Hongrie : une nation contre le mondialisme
Dans bon nombre de pays, le traditionnel clivage gauche-droite est en passe de s’estomper au profit d’un affrontement entre partisans de l’Etat nation et auxiliaires, la plupart involontaires et/ou inconscients, d’un mondialisme qui avance masqué. En Hongrie, cette lutte a pris une tournure sans précédent, en devenant le thème central de la campagne des élections législatives, au programme du dimanche 8 avril. Cela, sur fond de refus de l’accueil des migrants imposé par Bruxelles.
Pour comprendre la Hongrie d’aujourd’hui, il faut commencer par rappeler les grandes lignes d’un passé tourmenté. Le site Europa Planet le résume de façon aussi brève qu’explicite : « L'histoire de la Hongrie est marquée par une suite d'invasions et de dominations étrangères : les Mongols au XIIIème siècle, les Turcs pendant 150 ans aux XVIème et XVIIème siècles, les Autrichiens ensuite jusqu'à la Première Guerre mondiale, et enfin, les Soviétiques de 1945 à 1990. ».
On ne s’étonnera donc pas que ce petit pays ait trois fêtes nationales dont deux rappellent des insurrections : le 23 octobre en souvenir de la révolution de 1956 : le 15 mars, date du soulèvement contre la domination autrichienne des Habsbourg, en 1848 ; le 20 août, date de la canonisation, en 1083, du roi Etienne 1er.
Le 15 mars de cette année revêtait une importance particulière, puisqu’il correspondait au 170e anniversaire de la révolution de 1848 et qu’il se situait à moins d’un mois des élections législatives. Ce fut l’occasion d’un impressionnant rassemblement populaire et d’un grand discours patriotique du premier ministre :
« Les forces nationales et mondialistes ne se sont jamais si ouvertement confrontées. Nous, les millions de patriotes, sommes d’un côté, et de l’autre, il y a les élites des citoyens du monde. Nous qui croyons aux États-nations, à la défense des frontières, à la famille et à la valeur du travail, nous sommes d’un côté. Et nous nous opposons à ceux qui veulent une société ouverte, un monde sans frontières ni nations, de nouvelles formes de famille, un travail dévalorisé et des travailleurs bon marché – tous régis par une armée de bureaucrates insaisissables. D’un côté, les forces nationales et démocratiques, et de l’autre côté, les forces supranationales et antidémocratiques. »
L’aveu de Peter Sutherland
Dans la ligne stricte de l’orthodoxie mainstream, le Courrier d’Europe centrale a rendu compte de ce qui était un véritable plaidoyer, sous le titre « Viktor Orbán a délivré un discours martial, messianique et paranoïaque », avant de préciser « Bruxelles veut changer la population de l’Europe », a-t-il affirmé dans une diatribe qui le place loin à l’extrême-droite sur l’échiquier politique européen. Le dirigeant hongrois reprend à son compte la théorie de type conspirationniste du « grand remplacement » qui a cours dans les milieux d’extrême-droite, selon laquelle les élites libérales chercheraient à substituer une population non-européenne à la population blanche et chrétienne d’Europe ».
…à la population blanche et chrétienne d’Europe… de l’aveu même, pourrions-nous enchaîner, d’un certain Peter Sutherland qui, le 20 juin 2012, déclarait devant une commission de la Chambre des Lords : « il faut détruire l’unité interne des nations européennes (« to undermine national homogeneity of european nations ») afin de les ouvrir à l’immigration de masse, changer la structure de leur population, et générer ainsi plus de croissance économique. » ? Hervé Juvin qui rapporte le propos dans La Grande Séparation (éd. Gallimard, 2013) ajoute : « Il proposait en modèle à la Chambre des Lords, les Etats-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, trois sociétés de migrants mieux adaptées au changement que les sociétés d'indigènes que demeurant les sociétés européennes. »
Or, ce Peter Sutherland (qui préconisait ni plus ni moins que le Grand Remplacement, si les mots un sens), décédé en janvier de cette année, était un cador de l’oligarchie politico-financière. Certains le qualifiaient de père de la mondialisation et on peut dire qu’il a pleinement rempli son rôle en étant, tour à tour ou simultanément : — président de Goldman-Sachs International ; commissaire européen ; secrétaire-général fondateur de l’OMC ; directeur du GATT ; président de la section Europe de la Commission trilatérale ; président de British Petroleum (BP) ; membre du comité directeur du groupe Bilderberg ; représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour les migrations internationales ; directeur de la Commission International Catholique sur la Migration ; conseiller pour la gestion du patrimoine du Saint-Siège, entre cent autres fonctions d'à peine moindre prestige...
