Attentat de Bourgas : Le porteur de la bombe était-il un kamikaze ? Rien n’est moins sûr…
Les zones d’ombres autour de l’attentat qui a tué cinq civils israéliens à Bourgas en juillet dernier sont multiples, et les versions officielles ont bien du mal à tenir la route. Les autorités israéliennes et bulgares affirment que le porteur de la bombe était un kamikaze. Or, de nombreux faits, indices, et avis d’experts viennent remettre en cause ce postulat…
La Sofia News Agency a présenté les doutes des enquêteurs bulgares et internationaux, selon lesquels le kamikaze présumé aurait finalement été une victime du terroriste. Il était soupçonné d’avoir été trompé, et d’avoir été contraint de faire passer en Bulgarie ce qu’il pensait être une cargaison de drogue.
Le média d’investigation bulgare bivol.bg fut un des premiers à donner du crédit à cette version : « Bivol a précédemment écrit que la thèse du « kamikaze » (le mot correct est « shahid » – un mot arabe, qui signifie « martyr » ou « témoin ») donnée par le Ministre de l’Intérieur Cvetanov ne tenait pas la route, et qu’il est plus probable que le jeune homme ait été utilisé comme une mule sans savoir qu’il allait se faire exploser. Les auteurs de l’attentat ont coupé tout lien avec eux et les organisateurs en faisant exploser l’homme à l’aide d’une commande à distance ».
Cet avis est partagé par l’ancien chef du bureau de lutte contre le terrorisme israélien, le Général Nitzan Nouriel. S’exprimant dans une interview donnée à la station bulgare Darik radio, le général a déclaré que ceux qui ont embauché le suspect lui ont menti, et qu’il n’avait aucune idée qu’il allait mourir. « Notre expérience en matière d’attaque suicide révèle que ces gens peuvent marcher tranquillement jusqu’à l’intérieur d’un véhicule pour ensuite faire exploser la bombe qui les tueraient. (…) Il avait la mission de mettre les sacs contenant les explosifs dans le bus, parce que s’il avait lui même eu le droit de décider où il pouvait se faire exploser, il l’aurait fait d’une façon à ce qu’il y ait davantage de dommages et de victimes. [donc à l'intérieur du bus, ndj] Les kamikazes ne craignent pas la mort. Ils savent qu’ils vont mourir. Cet homme avait l’air nerveux sur la séquence caméra de sécurité. » a expliqué l’expert israélien.
Cette version est confirmée par un témoin israélien, Gilat Colangi. Cette femme, dont le mari, Izik Colangi, est mort durant l’attentat, a vu le porteur de la bombe sortir des valises de la soute à bagage du bus pour y mettre ses sacs (il en aurait porté un plus petit autour de la taille). Son mari et un autre touriste se sont alors disputés avec cet homme à cause de cela, puis, quelques secondes plus tard, l’explosion eut lieu. S’exprimant depuis un hôpital israélien sur la chaîne de télévision Channel Two, Gilat Colangi a ajouté que la bombe avait été déclenchée à distance, par une tierce personne qui avait vu l’altercation.
Intéressons-nous maintenant au permis de conduire retrouvé sur le porteur de la bombe. La Sofia News Agency, rapportant les propos du Ministre de l’Intérieur bulgare Tsvetan Tsvetanov, informe que celui-ci avait déjà été repéré dans la ville de Plovdiv en 2007. Cependant, il n’est pas certain qu’il s’agissait du même individu utilisant ce document à l’époque. Cité par dnevnik.bg, Tsvetan Tsvetanov a déclaré que ce document était « très bien fait » et n’avait « probablement pas été produit en Bulgarie« .
Ce document a attisé la suspicion de Boaz Ganor, créateur de l’Institut International de l’antiterrorisme. S’exprimant dans le Jerusalem Post, il explique que les kamikazes ne portent d’habitude pas de pièce d’identité sur eux. Celui-ci rapporte par ailleurs que le porteur de bombe aurait fait une reconnaissance de l’aéroport en taxi avant l’explosion de la bombe : « Un tel comportement n’est pas caractéristique des kamikazes, qui arrivent sur la scène avec une parfaite connaissance du lieu et des outils nécessaires à l’attaque, préparé par du renseignement et de l’entraînement. Une reconnaissance tardive comme celle qui a été accomplie par le terroriste de Bourgas peut être comprise comme une tentative de trouver un chemin pour fuir après l’attaque, suggérant par ici que le terroriste n’avait aucune idée qu’il courait à sa propre mort. »
Cette thèse est encore étayée par Lubomir Dimitrov, un Colonel des services secrets à la retraite. Celui-ci a déclaré au journal Pressa que l’homme « croyait peut-être porter de la drogue et ne s’attendait pas à mourir ». Naharnet cite d’autres experts expliquants que ce que l’homme portait (short et T-shirt, casquette de baseball, des lunettes de soleil, un gros sac à dos et une sacoche pour ordinateur) n’était pas l’accoutrement typique du kamikaze.
De plus, le directeur général de la police bulgare, Kaline Guéorguiev, a aussi admis que l’auteur de l’attentat ne présentait pas le profil d’un kamikaze.
Alors, pourquoi s’obstiner à défendre la version du « kamikaze » ?
« Ce scénario [est] le plus commode pour le gouvernement qui clame que personne ne peut arrêter une bombe humaine. Mais je doute de son bien-fondé », affirme Atanas Atanasov, ex-patron du contre-espionnage bulgare. Ainsi, affirmer que le porteur de la bombe aurait été un kamikaze, ce qu’a fait Georgi Iliev, du National Investigative Services bulgares, est une façon d’amoindrir l’échec du gouvernement bulgare.
Mais cela a aussi une dimension symbolique, et est utilisée dans la campagne de diabolisation de l’Iran et du Hezbollah par Israël (qui veut que cette organisation soit classifiée comme « terroriste » par l’Union Européenne). Reconnaître que le porteur de la bombe n’était qu’une victime du véritable terroriste (ce qui est l’hypothèse la plus probable) serait un aveu de faiblesse dans la rhétorique belliqueuse promue par le gouvernement de Benjamin Netanyahou. D’autant que les israéliens, clamant depuis plusieurs semaines avoir des preuves « solides comme un roc » censées démontrer l’implication du Hezbollah et de l’Iran, n’ont pas été capable de fournir quoi que ce soit de concret aux services de renseignement, dont l’enquête piétine…
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