Quelle Nation pour la France ?
On considère souvent que la Belgique est le laboratoire de l'Europe, ce qui est tout à fait vrai. À l'image de l'UE, la Belgique regroupe des cultures et des langues différentes, latine et germaniques. À l'image de l'Europe la Belgique compte très peu de personnalités qui transcendent les trois communautés. On constate la même chose pour les médias et la culture, tous scindés : radio, télévision, cinéma, chanson, livre et même partis politiques. L'Union Européenne (UE) comme la Belgique fait face à une poussée d'indépendantisme qui n'a jamais été aussi forte auparavant. Pour la Belgique, se pose même régulièrement la question de l'éclatement. Ces deux constructions sont-elles réellement pertinentes ?
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1. Retour sur le concept de nation
On se base sur l'hypothèse que le projet fédéraliste européen a pour objectif la construction d'une identité européenne forte ayant les attributs d'une nation, à savoir :
- un ensemble de personnes
- un territoire commun
- des caractéristique communes : langue, religion, culture, histoire, origine ethnique
- une volonté du "vivre ensemble"
- une entité politique
La définition de Victor Hugo appui d'ailleurs sur la langue : "Le ciment des nations, c'est une pensée commune. Des peuples ne peuvent adhérer entre eux s'ils n'ont une même langue dont les mots circulent comme la monnaie de l'esprit de tous possédée tour à tour par chacun. Or, ce qui fait circuler la langue, ce qui imprime une effigie aux mots, ce qui crée la pensée commune, c'est avant tout l'art, la poésie, la littérature."
2. L'UE et l'identité européenne.
En Europe on constate l'impossibilité politique de trouver une langue commune (pour ne pas parler du vivre ensemble). Quelle solution donc pour créer un vrai peuple européen ? Voici celles qu'on peut entrevoir :
- soit on se tourne vers l'anglais
- soit on choisit une autre langue existante
- soit on créer une langue
Le problème pour les deux premières possibilités c'est avant tout le refus des peuples de se faire imposer une langue par peur, justifiée, de voir leurs cultures disparaître. Pour l'anglais mais aussi pour une autre langue, on assistera peut-être à l'émergence d'une identité européenne, mais qui n'existera qu'au sein d'une élite réduite selon moi (ceux qui voyagent, qui s'impliquent et qui l'acceptent). On laisse donc une partie de la population sur la touche (ceux qui n'arrivent pas à s'y mettre). On donne aussi un gros avantage (économique, culturel, linguistique, politique...) aux pays dont la langue a été choisie. Ce n'est donc pas envisageable, à moins qu'émerge une dictature.
Pour revenir sur l'idée de création de langue, aucun exemple passé n'existe mais je pense que seule la volonté des États pourrait y remédier. Avec soit une dictature, soit l'acceptation de la langue par les populations de leur plein gré. Pour ce faire il faudrait alors que la langue créée par les États inclus dans le projet, le soit a partir de leur propre langue nationale, pour que les peuples aient le sentiment d'être partie prenante et même s'attribuent la fierté de sa création. Posez-vous la question :
- En France, qui est prêt à accepter une langue construite sur base de l'allemand et de l'anglais ?
- En France, qui est prêt à accepter une langue construite sur base de latin, français, espagnol, italien, etc. ?
De fait, l'UE est-elle vraiment pertinente ?
3. Les grandes puissances actuelles ou en devenir un exemple à suivre ?
L'Europe a un vrai handicap linguistique que n'ont pas les autres puissances actuelles ou en devenir :
- Les EUA-Canada (voire le Royaume-Uni et l'Australie) avec l'anglais
- La Chine : une unité parfaite, maintenue par un gouvernement puissant (avec peut-être en prime le retour de Taïwan dans le futur)
- La Russie et l'Union Eurasienne en formation (avec le Russe et le passé Soviétique comme ciment)
- l'Amérique Latine : dont les pays remplissent déjà tous les critères de la nation (cf début d'article), hormis celui de l'entité politique. Portugais et Espagnol inter-compréhensible, très fort esprit d'appartenance latino et échanges culturels importants.