Un complot… à ciel ouvert
S’agirait-il du fameux complot dont (presque) tout le monde parle ? Pas du tout. S’il y a complot, il est « à ciel ouvert » comme l’écrit Philippe de Villiers dans Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu (Albin Michel, 2015). Et ce qu’il a vu le 17 mars 2007, ce sont les maîtres du monde et leurs laquais, au cours d’un de leurs raouts annuels, au palais européen, à Bruxelles. Sutherland y prendra la parole en sa qualité de président de la section Europe de la Commission trilatérale. A propos de l’assistance, Villiers remarque :
« On retrouve presque les mêmes membres qu'au groupe de Bilderberg ou au forum de Davos. L'engagement de confidentialité signé par les membres et l'absence de la presse assurent à tout ce petit monde la liberté de parler sans précaution, de tisser des liens tous azimuts, d'échanger sur tous les sujets stratégiques (…) Toutes ces arènes confidentielles sont puissantes. Leurs membres appliquent la même feuille de route. Peu visibles mais pas vraiment secrètes. On ne peut pas dire qu'elles complotent, ou alors il conviendrait de parler d'un complot à ciel ouvert. Certes, tous ces cénacles toisent les peuples. Mais ils ne cherchent pas à se dissimuler, leurs identités, leurs agendas, leurs objectifs sont publics, en ligne, revendiqués et assumés. Et s'ils ne se cachent pas, c'est parce qu'ils ont déjà le pouvoir. Le pouvoir d'influence. »
Face à ce tentaculaire mastodonte, la petite Hongrie (moins de 10 millions d’habitants, moins de 100'000 km2), c’est le pot de fer contre le pot de terre. Il n’y a pas de hasard dans le fait qu’Orbàn doive faire face, outre aux partis politique d’opposition, à l’hostilité active d’ONG pro-U.E. et pro-migrants, soutenues et financées par l’Open Society Foundations, de Georges Soros, multimilliardaire d’origine hongroise, dont le jeu politique, dans les PECO, depuis le début des années 2000, est particulièrement trouble, de la Slovénie à la Géorgie, en passant par le Macédoine, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie, l'Ukraine…
Après avoir reconnu publiquement son « soutien » à la révolution orange, en Ukraine, Soros, ennemi à la fois de Donald Trump et de Vladimir Poutine, exprimait ses craintes dans une interview publiée par la Financial Times du 15 janvier, à propos de l’état de la planète : « L'idéologie dominante dans le monde est aujourd'hui le nationalisme. (…) C'est l'Union européenne qui est sur le point de s'effondrer. Et la Russie est un pouvoir en pleine renaissance, basé sur le nationalisme. »
Ce qui est pour le moins un constat d’échec partiel dans le cadre de ce qu’Orbàn définissait, le 13 mars comme une lutte civilisationnelle, dont « l’Europe et la Hongrie sont à l’épicentre ». Et cet échec partiel pourrait être conforté par une nouvelle victoire électorale, la troisième, du premier ministre magyar. Il est d’autant mieux placer pour la remporter que l’opposition, dans sa diversité, est affaiblie par l’absence d’un leader capable d’inquiéter Viktor Orbàn, à un moment où ceux qui sont attentifs aux grands enjeux planétaires ont les yeux fixés sur la Hongrie.
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