Afghanistan : Washington invite les talibans à la réconciliation
Possible retour des talibans au pouvoir ?
Résumé
Des rencontres entre des représentants des moudjahiddines et des responsables gouvernementaux ont eu lieu en Arabie saoudite sous la houlette du roi saoudien encouragé ouvertement par les Anglais et implicitement par les Américains.
Que se passe-t-il en Afghanistan ? Les informations provenant d’Afghanistan montrent qu’une nouvelle voie est en train de se dessiner pour en finir, peut-être, avec un conflit devenu endémique. Les différents acteurs sur le terrain, étrangers et locaux, ont tendance à assouplir des discours précédemment intransigeants.
Des déclarations appelant à la négociation pleuvent de tous bords, américains, anglais, français et même le Mullah Mohamed Omar qui tente de rassurer ses ennemis s’ils quittent le pays.
S’acheminent-ils vers une pause ou vers la fin du conflit ? La question revient : que se passe-t-il dans cet incroyable Afghanistan ?
Le Constat
Tout le monde s’accorde sur l’échec des États-Unis en Irak, au Liban et maintenant en Afghanistan. Depuis sept ans, l’armée américaine ne s’est pas privée de mener des dizaines et des dizaines d’opérations, portant des appellations différentes pour atteindre deux objectifs : éradiquer le terrorisme et arrêter Oussama Ben Laden afin de le traduire devant les tribunaux et le juger.
Après chaque opération militaire, on dénombre les morts d’une part et on dénombre de nouveaux Jihadistes d’autre part. Il n’est pas inutile de rappeler que la société afghane est dominée par des relations tribales où la perte de membres appartenant à une tribu, dans les conditions actuelles, entraîne un renforcement des liens assabiya (la force clanique ou tribale) entre les membres des tribus contre l’agresseur, sans chercher à savoir s’il a tort ou raison. La vengeance alors est le mot d’ordre, elle est à la bouche de tout le monde. Le mouvement des « taliban » n’est que le moyen le plus rapide de se venger.
Ainsi, les attaques des insurgés sont devenues quantitativement plus nombreuses et qualitativement plus sophistiquées. Le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afghanistan, M. Kai Eide, n’a pas mâché ses mots et il a été très clair.
Dans un rapport récent, présenté le 14 de ce mois devant le Conseil de sécurité, il a déclaré que la situation s’était détériorée depuis plusieurs mois. Le nombre des incidents a augmenté de 40 % en juillet et août passés, par rapport à la même période de l’année précédente.
L’influence de l’insurrection dépasse les zones traditionnelles instables du sud et de l’est du pays, s’est intensifiée dans les provinces de Kaboul et les attaques sont de plus en plus sophistiquées, a ajouté M. Eide.
Il est communément admis maintenant que l’année 2008 a été l’année la plus violente depuis la chute des talibans. C’est l’année du sang. Le gouvernement de Kaboul pro-américain ne doute plus seulement de la capacité militaire des insurgés, mais surtout s’inquiète fortement de la qualité de leur entraînement et de leur coordination, comme cela a été révélé par le ministre afghan de la Défense, M. Abdul Rahim Wardak. Toutefois, la situation reste sous contrôle et nous ne sommes pas confrontés à la perspective d’une défaite, dit le ministre afghan.
Ces déclarations sont, cependant, à prendre avec précautions, car plusieurs responsables notamment militaires, des pays impliqués en Afghanistan ont fait part de leur souci devant la détérioration de la situation : 224 soldats étrangers ont été tués au cours des neuf premiers mois de l’année 2008 contre 219 pour toute l’année 2007. Côté afghan, on dénombre au moins 3 800 personnes, dont un tiers de civils, selon un décompte des Nations unies.
La parole des militaires : « Nous n’allons pas gagner cette guerre » !
Le général britannique Mark Carleton-Smith, commandant le corps expéditionnaire en Afghanistan, est explicite et résume ce que les militaires, en contact direct avec la réalité, pensent tout bas. Il estime que ses soldats (8 000) ont « atténué la menace des talibans pour 2008 ». « Nous n’allons pas gagner cette guerre, la menace est réduite à un niveau d’insurrection contrôlable ». Les Britanniques pourraient bien quitter le pays sans y avoir maté la rébellion islamiste.
