La désintégration programmée de l’Union européenne
Les élargissements successifs incontrôlés générateurs d’hypertrophie et de blocage, le déni de démocratie synonyme de défiance des peuples qui la composent, les coûts exorbitants et croissants de son fonctionnement sans véritable contrepartie aujourd’hui et la promesse chaque jour un peu plus démentie d’un euro protecteur et fédérateur ont amené l’Union Européenne dans une situation proche de celle de l’Union Soviétique à la fin des années soixante-dix. La crise financière et les choix politiques et économiques désastreux qu’elle impose maintenant aux états membres pour y remédier l’entraînent désormais inéluctablement dans une spirale descendante dont la seule issue possible est son effondrement d’ici une dizaine d’années.
Je tiens tout d’abord à préciser que mon billet s’appuie très largement sur les données rassemblées et les concepts développés par François ASSELINEAU président de l’ UPR, 60 avenue de la République - 75011 PARIS. Mon but ne sera donc pas de les justifier en détail, François ASSELINEAU l’ayant déjà fait avec une très grande clarté je vous invite à découvrir sa démonstration sur le site www.u-p-r.fr, mais plus modestement d’en développer certains aspects afin d’en tirer les conséquences à moyen terme.
Les fondements conceptuels de cette analyse issus de la réflexion de François ASSELINEAU sont l’entropie, la force de cohésion, l’auto-blocage et l’uniformisation. Tous les systèmes de l’Univers tendent à long terme à augmenter leur entropie c’est-à-dire se complexifier et dégrader leur énergie. Plus un système est complexe et plus l’énergie de liaison nécessaire à sa cohésion est importante et plus l’énergie permettant de le fragmenter est faible, à contrario la fusion de deux éléments simples requiert une énergie très importante. La notion d’auto-blocage s’illustre par le fait que plus le nombre de décideurs au sein d’un groupe augmente et plus leurs intérêts divergent, alors plus les décisions sont difficiles à prendre et moins elles sont efficaces. L’uniformisation qui a pour conséquence la perte de la diversité signifie qu’un système diminue sa capacité à explorer de nouvelles possibilités et à résoudre les problèmes à mesure qu’il réduit ses différences internes.
Rapporté à notre sujet, cela veut simplement dire que le maintien en l’état d’un système aussi complexe que l’UE consomme une quantité de ressources considérable (estimée en 2009 par les britanniques et les allemands à 4,5% du PIB) et que sa complexification au travers de la croissance - exponentielle faut-il préciser- d’une réglementation déjà pléthorique (220.000 pages en 2009) entraîne la croissance sans limite de sa consommation de ressources. Ajoutons à cela la création d’institutions toujours plus nombreuses et l’intégration de nouveaux membres, alors chaque année qui passe demande plus d’efforts tout en rendant plus difficile les décisions efficaces. Le paradoxe est que nous avons un système qui est condamné à consommer toujours plus de ressources pour toujours plus se scléroser, c’est une caractéristique partagée avec la défunte Union Soviétique. Sa viabilité dépend donc de la capacité de ses Etats membres à produire la quantité de ressources nécessaire à son développement c’est-à-dire à générer une croissance économique suffisante, qu’une stagnation durable survienne et le système court à sa perte.
