face à ces départs, l’industrie textile commence à recruter des Chinoises. Payées 250 euros par mois, elles gagnent trois fois plus qu’en Chine. D’autres sociétés embauchent des Moldaves, des Ukrainiens ou des Turcs. Petit à petit, la Roumanie se prépare à devenir un pays d’immigration !
Voilà encore une fois Bruxelles et les gouvernements qui soutiennent sa politique face à leurs propres contradictions, encourageant cette mondialisation horrible qui continue de déporter des millions de gens au gré des exigences économiques de quelques-uns.
Alors que les pays de la zone euro s’enfoncent dans la stagnation économique au prix du moins-disant social, les pays comme la Roumanie et la Bulgarie vont contribuer encore plus largement, par leur adhésion, à déséquilibrer l’Europe des 25, qui n’avait pas besoin de cela.
A quoi sert-il de voter ? A quoi au juste les Français et les Hollandais se sont-il opposés, sinon à l’affaiblissement de l’Europe ? Non, Monsieur Barroso, soutenu par son grand ami Monsieur Trichet, sourds ou autistes, ces bien pensants continuent à tracer la même voie, obtus jusqu’au ridicule et navrants, sans se préoccuper de la santé économique actuelle de l’Europe ni des dégâts sociaux collatéraux.
La Roumanie et la Bulgarie auront toute leur place dans l’Europe des nations que nous souhaitons reconstruire, bâtie avant tout sur une solide préférence communautaire. Emmanuel Todd ne disait pas autre chose. Pourquoi être emporté par les fausses chimères de la mondialisation, tel Ulysse attiré par les sirènes, l’éloignant davantage encore de sa chère Pénélope, au lieu de s’orienter énergiquement vers un marché communautaire qui fait quand même 450 millions de consommateurs ?
D’abord, que la Roumanie arrête de recruter des Chinoises, et qu’elle fasse rentrer sa main-d’oeuvre nationale, dont elle a impérativement besoin pour se développer harmonieusement. Ce serait, pour nous, un premier pas vers une adhésion acceptable pour nous, les Européens d’Europe.
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