Le ministre anglais de la Défense a tenté de minimiser la portée de ces déclarations. Estimant qu’il s’agit d’une opinion personnelle et qu’il ne reflète pas l’avis de son gouvernement. Le ministre britannique a également accusé les journaux anglais de déformer les déclarations du général Smith.
Le défi solitaire
À ce sujet, il est fort utile de signaler une autre réaction intéressante, celle de M. Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense qui a rétorqué en fustigeant les déclarations défaitistes du général britannique : « Rien ne justifie que l’on soit défaitiste ou qu’on minimise nos chances de gagner à long terme ».
La réaction de M. Robert Gates, bien qu’il ne soit pas militaire de métier, s’insère dans un esprit militaire américain qui puise ses racines dans le vocabulaire familier à tout diplômé de West Point, l’une des plus prestigieuses académies militaires des États-Unis « Dans une guerre, il n’y a pas de substitut à la victoire ». Ces mots sont tirés du discours d’adieu du général MacArthur devant le Congrès le 19 avril 1951. Sauf que nous sommes en 2008 et la guerre d’Afghanistan n’est pas une guerre conventionnelle.
Les déclarations du secrétaire américain à la Défense ont été révélées lors de son déplacement en avion vers Budapest. M. Gates a incité ses homologues de l’Europe de l’Est et du Sud-Est d’augmenter leur contingent en Afghanistan : « À l’heure où la situation s’améliore sur le terrain en Irak, je vous demande d’envisager d’envoyer vos forces armées en Afghanistan, qui a un besoin urgent de formateurs pour l’aider à élargir son armée ».
Notre chef d’état-major, le général Jean-Louis Georgelin, quant à lui, a déclaré le 8 octobre qu’il partage « totalement le sentiment qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise afghane. Notre général, et contrairement à son collègue britannique, n’a pas reçu de reproches de son supérieur, c’est-à-dire de Monsieur le président de la République. Cela signifie ce que cela signifie. Nous n’insisterons pas sur l’initiative de M. Kouchner, car elle n’a pas eu un écho favorable auprès des belligérants pour le moment.
Enfin, le général en chef de l’Otan en Afghanistan, David Mckiernan, a rejeté l’idée que son organisation militaire soit en train de perdre la guerre sur le sol afghan. Toutefois, il a affirmé qu’il avait besoin de davantage de forces militaires pour lutter contre les talibans.
Explication états-unienne de l’augmentation de la violence !
Le Los Angeles Times du 1re octobre, qui s’appuie sur des sources de renseignements militaires, a attribué l’augmentation significative de la rébellion à l’effort conjugué des trois princes de la guerre : Mullah Mohamed Omar, l’ancien chef du taliban, Jalaluddin Haqqani, ancien ministre dans le cabinet formé par les talibans et le très conservateur Gulbuddin Hekmatyar.
À ce propos, Gulbuddin Hekmatyar a reconnu récemment la responsabilité de ses hommes dans l’attaque dont l’armée française a été l’objet en août dernier. Hekmatyar, l’ingénieur, comme ses partisans l’appellent, n’a pas oublié que la France lui a préféré un autre seigneur (Ahmed Shah Massoud) dans les années 90, et, ayant pressenti que le moment des négociations était venu, a voulu montrer son importance et son poids sur l’échiquier afghan.
En 2006, Gulbuddin Hekmatyar a fait allégeance à Oussama Ben Laden en langue arabe. Par contre, il a refusé de la faire au Mullah Omar. Son orgueil, sa frustration du pouvoir durant la période où les talibans étaient au pouvoir l’empêche encore de sauter le pas. Pendant cette période, il s’est réfugié en Iran. Pour le Dr Hani Al Siba’i, directeur du centre d’études historiques, l’allégeance d’Hekmatyar à Ben Laden équivaut à une allégeance au Mullah Omar.
