« Fait néant » : le peuple ou les rentiers ?
Avec les règles en vigueur dans une économie capitaliste, accroissement du bénéfice par la compétitivité, tous les acteurs économiques se doivent de fonctionner selon la même logique : « bouffer ou se faire bouffer ». Ces règles prévalent sur toutes les autres et s’appliquent, en ultime recours, aux Etats souverains et aux grands acquis sociaux de ces derniers siècles. Pour qu’un Etat soit compétitif, il se doit de maintenir une balance courante en équilibre : des entrées en capitaux, biens et services en équilibre avec des sorties en capitaux, biens et services. Dans cette équation économique, les leviers d’actions des Etats sont l’impôt, les taxes à l’import export et le taux de change de sa monnaie. Leviers d’actions qui, rappelons le, possèdent comme unique source d’inspiration ou force motrice, la productivité compétitive pour le capital : produire plus, mieux et moins cher par rapport aux concurrents.
En rapportant cette équation aux pays de l’Eurozone, le taux de change comme levier d’action saute. Un Etat ne peut plus dévaluer sa monnaie pour faire face à son déficit budgétaire. Une balance courante déficitaire (endettement supérieur à la production de richesses (PIB)) pour un Etat de l’Eurozone laisse comme seul échappatoire les variables taxes et impôts. Dans une économie capitaliste, l’Etat ignore totalement ou feint d’ignorer qu’il n’est plus souverain depuis le temps où il a cédé sa monnaie à la gestion froide du capital (1) - par définition non ou très peu taxable. Ce que l’Europe appelle « rigueur budgétaire » ou que le FMI appelle « plan d’ajustement structurel » n’est autre qu’un « pressage de la force de travail au bénéfice du capital ». C’est kif-kif bourricot. C’est ce qui se passe en Grèce aujourd’hui et c’est ce qui se passera en Espagne demain. Le cas de l’Espagne est même plus grave vu son très haut taux d’endettement immobilier. Un immobilier non exportable, non compétitif et hautement spéculatif ! (2). Le cas de l’Espagne est assez comparable à celui des Etats-Unis, présence politique et monétaire mondiale en moins…
Mais revenons à
La productivité ne concerne pas seulement le temps de travail presté mais aussi les salaires et les prix à la consommation. Salaires et prix qui sont bien plus fixés par des accords oligopolistiques que par la fameuse libre et saine concurrence (4). Cette tendance est par ailleurs exacerbée par une politique germanique de modération draconienne des salaires via notamment la mise en place de bourse d’emploi - salaire en ligne permettant aux entreprises de recruter ceux qui sont prêt à travailler à la plus faible rémunération. Raison pour laquelle l’Allemagne a tant freiné et maugréé pour l’octroi d’une aide au peuple Grec qui a pu bénéficier d’une meilleure présence syndicale et donc de salaires plus décents mais malheureusement au détriment d’une politique budgétaire peu orthodoxe, pour ne pas dire capitaliste.
A cause de grandes différences dans la fixation des salaires, le coût unitaire de travail Grec à grimpé de 30% depuis le début de l’Union Monétaire - l’augmentation en Italie, Espagne, Portugal et Irlande étaient même plus élevée - alors qu’en Allemagne, il n’a augmenté que de 8%. La fixation monopolistique des prix est tout aussi critique car elle permet aux entreprises de faire l’impasse sur les salaires tout en jouant sur les délocalisations, les montages fiscaux et financiers (5). De telles divergences de prix et salaires ne peuvent être viables au sein d’une union monétaire dans laquelle les ajustements sur taux de change ne sont plus possibles (3).
Dans une économie globalisée où le capital est institutionnellement déclaré libre comme le vent(6), il ne faut pas s’étonner de le voir aller et venir comme celui-ci. Le capital n’a que faire des salaires, des hommes où de la planète. Son autocroissance est sa seule et unique préoccupation. A l’image du vent, le capital se déplace des zones de hautes pressions aux zones de basses pressions de protection fiscale, sociale et environnementale. Ainsi, tant que la conjoncture est à l’euphorie et à l’allocation de crédits, il afflue, mais dès que le soufflé retombe, il se retire sans gratitude et sans états d’âmes. Il se cherche alors une nouvelle place au soleil dans de merveilleux petits paradis fiscaux (7) tout en dénonçant vertement les orgies auxquelles il vient tout juste de participer.
Les caisses de l’Etat (les contributions du peuple pour recevoir un service public décent) sont effectivement vides mais celles des grands capitalistes de ce monde sont pleines ! Plus que pleines ! Elles débordent. Le top 1000 des milliardaires de la planète a vu sa fortune augmenter de 30 % l’année dernière. La fortune de Lakshmi Mittal a doublé en 1 an. En Belgique, les actifs financiers sont passés de 710 milliards à 715 milliards de fin 2007 à fin 2009 (8). Les banques sont sorties de la crise, elles enregistrent des bénéfices plantureux et allouent déjà des bonus faramineux à leurs traders.
Comment ne pas faire le rapprochement avec la crise Grecque et celles des Etats ? Les richesses existent, elles sont dans les poches d’une petite poignée d’individus dont le nombre n’atteint même pas le nombre d’enfants mourant de faim par jour !
Est-il si difficile de comprendre que le citoyen se fait saigner à blanc par le principe de rémunération du capital ? Il suffit de lire Helmut CREUTZ (Allemand) ou même George SOROS (spéculateur de haut vol) pour comprendre. N’est-ce pas George SOROS lui-même qui a un jour dit «
La crise c’est bon pour les rentiers ! Tout ce qui est injecté à grand renfort de restrictions budgétaires et de raclement de la masse laborieuse se précipite illico dans les poches du grand Capital ! Raison pour laquelle ce n’est pas le dogme inflationniste qui menace mais déflationniste. La crise que nous connaissons est une crise structurelle. Il faut casser la camisole de force pour ne pas boire la tasse. Passer par une dislocation géopolitique mondiale est aujourd’hui salutaire.
Adieu nos institutions ploutocrates globalisée (ONU, OTAN, UE, OMS, OMC, Codex, OIT, FMI, etc.), bonjour la solidarité humaine et locale retrouvée. Ce n’est pas le chaos mais un passage obligé, une nouvelle naissance. Il est temps que la chenille se transforme en papillon. Oui, entre les deux il y a la chrysalide, pas franchement marrant mais il faudra passer pas là (émeutes, révoltes et peut-être du sang).
« La faillite d’un pays ne peut exister ailleurs que dans la tête des financiers.
Une fois la monnaie réduite à néant, c’est tout ce qui reste qui fait la valeur d’un pays. »
Junon MONETA (9).
Notes
(1) www.public-debt.org & www.public-debt.org/soutien.php ?a=go
(2) Le risque des Euro-divergences : le cas exemplaire de l’Espagne, par Martin Wolf
(4) DOGME 6 : « Libre expression de la concurrence »
(5) Les astuces fiscales d’Electrabel
(6) Article 56 du traité de Lisbonne. Cfr. Article Un NON venant de l’IRLANDE un VENDREDI 13, quel symbole !
(7) Les paradis fiscaux, pierre angulaire du système. Les entreprises du CAC40 (qui ne sont donc que 40) possèdent 1470 filiales dans les paradis fiscaux. 50% des flux financier mondiaux annuels transitent par des paradis fiscaux.
(8) Les Belges un peu plus riches qu’avant la crise
(9) Junon MONETA : La faillite de la Grèce ou celle de l’Europe ?
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