La présidence de l’Union européenne n’existe pas
La plupart des journaux, et même des politiques, parlent régulièrement d’une présidence de l’Union européenne, celle que la France devrait exercer au second semestre 2008. On débat même – en anticipant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne – du nom du futur président. Cf. Geremek, un meilleur candidat que Blair ou encore Seul Tony Blair peut sauver l’Union européenne. Le problème est que la « présidence de l’Union européenne » n’existe pas.
Les questions européennes sont complexes, tout simplement parce que la construction européenne est un processus progressif, difficile, qui respecte la complexité des réalités de notre continent. Cette complexité est donc à la fois inévitable et même souhaitable. Toutefois, elle nuit à l’image du projet européen dans les opinions, elle ne permet pas d’expliquer les enjeux dans les 45 secondes que peuvent leur consacrer les journaux télévisés.
Il est ainsi compréhensible que l’on cherche à simplifier les choses lorsque l’on aborde ces questions afin de pouvoir tenir un discours qui ne soit pas réservé aux seuls initiés. Je ne vois donc pas d’inconvénient pour ma part à ce que l’on parle de « loi européenne » pour parler des règlements, ou de « loi-cadre européenne » pour désigner des directives. On procède ainsi par analogie avec des termes plus familiers aux citoyens. La substitution de vocabulaire éclaire ici sur la nature de ce sur quoi l’on s’exprime.
Il est en revanche bien plus problématique de parler de « présidence de l’Union européenne ».
En effet, non seulement les traités ne mentionnent pas une telle fonction, mais surtout l’expression est susceptible d’introduire une grande confusion sur la nature de cette fonction, en particulier en France où règne un régime politique présidentialiste.
La présidence du Conseil
Ce dont on parle ce n’est donc pas en réalité de la présidence de l’Union européenne – comme il existe en France un président de la République française – mais de la présidence de l’une des institutions communautaires, le Conseil, comme il existe un président de la Commission européenne et un président du Parlement européen.
Le nouveau Traité de Lisbonne prévoit pour sa part la création de la fonction de président du Conseil européen. Il s’agira d’une personne physique élue par le Conseil européen, lequel réunit les chefs de gouvernement des États-membres (et le président de la République française du fait des compétences de ce dernier en matière de politique étrangère), à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi. Toutefois, le Conseil proprement dit, connu aussi sous le nom de Conseil des ministres, conservera le système de présidence tournante actuel.
Présidence du Conseil et président du Conseil européen, en effet, de présidence de l’Union européenne point.
Cette confusion n’est pas seulement un raccourci de langage attribuable à des journalistes pressés ou à des secrétaires de rédaction devant faire tenir beaucoup d’informations dans un titre. L’expression erronée est présente sur certains sites officiels.
Ainsi le site d’information officiel français « touteleurope.fr » entretient la confusion en alternant les deux expressions. Si l’intitulé exact figure dans le corps du texte, les titres retiennent la formulation erronée. Au final, l’encyclopédie décriée Wikipedia se montre plus exacte en consacrant un article à la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Qui gouverne l’Union européenne ?
La précision sur ce point n’est pas dépourvue d’enjeux.
En effet, l’analogie erronée évoque chez les auditeurs l’idée que l’Union européenne serait effectivement dotée d’une présidence ayant un rôle politique. L’image du président de la République française et plus encore du président des Etats-Unis devient une référence. De toute évidence la présidence du Conseil de l’Union européenne ne relève pas de ce type de fonction.
Le rôle de ceux qui assurent cette responsabilité est bien plus modeste.
Toujours, selon le nouveau Traité de Lisbonne, qui n’innove pas vraiment sur ce point :
- a) préside et anime les travaux du Conseil européen ;
- b) assure la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération
avec le président de la Commission, et sur la base des travaux du Conseil des affaires
générales ;
- c) œuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ;
- d) présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil
européen. »
Enfin, la nouvelle fonction s’ajoute aux divers intervenants en matière de politique extérieure, le haut représentant et les commissaires européens compétents : « Le président du Conseil européen assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des attributions du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. »
L’Europe, quel numéro de téléphone ? La question restera longtemps sans réponse, ou en tout cas pas en lisant les traités.
Le raccourci journalistique tend ici à faire croire que l’Europe est gouvernée alors qu’elle ne l’est pas. Croire que l’Europe est gouvernée c’est d’une part constater qu’elle est mal gouvernée (et pour cause, puisqu’en réalité elle ne l’est pas) et d’autre part renoncer à revendiquer qu’elle le soit.
Au total, parmi les nombreux clichés dont souffre l’Union européenne, celui-ci ne me semble pas des plus innocents.
Article déjà publié dans Le Taurillon, magazine eurocitoyen.
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