On raconte aussi, et selon Samir Sa’adawi, que Gulbuddin Hekmatyar a refusé de saluer Ronald Reagan lors d’une réception donnée aux chefs des moudjahiddines afghans, pour fêter le départ des forces soviétiques, car il n’a pas été considéré par le président américain comme le chef suprême de tous les moudjahiddines.
Le Los Angeles Times n’a pas manqué de souligner d’après ses sources militaires que la réputation de ces hommes est due principalement à leur combat, avec l’aide de la CIA bien entendu, contre l’armée rouge qui a fini par quitter l’Afghanistan.
Cependant, le même journal n’attribue pas toutes les opérations à ces princes, car l’armée américaine ne dispose pas des preuves irréfutables de l’existence d’une coopération active entre ces hommes. Par contre, l’armée les considère comme une source importante de déclenchement de violence.
À l’opposé des informations citées par le Los Angeles, Samir El Sa’adawi a révelé dans le journal El Hayat (pro-saoudien) qu’en dépit de la distance, plusieurs centaines de kilomètres, qui sépare Mullah Omar (au milieu du pays) de Hekmatyar (la zone stratégique frontalière avec le Pakistan), les deux hommes se sont liés pour lutter contre les étrangers.
Ce lien peut être interprétée par al assabiya al Qabiliya, c’est-à-dire par l’esprit de corps ou la cohésion et la solidarité, comme nous l’avions déjà démontré dans une contribution précédente. Donc, il y a une coopération étroite entre les deux hommes en dépit de leur différent sur la primauté de l’un ou l’autre. Ce problème ne se pose plus comme nous pourrons le constater un peu plus bas.
Pour Al Cheikh Jalaluddin Haqqani dont l’influence s’étale sur la zone frontalière à partir des provinces de Bektia et Yektika, son autorité va aussi dans l’ouest du pays et il a bâti des relations privilégiées avec les tribus de Pachtoun, ce qui lui a valu d’être nommé à la tête des forces militaires par le chef des talibans dans les années 90. Le point commun du Cheikh avec les deux autres c’est la volonté de résister à l’occupation étrangère.
Cheikh Jalaluddin Haqqani possède une qualité supplémentaire, il est considéré comme l’architecte des relations et des contacts entre Mullah Omar et Oussama Ben Laden. Les bases de Haqqani, en Afghanistan et au Pakistan, ont été bombardées deux fois en septembre dernier, par l’armée américaine, dans l’espoir de couper le contact entre les têtes de pyramide, entre Al-Qaïda et talibans, mais sans succès.
Reconnaissance de l’échec
À l’occasion du 7e anniversaire du 11-Septembre, la branche politique des talibans a appelé les forces internationales à quitter le pays car les Afghans refuseront les conditions des étrangers. L’appel a proféré des menaces contre les États-Unis et a promis « une perte historique » aux Américains en dépit des moyens sophistiqués mis à leur disposition. En même temps, Mullah Omar s’est engagé, dans une lettre publiée sur un site proche du taliban, à assurer la sécurité du départ des forces étrangères.
Devant l’impossibilité de gagner cette guerre par la force, nous constatons depuis la fin septembre des propositions inimaginables depuis quelques mois voire depuis quelques semaines. Que se passe t-il ?
Patrick J. Buchnan apporte une partie de la réponse, le basculement vers les négociations. La guerre en Afghanistan est la plus longue de l’histoire des États-Unis. Pourquoi n’avons-nous pas encore gagné ? Parce que nous manquons de forces armées.
Alors, pourquoi on a mis si peu de troupes ? Parce que, quoi qu’ils disent, très peu d’Américains croient vraiment que la survie du régime d’Hamid Karzaï est vital pour notre sécurité ou que nous serions en danger de mort si les talibans revendiquaient le pouvoir.
À cela, il faut ajouter la parole du général américain Patraeus : « de toute évidence, les décisions en Afghanistan sont allées dans la mauvaise direction... vous ne pouvez pas tuer ou faire des prisonniers pour venir à bout d’une insurrection aussi importante que celles rencontrées en Irak et en Afghanistan ».