Revenons maintenant au sujet : que s’est-il passé de nouveau qui permettre d’inférer que l’UE a commencé son processus de désintégration ? Trois faits majeurs ont définitivement déséquilibré une construction à vrai dire bancale dès l’origine et une cause externe garante de son existence s’affaiblit rapidement :
- La création de la monnaie unique
- L’élargissement massif et rapide à l’est de l’Europe
- La crise financière mondiale
- Le déclin américain et le basculement du monde
La monnaie unique devait, nous a-t-on expliqué doctement, entraîner la convergence des économies et améliorer la résistance des pays concernés vis-à vis de l’extérieur. Il n’en a rien été - la zone euro est la plus touchée - et il ne pouvait pas en être autrement car une monnaie unique ne peut fonctionner que dans une zone économique optimale, autrement dit la monnaie unique est une conséquence de l’optimalité et non l’inverse comme on nous le répète depuis dix ans. Qu’est-ce qu’un zone économique optimale ? C’est une zone où la fiscalité et les systèmes sociaux sont harmonisés, les travailleurs sont mobiles, des transferts sont effectués des parties prospères vers celles en difficulté, autant dire que ça rien à voir avec la zone euro d’il y a dix ans et encore moins celle d’aujourd’hui. Par ego, chaque pays a même exigé dans beau mouvement d’ensemble d’avoir la meilleure parité monétaire possible avec l’Allemagne c’est-à-dire concurrencer la concurrencer sur son terrain la monnaie forte, alors que chacun aurait été plus avisé de dévaluer sa monnaie au départ par rapport à l’Allemagne pour bénéficier d’une meilleure compétitivité, depuis tous courent vainement derrière elle car il est impossible de la rattraper. Par conséquent la zone euro ne peut que voir les tensions s’exacerber en son sein. Un exemple abouti de ce phénomène est la Belgique, en effet :
- Du temps du franc belge, le décrochage d’une région par rapport à l’autre pouvait se régler par une dévaluation au bénéfice des deux régions, ce qui de fait se pratiquait
- Avec l’euro, le rattrapage d’une région ne peut se faire qu’en faisant appel à la solidarité de l’autre, et à choisir entre payer ou se séparer l’autre région préfère la scission
La monnaie, vous l’aurez compris est une des forces de cohésion les plus importantes d’un pays, la retirer à un pays dont la cohésion est faible revient à programmer son éclatement, et en l’occurrence il n’y a ni peuple belge ni langue belge alors qu’il y a principalement une Flandre et une Wallonie ethniquement différentes et géographiquement délimitées.
Il faut réaliser au plus vite l’élargissement à l’Est de l’Europe pour nos frères séparés de nous par la dictature soviétique afin d’éviter qu’ils se détournent de nous au profit des américains, nous-a-t-on intimé. C’est-à-dire qu’au lieu d’intégrer progressivement les nouveaux entrants pour réduire sans friction les écarts, on les a pris dans l’UE sans mise à niveau préalable avec des différences initiales jamais rencontrées lors des élargissements précédents. Nous le payons aujourd’hui par des délocalisations massives dues à la faiblesse des revenus et des systèmes sociaux des pays de l’Est, ces derniers n’ont d’ailleurs aucun intérêt à se mettre à niveau tant qu’il restera quelque chose à délocaliser. Et par-dessus le marché, comme ils ne sont par encore dans l’euro, ils peuvent nous infliger une dévaluation compétitive. L’autre problème c’est que l’auto-blocage s’est aggravé avant même qu’on ait pu se mettre d’accord sur les conditions d’un nouveau mode de fonctionnement si tant est que c’était possible : au lieu d’imposer aux nouveaux entrants une constitution qui préserverait nos intérêts, ceux ci ont pu nous imposer leurs conditions car ils étaient déjà dans la place, autant dire que ce qui s’est produit c’est un nivellement par le bas. De fait, ce déséquilibre mortifère se maintient avec la bénédiction des autorités européennes, interdit toute amélioration collective et renforce l’hostilité des peuples de l’Ouest vis-à-vis de ceux de l’Est, ajoutons y l’émigration vers l’Ouest des damnés de le terre et l’accueil des frères de l’Est vire purement et simplement à la xénophobie. Et se sont-ils tournés vers nous en définitive ? Même pas, ils nous prennent ce qu’il y a à prendre et pour le reste ils s’en remettent aux américains. Il y a donc une divergence fondamentale et irréductible d’intérêts entre les européens de l’Ouest et de l’Est, mais est vraiment une surprise après cinquante de libéralisme pour les uns et de communisme pour les autres ?
