Papandréou donne le coup de grâce
Georges Papandréou signe dans la nuit de jeudi à vendredi et annonce 3 jours plus tard que l’accord pris à 17 et à l'unanimité est suspendu au résultat d’un référendum organisé en Grèce au début de l’année prochaine : dans 3 mois ! Le « coup » est assez significatif de l’état de déliquescence dans lequel se trouve ce que certains continuent d’appeler l’UE et plus précisément la zone euro.
Sur le fond, le recours au peuple pour décider ou non de l’application de mesures drastiques imposés par les bailleurs de fond, pourquoi pas ? On pourrait même dire enfin ! Une des raisons essentielles de la mort lente de l’Europe telle que nous la connaissons, réside dans ce déficit démocratique. Plus, quand le recours à la démocratie est décidé, un résultat opposé à celui espéré entraîne immédiatement le déni du vote et son contournement par des procédures parlementaires plus souples. Jamais une telle « construction » ne pourra exister durablement en dehors d’une validation populaire véritable. Cette incompréhension durable, qui se renforce au fil des ans, entre les principaux dirigeants et les peuples est la véritable marque du malaise actuel.
N’arrivant pas à convaincre, ces dirigeants administrent la preuve que le dossier n’est pas clair, qu’ils en cachent les véritables enjeux et surtout les dures réalités, les sacrifices obligatoires. Ils font comme si le peuple n’était pas capable de comprendre. Ils sont relayés par les commentateurs vedettes et la quasi totalité d’une presse béate depuis toujours devant ce concept européen mal ficelé, mal expliqué, très mal construit.
En revanche, pour revenir au coup d’éclat de Papandréou, on ne peut qu’être très surpris, pour ne pas dire offusqué par une telle décision de looser ou machiavéliquement calculée. Jeudi soir le premier ministre Grec savait pertinemment ce qu’il allait faire, que sa signature n’avait en fait qu’une valeur très relative puisque suspendue à un vote ultérieur qui lui échappe largement. Il n’a pas prévenu ses partenaires d’une telle disposition d’esprit, pas plus que la plupart des responsables politiques de son pays. Il y a là tricherie contre l’esprit même de la gouvernance européenne : si les chef d’Etat ou de gouvernement se réunissent pour se piéger et se cacher la réalité, il n’est même plus possible de parler d’UE : il s’agit d’un jeu de dupes. Le premier ministre grec brise ouvertement une solidarité européenne de pacotille sans réelle existence dans l'adversité. Georges Papandréou en pratiquant comme il vient de le faire, après un effacement de 50 % accepté de la dette de son pays, en reniant peu ou prou 3 jours plus tard sa propre signature, porte le coup fatal à l’UE quelles que soient par ailleurs les conséquences financières et monétaires d’un NON au référendum qu’il prétend organiser. Le recours à l'avis du peuple par voie référendaire est une excellente pratique, mais on ne décide pas un tel changement de cap au milieu du gué sans en avertir ses différents partenaires, en avançant masqué.
Ainsi, si la décision persiste, les Grecs devront dire s'ils approuvent, ou non, le plan d'aide conclu la semaine dernière. La principale mesure de ce plan est pourtant un effacement de 50% de la dette publique grecque détenue par des acteurs privés (banques, fonds d'investissement et assureurs...). Soit un coup d'éponge de quelque 100 milliards d'euros sur un total de 200. Une mesure à laquelle devraient participer 90% des banques. Demain ces même banques peuvent également déclarer que l'accord n'est plus valable puisqu'il s'écarte de sa formulation initiale. Nous n'avons plus à faire à des responsables respectant des règles, des engagements, mais à des mafieux jouant au poker avec des cartes dans les manches et des couteaux sous les tables. Il est urgent de sortir du tripot.
Parlant de poker, une hypothèse n'est pas à négliger sans pour autant tomber dans le conspirationnisme. Une telle annonce entre une signature et un G20, peut aussi prendre l'aspect d'un coup intérieur bien monté. Papandréou malmené par les grèves, les manifestations incessantes, la colère de la rue, propose le référendum, laissant monter les critiques les admonestations diverses de provenance hétéroclite. Puis, au détour d'un retour de Cannes, il renonce "sous la pression". Nous venons de constater la facilité avec laquelle il se déjuge, fait peu de cas des propos et même des signatures d'un jour. Il pourra ensuite se barder de cette volonté contrariée pour se remettre en jeu devant des électeurs convoqués pour des élections anticipées. On sait que les élections en Grèce ne sont prévues qu'en 2013, un moment ou les situations individuelles des Grecs n'auront fait qu'empirer sous l'empire des structures de contrôle du FMI des banques et de l'UE. En dépit des manœuvres de politique intérieure possibles, le socialiste Georges Papandréou vient d’achever une UE déjà moribonde. Dans ces conditions les propos de Pierre Moscovici, européiste jusque-là convaincu s’il en est, ne peuvent qu’apparaître curieux :
"les Grecs ont le droit de choisir leur destin !" […] "derrière tout ça, il y a un procès qui peut être fait, c'est celui de l'Europe elle-même, de ses tergiversations, de ses incertitudes (...) cela fait tout de même 18 mois qu'on pressure ce pays, ses dirigeants (...) il est donc assez logique qu'à un moment donné Georges Papandréou cherche une forme de vaccination populaire".
Les réactions de Jean-Luc Mélenchon d’une part et de Marine Le Pen d’autre part, sont beaucoup plus logiques, attendues et cohérentes avec ce qu'ils veulent représenter.
Jean-Luc Mélenchon déclare :
"Il y a un grand risque que tout ce château de cartes s'effondre. Les dirigeants européens doivent faire face à la crise, non pas par des artifices financiers, des constructions d'usines à gaz (...) mais y faire face politiquement". Il a estimé sur BFMTV que Georges Papandréou est "à bout de souffle" et que "l'Europe est en danger" mais qu'il faut "avoir de la compréhension pour le peuple Grec".
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