Cependant, il manque quelques éléments de réponses que M. Buchenan ne précise pas et M. Barack Obama, le candidat démocrate aux présidentielles a souligné : notre problème c’était Ben Laden, point à la ligne. Pourquoi aller massivement en Irak ? M. Buchenan aurait dû creuser un peu plus dans ses analyses.
Le commandant en chef des armées américaines, Mike Mullen, va encore plus loin : « Nous ne pouvons pas tuer pour obtenir la victoire », et qu’il « n’était pas convaincu qu’on était en train de gagner la guerre ».
Des appels aux négociations !
Le président Hamid Karzaï a sollicité une médiation saoudienne pour des pourparlers avec Mullah Mohamed Omar. Requête immédiatement rejetée par Mullah Yerdar, l’un de chefs des talibans lors d’un entretien téléphonique avec Reuters.
Mullah Yerdar a réitéré les conditions de son mouvement de refuser tout pourparler avec les envahisseurs. « Nous avons dit par le passé, et nous le redisons une fois de plus que les forces étrangères doivent se retirer sans aucune condition », a affirmé de son côté, Qari Mohamed Yousuf le porte-parole du mouvement taliban à l’agence de presse afghane. Quant au Mullah Omar, il a refusé toute discussion avec la marionnette des Américains, Hamid Karzaï.
Le présidant afghan Hamid Karzaï : « J’ai décidé de me réconcilier avec les talibans ».
Le 4 octobre Mme Rice, désespérée par plusieurs déconfitures diplomatiques en Irak comme au Liban, a changé de ton. Elle a admis que la stabilité en Afghanistan nécessitait une aide régionale et un appui politique et économique des voisins. On commence à se réveiller. L’oncle Sam se réveille.
L’administration américaine actuelle est convaincue maintenant qu’elle est dans l’impasse, notamment, après les différentes déclarations des généraux de l’Otan et des généraux américains. La révélation d’un rapport alarmant élaboré par 16 agences de services de renseignement dévoilant que la situation en Afghanistan est dans une « spirale descendante » n’a fait que faire déborder le vase. La Maison-Blanche a décidé de réexaminer la politique états-unienne en Afghanistan.
Effectivement, nous ne pouvons pas également exclure un facteur important : les élections présidentielles prochaines. Il est coutume dans la tradition de la vie politique américaine que le président sortant ne laisse à son successeur qu’un nombre limité de dossiers en suspens.
Mais, en l’occurrence, l’héritage laissé est dur à assumer dans plusieurs domaines : écologiques, économiques, militaires et sociaux. Il est normal dans l’état actuel des choses que le maître de la Maison-Blanche tente de régler une question délicate telle que l’Afghanistan, même tardivement, car la nouvelle administration aura beaucoup de pain sur la planche.
L’appel de Robert Gates : le rattrapage !
Avec M. Robert Gates tout est possible. Le secrétaire américain de la Défense est persuadé maintenant comme les autres qu’il faut une solution pacifique, car la guerre d’Afghanistan ne peut pas être gagnée militairement. Il a fini, bon gré mal gré, par déclarer le 9 octobre à la suite d’une réunion de l’Otan à Budapest que :
« Son pays est disposé à se réconcilier avec les talibans afin de finir cette guerre ».
Il a ajouté que la « réconciliation est en fin de compte, une stratégie de sortie pour tout le monde ». Toutefois, M. Gates a confirmé son refus de discuter avec Al-Qaïda.
Les Britanniques sont pressés !
Cependant, les appels les plus significatifs sont ceux du général Carleton-Smith dans le Sunday Times selon lesquels : « Si les talibans étaient prêts à s’asseoir à une table pour parler d’une solution pacifique, alors cela serait précisément le type de progrès susceptible de mettre fin à ce type d’insurrection ».
Le message est clair, personne n’imagine, en dépit de démenti, qu’il s’agit d’une initiative personnelle de général. Il est quasi certain qu’il a eu le feu vert de son gouvernement et du gouvernement américain. En principe, en démocratie, les militaires ne parlent pas politique, c’est un domaine réservé aux hommes politiques.