4. La France dans une nation francophone ?
Le monde francophone serait donc plus propice à devenir notre future "nation" ? Pouvons-nous envisager le regroupement de certains États francophones ? Les avantages sont clairs : une langue, vecteur d'une culture, avec une histoire en partie commune. Nous partageons déjà une littérature francophone, la BD, une chanson française, des célébrités etc. Ce que l'Europe n'a pas. Sans compter les innombrables échanges de population, beaucoup plus fort au sein de la francophonie qu'ailleurs. Il manque la volonté du vivre ensemble et l'entité politique.
Un gros hic, si on envisage d'y faire participer certains pays d'Afrique à fort taux de francophone on pourrait butter sur le passé colonialiste.
Les pays/régions francophone selon l'OIF
|
Population |
Francophones |
% de francophones |
France |
66 417 000 |
66 000 000 |
99,37% |
Wallonie-Bruxelles |
4 500 000 |
4 425 000 |
98,33% |
Seychelles |
90 000 |
85 000 |
94,44% |
Québec |
8 000 000 |
7 028 000 |
87,85% |
Monaco |
30 000 |
25 800 |
86,00% |
Luxembourg |
524 000 |
439 800 |
83,93% |
Andorre |
76 000 |
61 000 |
80,26% |
Belgique : flandre incluse |
11 161 000 |
8 243 900 |
73,86% |
Maurice |
1 322 000 |
942 900 |
71,32% |
Suisse |
8 036 000 |
5 426 600 |
67,53% |
Tunisie |
10 773 000 |
6 639 000 |
61,63% |
Djibouti |
864 000 |
439 500 |
50,87% |
Gabon |
1 640 000 |
829 000 |
50,55% |
Congo |
4 366 000 |
2 094 000 |
47,96% |
Algérie |
38 000 000 |
18 000 000 |
47,37% |
Nouveau-Brunswick |
751 771 |
338 000 |
45,00% |
Haïti |
9 801 000 |
4 279 000 |
43,66% |
Maghreb |
81 073 000 |
35 005 000 |
43,18% |
Vanuatu |
261 000 |
110 700 |
42,41% |
RDCongo |
77 433 000 |
30 990 000 |
40,02% |
Liban |
4 131 000 |
1 616 900 |
39,14% |
Cameroun |
20 129 000 |
7 078 000 |
35,16% |
Togo |
6 961 000 |
2 252 000 |
32,35% |
Maroc |
32 300 000 |
10 366 000 |
32,09% |
En rouge : les pays ayant plus de 10 millions de francophones |
|||
En vert : les pays ayant un % de francophones supérieur a 60% |
5. La France dans une nation Latino-européenne ?
Une autre option envisageable est celle d'un peuple "euro-latin" avec les mêmes difficultés que celle évoqués plus haut pour l'UE. Mais elles seraient beaucoup moins forte et bénéficierais d'un degré important d'intercompréhension (même bases religieuses, lexicales, culturelles, historiques, géographique -méditerranéen...). On note d'ailleurs que le nombre de personnes issu de l'immigration en France venues des pays latino-européens est la plus importante après l'immigration maghrébine. Enfin on remarque que l'Italie aujourd'hui recherche l'appui de la France et de l'Espagne pour changer la politique de l'UE, cette même alliance avait déjà eu lieu auparavant (crise de l'euro, solidarité, euro-obligations, Europe du Sud, etc.).
Conclusion
Pour résumer, je souhaitais appuyer ici sur l'importance de l'aspect culturel et linguistique pour la construction d'une identité commune, qui est aujourd'hui complètement absente du débat et des enjeux. L'UE n'est donc pas a priori vraiment pertinente pour la France, si son objectif est la construction d'un peuple fort dans le monde multipolaire en devenir. Les deux solutions plus efficace qui permettrais à la France de se réaffirmer seraient la création d'une nation francophone ou d'une nation Latino-européenne voire Latino-méditerranéenne (un mélange des deux idées). Malgré la très faible probabilité des alternatives présentés, je voulais souligner l'importance du débat à travers cet article.
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