L’Europe est morte, vive l’Europe !
Il existe une seule et unique façon de sauver l’Europe du naufrage : s’attacher à établir, dans son fonctionnement et dans la formulation de ses ambitions, une démocratie sans faille.
L’Europe anti-démocratique est morte !
Rendons-en grâce aux Irlandais qui, démocratiquement, ont rejeté le Traité de Lisbonne.
Ceux qui, aujourd’hui, s’insurgent contre ce petit pays qui a tant bénéficié de la générosité européenne, devraient se demander combien, parmi les peuples de l’Union se seraient prononcés contre ce texte illisible de 350 pages, si on leur avait donné l’occasion de s’exprimer à son sujet : cinq, dix, quinze, davantage encore ? Ceux qui critiquent les Irlandais doivent se souvenir qu’ils ont exercé un droit imprescriptible, et que ce droit n’a pas été accordé aux autres peuples de l’Union.
On se demande encore aujourd’hui quelle mouche a piqué les gouvernants européens en refusant d’associer leurs concitoyens à cette étape décisive de la construction européenne. Partant de bons sentiments, ils ont donné l’impression qu’ils craignaient l’opinion de leurs propres peuples. Oubliant qu’on ne fait le bonheur d’autrui contre sa volonté, ils ont accru le divorce, depuis longtemps visible, entre les peuples de l’Union et les institutions européennes. L’équation est pourtant simple : L’Europe exclut les citoyens ? Les citoyens tournent le dos à l’Europe !
Que l’on cesse de se mentir, ce divorce est profond, peut-être irréparable. Les Français et les Hollandais se souviendront longtemps du mépris dans lequel ils ont l’impression d’avoir été tenus. Ils se sont prononcés contre le Traité constitutionnel, et, en dépit d’une volonté clairement exprimée, on a tenté de le leur imposer par un tour de passe-passe dont personne n’a été dupe.
Après l’échec du Traité constitutionnel, la sagesse eut voulu que l’on s’arrête et que l’on prenne le temps nécessaire à la réflexion pour dégager une voie nouvelle. C’est dans ce but que nous avions conçu le site : www.democratie-européenne.org.
Le vice-fondateur de l’Europe tient au fait que, depuis le début, les peuples ont été tenus à l’écart d’une aventure politique qui les concernait au plus haut point. La seule façon de mettre un terme à ce divorce eut été de confier aux peuples ou à leurs représentants la tâche de rédiger la Loi fondamentale de l’Union européenne. On n’a pas voulu entendre la voix de la sagesse, on s’est précipité contre le mur.
Nous devons nous souvenir que les Irlandais, sur lesquels on jette aujourd’hui l’anathème, ont rendu à la démocratie européenne un immense service.
Si la vieille Europe est morte, l’Europe démocratique vient de naître. Il reste à espérer que l’on n’écoutera pas la voix de ceux qui, une fois de plus, voudraient imposer, par un nouveau tour de passe-passe, un troisième traité à peine modifié. Ce serait ajouter de l’acharnement à l’aveuglement.
Depuis le début, l’Europe a deux grands défis historiques à relever : la paix sur le continent, et la gestion de l’extrême diversité.
Les optimistes diront que le premier de ces défis a été relevé avec succès. Les réalistes constateront que si la réconciliation franco-allemande est l’œuvre des pères fondateurs de l’Europe, la paix sur le continent est plutôt le résultat de facteurs qui échappent à la volonté des Etats, c’est-à-dire principalement le besoin de stabilité politique pour assurer le développement économique. Ils constateront aussi que la seule fois où l’Europe a été confrontée à une situation de guerre, en ex-Yougoslavie, les Etats membres de l’Union ont été incapables de formuler des principes clairs sur lesquels ils auraient pu s’entendre afin d’unir leurs efforts et imposer la paix.
Quant à la gestion de l’extrême diversité, on a le sentiment que les dirigeants européens n’ont même pas pris la mesure des immenses difficultés qui nous attendent sur le chemin de l’unité politique. Aucun des Etats membres de l’Europe, à l’exception du vieil Empire austro-hongrois, condamné depuis longtemps par l’Histoire, et de la petite Helvétie, dont le succès politique devrait nous inspirer, n’a pris la mesure du tour de force qu’implique la gestion d’un ensemble politique comprenant 27 nations, presque autant d’ethnies, de langues, de cultures et de tradition différentes.
Les grandes nations, comme la France ou l’Allemagne, rêvent de faire de l’Europe le bras armé de leurs ambitions à l’échelle mondiale. Mais les petites nations craignent par-dessus tout d’être englouties par une avidité de puissance dont elles n’ont que faire. Les pays de l’Est européen, qui ont connu les deux pires tyrannies de l’Histoire, deux tragédies qui sont l’une et l’autre l’œuvre de l’esprit européen devenu monstrueux, veulent que l’Union soit le garant, avec l’Otan, de leur liberté retrouvée. Les peuples du Nord de l’Europe voient dans l’Europe un moyen de promouvoir et de garantir la vigueur de leur esprit démocratique. Quand, en Grande-Bretagne, son souci principal est de conserver sa spécificité, tout en ne se laissant pas exclure d’un espace économique essentiel pour elle.
Et l’Union européenne dans tout ça ? Elle sera ce que les peuples décideront d’en faire, dans le respect de leurs spécificités. Mais d’ores et déjà on sait que l’Europe ne sera le bras armé d’aucun Etat nostalgique d’un passé révolu ; que les pays de l’Est européen devront accepter de perdre un peu de leur autonomie ; que les peuples du Nord de l’Europe devront apprendre à cohabiter avec des nations pour qui la démocratie n’est guère plus qu’un vernis. Quant à la Grande-Bretagne, si elle désire peser sur les décisions de l’Union, elle devra s’engager de tout son poids, avec toute son intelligence et son pragmatisme.
Afin de se doter d’institutions qui leur permettront d’exercer leurs droits souverains et de choisir un destin commun, les peuples devront accepter que l’Assemblée européenne se charge, en leur nom, de rédiger une loi fondamentale, qui leur sera soumise par référendum. Cette loi sera, dans son principe, l’expression de toutes les raisons positives que nous avons de vivre ensemble. Elle ne préjugera en aucun cas des pouvoirs que les peuples voudront bien, à l’avenir, déléguer à l’Union, mais elle dira clairement de quelle façon les peuples de l’Union seront associés à l’élaboration de chacune des étapes de la construction de l’Europe.
Quel sera, dans ces conditions, le destin des traités précédemment ratifiés, le Traité de Rome, le Traité de Schengen, le Traité de Nice ? Ils ne pourront en aucun cas être inscrits dans la loi fondamentale. Ils devront être intégrés dans le corpus législatif européen comme des lois ordinaires, révisables à tous moments par la volonté des peuples, pourvu que l’initiative de ces derniers soit entérinée par une double majorité du peuple européen et des Etats qui composent l’Union.
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