En aucun cas, nous ne pouvons ignorer aussi la fameuse phrase du général David Petraeus ancien chef du contingent américain en Irak, devenu commandant de l’immense zone militaire Moyent-Orient-Asie (incluant l’Afghanistan) : « Il faut parler à ses ennemis ».
En fait c’est exactement ce que propose notre expert en diplomatie, notre ancien ministre des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine comme principe d’ABC pour régler les conflits : « La diplomatie n’est pas faite pour discuter entre amis ».
Des rencontres quand même !
Abdel Salam Da’ïf, l’ancien ambassadeur des talibans au Pakistan, a déclaré le 7 octobre que des éléments appartenant à son mouvement ont rencontré le roi saoudien et des responsables gouvernementaux afghans : « Nous étions 7 ou 8 anciens responsables talibans, idem pour les gouvernementaux, la rencontre a eu lieu en présence du roi ».
Pour le contenu de cette rencontre ou les détails, c’est la langue de bois : « Dans cette réunion, nous n’avons parlé ou discuté d’aucune question politique concernant l’Afghanistan ! » L’ancien ministre des Affaires étrangères des talibans a qualifié la rencontre d’« une réunion normale et nous avons dîné ensemble ! »
Les premières rencontres ont eu lieu les 24 et 27 septembre en Arabie saoudite. Gulbuddin Hekmatyar a représenté les rebelles. La rencontre a été saluée par le général britannique Mark Carleton-Smith.
Selon des sources à Washington un groupe de travail, composé de Saoudiens encouragés ouvertement par des Anglais et tacitement par les Américains, tente d’obtenir un accord entre certaines factions des talibans et le gouvernement de M. Karzaï dans le but de mettre en place un gouvernement d’entente nationale. Le président Karzaï est prêt à offrir des portefeuilles ministériels aux talibans s’ils acceptaient un accord avec lui.
Pourquoi Américains et Saoudiens s’intéressent-ils à Ben Laden ?
Les Américains comme les Saoudiens souhaitent avoir Oussama Ben Laden « Dead or alive ». Le but final est le même. Pour les Américains, l’arrestation de Ben Laden, permet de le juger et le punir pour le 11-Septembre d’une part, de restaurer l’effort perdu et déployé par leurs forces, remonter le moral des troupes d’autre part. Elle a l’avantage aussi de redorer le blason d’un président qui a échoué sur plusieurs plans et qui est sur le point de quitter ses fonctions par la petite porte.
Pour les Saoudiens, on attribue à Ben Laden plusieurs attentats dont il n’a pas nié la responsabilité. Ces attentats ont réduits la crédibilité du pays connu pour sa stabilité et pour sa main de fer à tout ce qui touche à la sécurité intérieure. C’est le premier producteur de pétrole du monde d’une part et le lieu du pèlerinage de millions des musulmans chaque année d’autre part. Donc, son arrestation est fondamentale pour le royaume.
Néanmoins, l’arrestation d’Oussama Ben Laden nécessite forcément une coopération active de la part du Mullah Omar, le chef suprême des talibans. Ceci nous amène obligatoirement à se poser une question capitale :
Est-ce que le Mullah est prêt à livrer son ami aux Américains ou aux Saoudiens et pour quel prix ?
Avant de tenter de répondre à cette cruciale question par une réponse simple du genre « Oui » ou « Non », je vous invite à lire attentivement et patiemment le paragraphe suivant en sachant que je me suis appuyé profondément sur une partie des travaux du philosophe arabo-musulman Ibn Khaldoun publié dans Le Livre des exemples d’Ibn Khaldoun.
Le calife Omar ! Le commandant des croyants ! Jusqu’à nouvel ordre !
Dans la vie, il est nécessaire de se référer à des règles politiques que tout le monde reconnaît et dont tout le monde respecte les clauses. Quand ces règles sont établies par les sages, les grands personnages et les esprits les plus éclairés de l’État, on a affaire à une politique rationnelle. Quant elles sont établies par Dieu par l’intermédiaire d’un législateur qui les proclame et en fait une loi religieuse, on a affaire à une politique religieuse.
Les règles de la politique ne considèrent que les intérêts du monde d’ici bas. Mais ce que veut le législateur pour les hommes, c’est leur bien dans l’autre monde. Il est donc nécessaire, conformément aux lois religieuses, d’exhorter les hommes à se soumettre aux préceptes religieux aussi bien pour les affaires de ce monde que pour celles de l’autre monde.
Cette tâche a d’abord incombé aux prophètes. Puis elle est passée à ceux qui les ont remplacés, c’est-à-dire les califes. Donc le calife est le substitut du législateur pour la garde de la religion et le gouvernement des affaires d’ici bas sur un fondement religieux. La fonction que le calife exerce est appelée Califat.
Quant au titre de commandant des croyants, il a été créé à l’époque des [quatre premiers] califes, appelés [Les califes bien guidés...] Pour faire court, la première personnalité musulmane qui a eu le droit à ce titre, était le deuxième calife de l’islam « Omar Ibn El Khatabe ».
Ces deux titres avec leurs fonctions et leurs pouvoirs sont les plus hauts grades qui peuvent être accordés à un musulman après le prophète. Ces titres sont le rêve ultime de certains hommes politiques musulmans croyants.
En fait, il n’y a pas longtemps, certains gouverneurs arabes, dans un but purement politique, ne se sont pas privés de s’approprier ces titres. Ces gouverneurs ont disparu maintenant selon la loi de la nature. Personne n’est éternel !
Sur le mur, on a écrit : « Le Commandant des Croyants Mohamed Omar »
Nous arrivons à l’essentiel : Oussama Ben Laden a fait allégeance au Mullah Mohamed Omar et il lui a confié les titres les plus honorables, les plus chers au cœur des musulmans.
Nous ne dévoilons pas un secret ni un scoop en disant que le Mullah Omar est aujourd’hui "Le calife" et « Le Commandant des Croyants » de toute la nation musulmane du monde entier, et ceci jusqu’à nouvel ordre. Au moins c’est ce qu’il croit.
Par contre, maintenant, nous allons tenter de répondre à la question que nous nous sommes posée plus haut, mais en posant une autre question :
Est-ce que le calife Mohamed Omar, Le Commandant des Croyants, va coopérer activement avec les Américains ou les Saoudiens pour livrer Oussama Ben Laden ?
Autrement dit est-ce que Le Calife va trahir la personne qui l’a nommé à la tête des croyants et qui le soutient financièrement et logistiquement ? Nous sommes en face de deux cas de figures :
1. Pour que la réponse du Calife soit « Oui », il serait intéressant de savoir qu’est-ce qu’ils ont - Américains et Saoudiens - à lui proposer de mieux ?
2. Si la réponse est non, cela signifierait que les négociations talibans-gouvernement seront, soit, infructueuses, avec des conséquences fâcheuses sur le terrain pour tout le monde, soit, vont déboucher sur un retour pur et simple des talibans au pouvoir !
Le président Karzaï sera-t-il en mesure de résister aux talibans quand les forces étrangères quitteront le pays ?
Fayez Nahabieh
Amis du Monde diplomatique
20.10.2008.
Eclairage Hors texte
1. Pouvoir politique et pouvoir religieux - Les prémices de la Laïcité.
Pour Ibn Khaldoun, l’idéal d’une unification du religieux et du politique est considéré comme une belle utopie qui n’a connu dans l’histoire de l’islam qu’une très courte durée (trente ans) où elle a été pleinement réalisée, au temps des [califes bien guidés]. Les raisons objectives empêchant cet idéal de fonctionner à travers le temps résident dans la nature de l’homme et dans celle du pouvoir en même temps.
Abdesselam Cheddadi nous démontre une autre originalité d’Ibn Khaldoun : la politique est indépendante de la religion. Au cours de l’histoire de l’islam, les régimes royaux qui ont existé dans la plupart des sociétés islamiques ont opéré un modèle de compromis entre l’application de la loi religieuse et les exigences de la société et du pouvoir.