Et la crise financière américaine vint frapper à notre porte. Passons sur la gestion de la première partie de la crise qui a permit de sauver temporairement le système financier tout en chantant « merci à l’euro pour nous avoir protégé » mais en aggravant sévèrement la dette publique dans tous les Etats occidentaux, car nous ne pouvons plus revenir en arrière. La phase 2, pilotée par la commission européenne - avec la bénédiction des nos dirigeants - consiste à réduire massivement et rapidement la dette publique en démantelant ce qui reste des Etats, ce n’est pas vraiment étonnant car le processus européen consiste en fait depuis le début à dépouiller les Etats de leurs compétences au profit de la superstructure européenne. Seulement voilà, l’UE ne produit rien, alors que les Etats si (éducation, infrastructures, sécurité, défense, justice,…), et mieux encore l’EU ne dispose que des Etats pour mettre en application ses réglementations et ses directives, autant dire que l’UE en exigeant purement et simplement le suicide collectif de ses Etats membres programme le sien sans même s’en apercevoir. Et pourquoi l’UE ne peut pas se passer des Etats ? Parce que le processus de régionalisation qui est en réalité une fragmentation est loin d’être terminé, notamment en France où il est bloqué pour des raisons de politique interne (la Gauche tient les régions et la Droite tient l’Etat). Autre conséquence, toutes ces mesures, si tant est qu’elles permettent de diminuer la dette publique ce qui va probablement être démenti, vont assurément entraîner une déflation généralisée au sein de l’UE, ce qui aura pour effet de diminuer globalement la capacité de financement public c’est-à-dire faire fondre le principal ingrédient de la cohésion, et par là même ce qui nécessaire pour le fonctionnement de l’UE. Cette situation ressemblera à si méprendre à celle de l’Union Soviétique à la fin des années quatre-vingt.
Comme la démontré François ASSELINEAU auquel je vous renvoie pour les détails, la construction européenne découle d’abord de la volonté et de l’impulsion des USA avant d’être une idée européenne. Tous les présidents américains ont publiquement encouragé les européens à se regrouper et à s’élargir, et aussi accessoirement à entrer dans l’OTAN qui bizarrement existe toujours vingt ans après la disparition de la menace Soviétique. Plus discrètement, ils ont financé et formé la plus grande partie des élites européennes qui ont mené cette construction. Mais pourquoi ont-ils fait ça et pourquoi insistent-t-ils tant pour la Turquie intègre l’UE ? Tout simplement en vertu de la stratégie de l’auto-blocage qui a pour conséquence admirable que toutes les décisions sur lesquelles les européens se mettent d’accord sont dans le sens intérêts américains. Alors qu’en dehors de l’UE chaque pays serait un électron libre, à l’intérieur de l’Europe il est enchaîné et obligé de s’en remettre à l’extérieur, c’est le coup du syndic et nous sommes bien depuis 1945 sous un protectorat américain. Aujourd’hui les USA ont eux aussi de graves problèmes économiques et financiers, ce n’est pas nouveau pour eux mais cette fois la contrepartie est la réémergence au plus haut niveau de puissances millénaires qui vont les contraindre à abandonner un privilège monétaire qui contribue en grande partie à leur hégémonie depuis soixante cinq ans. Le déclassement inéluctable du dollar à moyen terme est synonyme de relégation de la puissance américaine. Les USA vont donc être atteint à leur tour du syndrome de l’Union Soviétique c’est à dire devoir choisir entre réduire sévèrement la voilure de l’Empire qu’ils ne pourront plus financer par la machine à dollars c’est-à-dire faire payer les autres ou prendre le risque de la désintégration totale, nul doute qu’avertis par les enseignements de l’Histoire ils prendront la bonne option, mais quoiqu’il arrive leur emprise sur l’UE diminuera.
Résumons-nous : une zone euro qui corsète ses Etats-membres et aggrave ses tensions internes, un élargissement à l’Est qui siphonne l’Ouest c’est-à-dire notamment la zone euro, un affaiblissement des Etats imposé par l’UE pour régler la dette publique sans régions assez fortes pour les remplacer, une crise financière et économique qui n’en finit pas pour cause de déflation organisée, des américains occupés à résoudre des problèmes vitaux au lieu de nous serrer, que peut-il arriver sous peu ? C’est très simple : ça sera la désintégration des Etats à faible cohésion et économiquement exsangues (Belgique, Espagne voire Royaume-Uni) suivie d’un coup d’arrêt de la construction européenne puis d’un retour en arrière (démantèlement en catastrophe de la zone euro), puis de la reprise de leur billes par les Etats contributeurs nets pour soulager leur dette (France et Allemagne, entre autres) et donc la dissolution implicite de l’EU comme ça s’est produit pour l’Union Soviétique. Cela sera d’autant plus facile à faire que les peuples déjà très remontés contre l’UE ne la pleureront quand il s’agira de sauver leurs intérêts.
Entre l’apogée de l’Empire Soviétique et sa chute, il ne s’est écoulé qu’une dizaine d’années, ça ne devrait prendre guère plus de temps pour l’union européenne.
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