La Turquie et l’UE, halte aux faux arguments
Jeudi dernier une cinquantaine de députés UMP, MPF, et nouveau centre ont déposé un amendement au projet de loi de finance 2010, visant à supprimer la contribution française dans les crédits de préadhésion versé à la Turquie. Cet amendement est avant tout pour ces députés l’occasion politique de réaffirmer leur opposition à l’adhésion de la Turquie à l’UE. En effet cet amendement n’a juridiquement aucune chance de passer puisque la contribution française au budget de l’UE (18 milliards d’euros), est un paquet, et une fois versé, la France ne peut pas choisir de contribuer plus ou moins à telle ou telle politique. C’est donc par pur opportunisme politique que ces députés agissent ainsi que pour nous remarteler les mêmes arguments contre l’entrée de la Turquie. Mais la plupart de ces arguments sont fallacieux. Ces derniers sont d’ailleurs clairement rappelés dans le communiqué publié par les signataires : « Les francais ne comprennent pas que l’on encourage financièrement ce pays à faire des réformes, non pas par ostracisme mais parce que la Turquie n’est pas dans l’Europe. C’est une évidence tant sur le plan géographique qu’historique. Il est paradoxal de continuer à verser des fonds qui servent à atteindre un objectif souhaité ni par les francais, ni par les turcs » . L’objectif de cet article n’est pas de discuter de la possibilité de la Turquie de rentrer dans l’UE, mais simplement de dénoncer un certain nombre de faux arguments.

Argument : La Turquie n’est pas dans l’Europe
Selon certains, seul la rive occidentale du bosphore (4% du territoire turque) serait en Europe, et donc la Turquie ne serait pas en européenne géographiquement. Qui a dessiné les frontières géographiques de l’Europe ? Des géographes ? Que nenni, l’Europe de "l’atlantique à l’oural" a été dessiné par le Tsar Pierre le Grand au XIXème siecle, soucieux de prouver que l’Empire russe était européen... Le Bosphore est il une frontière naturelle ? Pas plus que l’Oural, chaine de montagnes de taille moyenne et très facilement franchissable. Comme l’a très bien dit Jean Francois Bayart, chercheur au CERI, "les stambouliotes empruntant quotidiennement les ponts suspendus reliant les deux rives, n’éprouvent au petit matin aucun vertige inter-continental, ni ne revivent l’épopée de Darius ou d’Alexandre". En effet si l’on prend l’idée de frontières naturelles, il serait grotesque de dire que le Bosphore au centre d’une ville millennaire de 12 millions d’habitants, que même une ligne de tram traverse constitue une frontière intercontinental. En revanche, toujours dans une perspective de frontières naturelles, il serait légétime d’interroger l’européannité de Chypre, situé à "une encablure" du Liban.
Argument : La Turquie n’est historiquement et ethniquement pas européenne.
On appelait l’Empire Ottoman en 1914 "l’homme malade de l’Europe". L’Empire Ottoman s’étendait jusqu’aux portes de Vienne, et participait à tous les sommets européens. Elle a été au centre des alliances européennes de la première guerre mondiale, en s’alliant dès 1915 à la triple alliance. L’empire Byzantin a été chrétien avant même la Gaulle, et a dominé l’Europe jusqu’en 1453, avant d’être Byzantin puis Ottoman, l’Empire était "Romain". Ethniquement une part non négligeable de pays est peuplée de population balkanique.
Diplomatiquement la Turquie est plus Européenne que moyen-orientale, Jean Francois Bayart montre que "la rancoeur de la trahison dont se seraient rendus coupable les arabes à l’encontre de l’Empire Ottoman lors de la première guerre mondiale, est pour le dire directement, un solide fond de préjugés racistes, et tempèrent la solidarité panislamique des anatoliens. Pour rappel la Turquie a rejoint l’OTAN avant la RFA (1952).
Argument : La Turquie ne tiendra pas économiquement à l’ouverture de ses frontières.
Il est vrai que l’économie turque a encore de sérieuses lacunes, son PIB équivaut à celui de la Belgique, pour une population 7 fois plus importante. Cependant, il est important de rappeller que la Turquie à un régime économique ultra-libéral, contrairement à ce que certains prétendent elle ne se subira pas un "choc liberal européen". Par ailleurs depuis 1995, une union douanière existe entre l’Europe et la Turquie, cette union a été étendue en 2005, et abaisse les barrieres douanières entre l’Union européenne et la Turquie. Et depuis 1995, l’économie turque n’a pas été submergée par l’économie européenne, bien au contraire.
Argument : Les turcs ne veulent plus adhérer à l’UE.
Cet argument a été développé très recemment, depuis qu’un sondage a montré qu’une majorité de turcs sont opposé à l’entrée de leur pays dans l’UE. Or ici il y a une transformation de la question, la question n’était pas : "Voulez vous que la Turquie adhère à l’UE ?" mais "Pensez vous que la Turquie va adhérer à l’UE ?". Cela traduit bien plus le découragement des turcs face aux arguments fallacieux des européens, qu’un manque de volonté d’adhérer à l’UE. Seulement certains profitent de la politique pro-arabe d’Erdogan pour transformer l’information.
Alors messieurs les députés, si vous vous opposez à l’entrée de la Turquie dans l’europe, opposez lui de vrais arguments, les droits de l’Homme, la capacité d’absorbtion de l’UE, la question chypriote, et pas de faux arguments indigne de représentants du peuple francais.
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