Rafale de silence
Bien que les politiques aient péroré, comme à leur habitude, sur le Rafale, avant la signature, même si les négociations exclusives sont un indice encourageant, bien que les médias aient annoncé que 108 sur 126 se feraient en Inde, personne n’a semble-t-il osé critiquer ce contrat potentiel et surtout ce qu’il signifie, ce qui est le plus grave. Examinons cela.
La première idée qui vient à l’esprit est la délocalisation. On peut difficilement penser différemment, vu la proportion de Rafale qui seront « made in India ». Nous reviendrons sur ce sujet plus loin. La deuxième idée vient quand on entend que le Rafale a été moins cher que l’Eurofighter. Commençons par développer ce point.
Revenons à l’époque de mise en place du consortium Eurofighter. Les « eurolâtres » de l’époque partent d’une idée simple et frappée, a priori, au coin du bon sens. Compte tenu de la progression des coûts des programmes militaires, l’idée est de se grouper en partageant les frais, mais de se rattraper sur la série en vendant plus d’exemplaires. Cette vente d’exemplaires est censée être encore supérieure en bénéficiant du support de plusieurs pays européens à l’exportation.
Qu’en fut-il dans les faits ? Le programme a débouché sur un fiasco industriel à plus d’un titre. Tout d’abord, l’Eurofighter a de piètres performances techniques, en tous cas indignes d’un avion européen. Son coût unitaire se situe, semble-t-il, entre 2 et 3 fois celui d’un Rafale. À titre d’exemple du montage industriel qu’il a fallu mettre en œuvre, alors que l’avion est symétrique et que, donc, l’aile gauche est la même que l’aile droite, il y a eu 2 maîtrises d’œuvre pour l’aile. Et l’on pourrait multiplier les exemples aberrants.
Rappelons-nous alors qu’à l’époque où Dassault a refusé de rentrer dans le consortium Eurofighter, les eurolâtres ont conspué le constructeur et pendant des années, les politiques de tout bord ont essayé par tous les moyens de mettre Dassault au pas. Dans ce cadre, l’insuccès de l’entreprise à l’exportation semble plus d’origine politique qu’industrielle… Enfin, à bien y regarder, le programme Rafale, bien que national, aura probablement coûté bien moins cher, malgré les retards volontaires imposés au programme par les politiques, que le programme européen Eurofighter et, encore une fois, pour un résultat d’une autre classe.
Revenons à la vente à l’Inde. Ne pourrait-on pas reprocher à Dassault de transférer sa technologie à ce pays, lequel, vu sa puissance économique, aura tôt fait de nous tailler des croupières par la suite ? La réponse est trivialement oui. Dassault, néanmoins, pourrait-il avoir des circonstances atténuantes ? La réponse est oui et la voici. Transférer une technologie à un pays peut se concevoir si l’on garde une génération d’avance. Clairement, ce n’est pas le cas avec le Rafale. Néanmoins, le raisonnement qui vient d’être fait ne peut être valable que si l’industriel qui délocalise continue à exercer son métier ; dans le cas précis si Dassault continue à produire des avions de combat. Or, c’est bien là le nœud du problème. Il n’y a ni projet français ni projet européen qui prévoient dans les vingt années à venir un nouvel avion de combat. Au mieux les pays proches du monde anglo-saxon ont-ils choisi d’acheter américain.
Donc, en réalité, Dassault a décidé de délocaliser une activité qui va disparaître de notre pays, voire de notre continent, par manque de vision de nos dirigeants, car, bien entendu, en cas de guerre, les avions de combat sont utiles. Il est à prévoir que les « exploits » du type Munich, compte tenu des choix de défense faits en Europe actuellement, seront légion jusqu’à la mise sous tutelle inéluctable des peuples faibles, ce que nous apprend bien évidemment l’histoire.
Au final, la rafale de silence qui accompagne la délocalisation en Inde est un cache-misère (intellectuelle) de la vraie situation actuelle de notre pays déclinant.
39 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON