Afrique du Sud : vingt ans de liberté, de la jeunesse vers la maturité ?
Il y a vingt ans tout juste, Nelson Mandela après plus de 27 ans d’emprisonnement, marchait libre dans les rues de Cape Town. Vingt ans, l’heure de la jeunesse encore. Des excès probablement. Des imperfections certainement. En route vers la maturité désormais ?
Il y a vingt ans tout juste, Nelson Mandela après plus de 27 ans d’emprisonnement, marchait libre dans les rues de Cape Town. Des images d’une forte intensité émotionnelle. Un acte fondateur qui a marqué à jamais nos jeunes générations, modifié pour toujours la carte politique régionale et qui a sa part dans l’émergence de ce monde nouveau qui se met en place progressivement, qui se dessine chaque année plus nettement, aux yeux de tous. Et en particulier d’une Europe qui semble à la fois étrangère et bien impuissante à intervenir pour en corriger les contours. Car engluée durablement dans un désenchantement.
Des émotions encore plus vives, étrangement, mêmes des années plus tard car ravivées après avoir visité la prison sur Robben Island, seulement à 11 kilomètres des côtes. Par cette visite, la dure loi carcérale, de surcroît appliquée dans le cadre d’un régime totalement inique, disons que l’on saisit dans la mesure du possible l’absurdité de ce système, on effleure concrètement la sévérité des conditions de détention et, plus que tout, on comprend l’incroyable force de résistance à l’oeuvre parmi les prisonniers. Leur détermination coûte que coûte, prêts véritablement à sacrifier leur vie pour que celles des autres soient un jour meilleures. Tous habités par un sens du destin, de l’Histoire. Mais, un sacrifice emprunt d’une saisissante intelligence, preuve en est les stratagèmes mis en place entre compagnons de cellules pour obtenir gain de cause sur certaines de leurs revendications, parfois afférentes à leur quotidien. Et même un humour déroutant auquel on ne s’attend absolument pas.
Vingt ans ! Le temps de la jeunesse. Des excès probablement. Des imperfections certainement. A rappeler, au passage, aux esprits hâtifs, qui vont vite en besogne, à ceux qui ont la caricature facile dans leurs écrits ou propos. Le temps de la jeunesse donc, celle d’un régime, d’un pays qui revient de très loin, d’une nuit ou l’obscurité était totale pour l’écrasante majorité de la population. Difficile en tant qu’européen, même avec cette formidable expérience, de mesurer exactement le chemin parcouru. Et surtout jauger cette résilience ’’sur humaine’’ d’un peuple.
Vingt ans, l’heure des premiers bilans qui sonne aussi. Deux écoles, celle qui regarde le verre à moitié vide (criminalité galopante dans les Townships, pauvreté extrême persistante) et celle qui préfère le verre à moitié plein (2 millions de personnes sorties de la pauvreté, construction de millions de bâtiments en dur, plus grand accès à la scolarité, l’émergence des Black Diamonds...). Tout est question de subjectivité. Du vrai et du faux donc dans les deux. Inutile de s’imiscer car stérile par avance.
Bien sûr les mauvaise langues sont toujours plus déliées et plus écoutées. Bien sûr, on peut faire nettement mieux. Bien sûr, du pain sur la planche il en reste énormément. Bien sûr, les défis sociaux, économiques et environnementaux demeurent nombreux. Mais, il me semble à lire ces articles, à entendre les avis de soient disant experts ou autorités morales (auto érigées en tant que telles parfois) que la critique est décidément
bien facile. Et surtout que c’est l’hôpital qui se moque de la charité quand on voit les chemins de traverse, les routes dangereuses dernièrement empruntés par l’occident.
D’autant qu’à l’époque, je me souviens, parfaitement, des prophètes de l’Apocalypse qui nous annonçaient, leur vérité solidement scellée sur leurs chevaux lancés au galop et avec un aplomb qui scied si bien aux détenteurs des paroles d’Evangile, que cette liesse collective serait de courte durée, aussi éphémère que le papillon éponyme, qu’une fois l’émotion passée, la raison reprendrait brutalement et froidement sa place. Avec son cortège morbide de sang versé, d’affrontements ethniques meurtriers, d’arbitraire... et j’en passe.
Mais quel désavoeu cinglant ! Et qui permet, un temps de se réconcilier avec notre foi (défaillante) en l’homme. Au contraire, le peuple s’est montré intelligent, extraordinairement conscient de cette opportunité véritablement historique pour fermer la porte aux atrocités du passé, aux tentations démoniaques (souvent) irrésistibles, au ressentiment fourvoyeur, aux fantômes revanchards qui piétinent aux seuils des maisons vils représentants de leur tout aussi ignoble fonds de commerce morbide pour exacerber notre Thanatos, servir d’exurgence à nos mauvais sentiments (soit à fleur de peau soit lovés au plus profond de notre inconscient) et ainsi ne pas sombrer dans ce scénario archi-familier, de la spirale sans fin de haine et de violence.
Ce peuple a déjoué la fatalité du mal que l’on dévolue sans gêne aucune doublée d’une assurance aussi tranchante que notre guillotine aux pays d’Afrique. Une prise de conscience collective et une transition pacifique réussie qui doivent beaucoup à des personnalités hors du commun qui ont endossé à la fois les rôles de vigies et de capitaines dont ses deux plus célèbres représentants sont Nelson Mandela et Desmond Tutu, deux prix Nobel de la Paix. Sans oublier toutes celles et tous ceux morts en route au cours de ces longues années de combat.
Vingt ans ! Et maintenant ? Pourquoi l’Afrique du Sud se fourvoierait ? Honnêtement, l’Afrique du Sud, a pour elle la lucidité, la confiance et la volonté pour faire mentirs les sceptiques. Seule peut-être l’ambition (de ses politiques) fait défaut.
Pour y parvenir, elle doit accélérer sa modernisation - matérielle mais plus fondamentalement culturelle à certains égards (je cible une certaine élite à l’esprit manifestement rétrograde) prérequis d’un progrès social tangible (surtout pour les femmes),
Faire la preuve qu’elle a pleinement et durablement sa place en tant que puissance montante (modèle de croissance stable, modernisation de son système économique, respect de l’Etat de droit...) au sein de ce monde émergent qui assume un rôle irréversiblement grandissant à la fois politique et économique au détriment du Vieux monde (la triade Europe, Etats-Unis et Japon),
Donner plus de voix au chapitre sur les affaires du monde pour gagner en crédibilité et renforcer son autorité, comme elle en a fait une démonstration convaincante au cours du sommet de Copenhague sur l’environnement et le développement durable.
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