Parlement Européen : Sus aux ennemis du siège français !
« Gauche, droite, gauche droite… », des élus de tout rang, de Strasbourg, d’Alsace, de France et d’Europe, marchent au pas sur le sentier de la riposte à l’offensive indigne des profanateurs des traités européens, lancée par une maigre mais redoutable escouade de députés, commandée par des représentants du Royaume-Uni, avec pour commandant le conservateur britannique Ashley Fox et des voisins du nord, résolument eurosceptiques de surcroît.
Dans le rôle du général en chef, Laurent Wauquiez, ministre chargé des Affaires Européennes, flanqué d’un autre ministre, Philippe Richert, régional de l’étape, a pris la contre-offensive en charge. Il en réfère pour commencer à la Cour Européenne de Justice de Luxembourg, dès le 18 mai. 2011.
Mauvaise foi ou saine préoccupation ? Un conflit dérisoire.
D’un côté des députés prétendus technocrates et eurosceptiques notoires, qui dénoncent les dépenses jugées excessives occasionnées par les transferts de Bruxelles à Strasbourg, avec des comptes d’apothicaires, difficiles à vérifier. Prêts à tout, ils organisent des études fallacieuses et des votes secrets. En faveur de Bruxelles évidemment.
Ainsi, dans une première opération surprise, ont-ils obtenu un vote de confort par lequel deux sessions auraient lieu dans la même semaine. Les douze sessions ordinaires prévues, sont ramenées à onze dont une « rallongée »comptant pour deux. Est-ce bien sérieux ?
De leur côté, les Français se prévalent de leur qualité de cofondateurs de l’institution européenne avec les pères fondateurs Robert Schumann et Jean Monnet et du fait incontestable que, dès l’origine, Strasbourg a été choisie comme capitale européenne du Conseil de l’Europe puis du Parlement Européen par une décision du Conseil Européen d’Edinbourg de 1992, confirmée par une annexe au traité d’Amsterdam de 1997.
Il s’agissait alors de choisir une ville qui ne serait pas capitale nationale et riche de symboles européens. Strasbourg apparaissait donc comme la quintessence de ce modèle décrit judicieusement par le spécialiste reconnu des questions européennes, Daniel Riot. Dans « L’Europe, cette emmerdeuse », ce journaliste-écrivain a osé d’audacieux néologismes en situant Strasbourg au cœur de « l’Eurosphère », un espace plus « géophilosophique », civilisationnel en somme, par opposition à l’idée plus matérialiste d’un espace seulement économique ou même d’une aire géopolitique aux limites encore floues.
A la clef, une appellation revendiquée de capitale de l’Europe des peuples, idée dont le sénateur-maire socialiste de la ville se fait inlassablement l’écho, relayant en parfaite entente en cela, son ancien collègue du sénat, Philippe Richert (UMP), devenu ministre et président de la région Alsace. Union sacrée pour une cause qui dépasse les enjeux politiciens ! En Alsace les socialistes ne sont pas très doctrinaires, pas plus que les tenants de la droite souvent très modérée, les deux laissant le champ ouvert aux extrêmes qui l’exploitent allègrement. De plus , la capitale alsacienne bénéficie invariablement de l’aide de l’Etat français et d’une grande majorité des parlementaires.
Là aussi réside un argument pour la pérennité de Strasbourg qui ne connaît pas les affres d’un avenir politique aussi incertain que Bruxelles en proie aux remous et tourments des conflits intra-belges.
« Le coût annuel découlant de la dispersion géographique du Parlement est estimé à 160 millions d’euros, soit 9% du budget total du Parlement. » voilà ce qui est révélé dans un rapport soumis au vote ces jours-ci. Mais il s’agit là globalement des activités des commissions à Bruxelles et du Secrétariat Général à Luxembourg et des sessions plénières à Strasbourg .
Par ailleurs, où a-t-on vu des élus et pire, des hauts-fonctionnaires choisir le lieu de l’activité pour laquelle ils ont fait acte de candidature, librement imagine-t-on, et en connaissance de cause. Eh oui, pour certains « recalés »d’autres élections, le parachute doré ne se pose pas forcément où ils le souhaitent.
Quant à la haute-administration notoirement « pro-Bruxelles », sait elle que « servir » passe avant la recherche du confort ? Comme ces hauts fonctionnaires et ces élus (pour n/ mandats seulement), les « communicants » sont-ils en droit de privilégier les commodités personnelles au détriment d’une dimension symbolique, nourrie d’une chaire historique et culturelle que Bruxelles ne peut qu’envier à Strasbourg ?
Qu’ils se rappellent que Jean Monnet, considérant avec recul l’état de son œuvre , déclarait, soucieux :« Si c’était à refaire, je commencerais par la culture ». C’est précisément cet aspect que l’on veut rendre plus visible encore à Strasbourg en créant un lieu d’Europe, une sorte d’Agora dotée de structures d’accueil pour des expositions, des concerts, des conférences, des fêtes, des restaurants et même une discothèque, le tout ouvert tous les jours, le samedi comme le dimanche, à tous les peuples d’Europe, en plein cœur des institutions européennes des 27 de l’UE comme des 47 du Conseil de l’Europe. Les travaux ont démarré.
Autre projet original à l’étude et en bonne voie pour 2012 sinon 2013 : un Festival des Orchestres Nationaux de Jeunes de tous les pays de l’UE pour commencer. Chaque orchestre n’aura qu’une obligation : présenter au moins une œuvre du patrimoine de son pays et une œuvre de création. On imagine la fête et on oublie les contraintes, pour conforter l’Europe des peuples.
La capitale belge est certes belle, accueillante et les Belges sont chaleureux, mais la dimension européenne n’y vit pas, n’y palpite pas en dépit bien entendu d’autres atouts, ceux d’une grande ville historique. Et puis, elle héberge l’exécutif avec la Commission.
Une Europe polycentrique.
Dans le rapport concernant le PE, soumis aux voix lors de la session qui vient de s’achever, baptisé « Lieux de travail » le paragraphe 132 stipule que pour des raisons de rigueur budgétaire, le parlement ne devrait disposer que « d’un seul et unique siège ». Mais un sale coup ne passa pas loin : le texte initial prévoyait qu’on ne parlât que d’« un seul lieu de travail dans la même localité que les autres institutions de l’Union » donc Bruxelles. On doit sans doute au député français Joseph Daul, président du PPE (parti populaire européen) un vote de 352 voix contre 281 approuvant la mouture du siège unique, comme le prescrivent les traités, donc Strasbourg.
Enfin, retirer à Strasbourg le siège du PE reviendrait à remettre en cause le polycentrisme de l’UE donc du même coup la BCE ( banque centrale européenne) de Francfort, la Cour Européenne de Justice(CEJ) et le Secrétariat Général à Luxembourg et d’autres annexes…
On se réjouit à Strasbourg du soutien indéfectible et de poids du premier ministre luxembourgeois J.C Juncker.
Mais la bataille n’est certainement pas terminée et nécessitera encore beaucoup de vigilance et d’efforts. A suivre, à commencer par la décision de la Cour de Luxembourg.
Antoine Spohr.( article paru également sur Médiapart)
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