Le politique était un domaine réservé où les religieux et les érudits n’avaient pas leur mot à dire. Ainsi, les premières prémices de la laïcité étaient nées. La seule chose qui manquait à cette formidable naissance était le cadre juridique et constitutionnel afin qu’elle pérennise à travers le temps. C’était un pas géant en faveur de l’humanité.
La religion dans sa fonctionnalité politique n’était pas nécessaire et, pour preuve, Ibn khadoun parle des sociétés ayant existé historiquement et qui fonctionnaient sans aucune religion. De ce point de vue, Ibn Khaldoun diverge des autres philosophes musulmans.
Toutefois, il reconnaît à la religion un rôle, seulement en tant qu’adjuvant aux forces sociales, c’est-à-dire en tant que force sociale parmi d’autres jouant le rôle du ciment pour unifier les hommes autour d’un idéal.
2. La signification du serment d’allégeance
Le serment d’allégeance est le fait de prêter obéissance. Celui qui le fait s’engage à abandonner à son prince la direction de ses propres affaires et celles des musulmans, à s’abstenir de toute contestation à ce sujet, et à lui obéir dans toutes les affaires dont il le charge, que cela lui plaise ou non.
(D’après Le Livre des exemples. Page : 499)
Références
1. Le Livre des exemples. Ibn Khaldoun. Bibliothèque de la Pléiade. Publiée aux Editions Gallimard. Volume numéro 490. 2002. Traduit par Abdessalam Cheddadi. 1559 pages.
2. Los Angeles Times Behind Afghanistan’s rising attacks ; Despite huge boutines on their heads were largely unhindered to direct strikes on US.troops.
3. Los Angeles Times Afghanistan : A country locked in a spiral of doom.
4. Centre d’actualités de l’ONU Afghanistan : La situation s’est détériorée depuis plusieurs mois, selon Kai Eide.
5. www.afp.net Afghanistan : Washington rejette tout "défaitisme", évoque des négociations
6. www.latribune-online.com Afghanistan, une année de sang.
7. www.liberation.fr L’Otan peut gagner en Afghanistan, selon le commandant en chef.
8. www.canoe.com L’Otan ne perd pas la guerre en Afghanistan.
9. www.lemonde.fr « La guerre en Afghanistan ne peut être gagnée », estime le commandant britannique sur place.
10. www.lemonde.fr Rapport alarmant du renseignement américain sur l’Afghanistan.
11. www.romandie.com Gates réclame des troupes à l’Europe du Sud-Est et de l’Est.
12. www.romandie.com Afghanistan : les USA réexaminent leur politique après un rapport alarmant.
13. www.solidariteetprogres.org Un groupe anglo-saoudien prépare une surprise d’octobre en Afghanistan.
14. http://fr.novopress.info A propos des généraux et des victoires.
15. www.rue89.com « Combattre les barbares » ou négocier avec les talibans ?
16. www.asharqalawsat.com En arabe. Une nouvelle stratégie américaine en Afghanistan : réconciliation avec les talibans et une diplomatie active avec les voisins.
17. www.aljazeera.net En arabe. Les Etats-Unis sont disposés à une réconciliation avec les talibans.
18. www.daralhayat.net En arabe. Washington propose à taliban la réconciliation s’il négocie avec kaboul pour finir la guerre.
19. www.aljazeera.net Rice appelle les voisins d’Afghanistan à l’aide et yaliban refuse de négocier.
20. www.daralhayat.net En arabe. Les horizons d’une solution afghane entre « l’ingénieur », le « Mullah Omar » et le réveil de « l’oncle Sam ».
21. www.asharqalawsat.com En arabe. La relation entre Ben Laden et le Mullah Omar s’est renforcée grâce au moyen financier, et l’attribution du titre « Le Commandant des Croyants ».
22. www.alarabnews.com En arabe. Hekmatyar et la grande allégeance.
23. www.daralhayat.net En arabe Les pourparlers afghans attisent la tension américano-britannique.
24. www.aljazeera.net En arabe. Canada : les forces étrangères ne peuvent instaurer la paix en Afghanistan.
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