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Aux armes ! ou The Way of the Gun

"Oh my God, they killed Kenny ! You bastards !"

La Cour suprême des États-Unis a rendu un arrêt ce 26 juin qui réaffirme la liberté de port d’armes en vertu du Deuxième amendement de la Constitution.

“A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed.”

Par un vote serré de 5 contre 4, les juges ont annulé plusieurs mesures, dont une en vigueur depuis plus de trente ans dans le Dictrict de Columbia (DC), c’est-à-dire dans la capitale fédérale de Washington DC. Dans District of Columbia v. Heller, les juges considèrent les limitations de port d’armes et l’obligation que les armes soient maintenues démontées au domicile, ce qui limite nécessairement la possibilité de s’en servir à temps en cas d’agression, comme inconstitutionnelles.

La liberté de port d’armes aux États-Unis est une tradition qui remonte aux fondations de la République, qui garantissait notamment aux États de lever des milices aujourd’hui appelées Gardes nationales. Dans leurs considérations, les juges soulignent que leur position ne constitue pas un blanc seing légalisant la possession de n’importe quel type d’arme. Seuls les fusils et les armes de poing, objets traditionnels d’autodéfense, sont concernés. Il ne s’agit pas davantage d’affaiblir les restrictions sur les interdictions du port d’armes dans les lieux publics sensibles tels que les écoles.

Le cas est né de l’appel pourvu par un agent de sécurité du nom de Heller auquel le gouvernement local de DC a refusé la détention d’une arme au domicile pour sa propre protection. Les juges ayant soutenu la décision sont Antonin Scalia, rédacteur de l’arrêt, Samuel Alito, Clarence Thomas, Anthony Kennedy et le président John Roberts. Contre la décision ont voté Stephen Breyer, Ruth Ginsbrug, David Souter et John Paul Stevens.

Le fond de l’affaire, qui concerne d’autres villes des États-Unis ayant adopté des règlements similaires, comme Chicago, est celui du maintien sous contrôle de la criminalité par des interdictions de port d’armes. Pour certains juges, le Deuxième amendement valait à une époque où le pays était encore en construction et les milices jouaient un rôle qu’elles ne jouent plus - seuls les membres des Gardes nationales devraient, selon cette approche, être autorisés à conserver des armes à domicile. La liberté de port d’armes représente pour eux un anachronisme, en ville plus encore que dans les États ruraux, et l’interprétation des juges en faveur leur paraît être une substitution des juges aux élus et une vision dépassée par rapport à la vie citadine moderne.

On touche là à des ressorts profonds, historiques de la société américaine. Il faut prendre la distance nécessaire et ne pas se limiter aux éructations de Michael Moore, sottement célébré sur la Croisette pour ses critiques faciles et systématiques de l’Amérique. Le port d’armes fait partie de l’identité américaine dans une large partie du pays, comme en témoigne la puissance de la NRA, la National Rifle Association, le lobby pour la défense du port d’armes que présida longtemps l’acteur Charlton Eston.

Qu’est-ce que cela indique dans le contexte électoral ? Les deux candidats se sont rendus à la décision de la cour. Ils ne pouvaient non seulement pas faire autrement, mais surtout l’attachement d’une grande partie du pays à cette liberté essentielle fait partie de la culture américaine et restera quel que soit le vainqueur.

John McCain, qui n’est pas opposé à certaines restrictions devant les ravages que fait aux États-Unis le libre port d’armes, notamment des restrictions sur les ventes, a critiqué "l’élitisme" de son rival - campagne oblige. Obama a également salué la décision, soulignant toutefois que, comme le juge Scalia avait lui-même précisé, Disctrict of Columbia v. Heller n’était pas une autorisation de tenir des armes sans régulation et ne créait pas un droit absolu.


Le 16 avril 2007, la fusillade à l’université Virginia Tech fait 32 victimes. C’est l’un des massacres les plus meurtriers de l’histoire des États-Unis.

La prudence des commentaires le confirme : sur certaines choses, l’Amérique ne changera pas, et même un Obama doit épouser l’opinion d’une majorité, se souvenant sans doute de l’exemple de Bill Clinton, qui n’avait pas adopté l’opposition frontale des démocrates sur la question, mais une ligne très nuancée.

Cet article est une co-édition Politique Américaine / Agoravox.

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Aux armes ! ou The Way of the Gun

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9 réactions à cet article    


  • ThatJazz ThatJazz 1er juillet 2008 13:37

    Mais QU’EST-CE qu’il va falloir pour que les Américains renoncent aux armes ? 50 morts ? 100 morts ? Le WTC fait 3500 et on fait deux guerres, mais des milliers de gens sont tués par balle tous les ans sans que ça émeuve personne. Les marchands d’armes sont les vrais terroristes !


    • thirqual 1er juillet 2008 13:44

      Il est assez surprenant, en lisant les forums étatsuniens, de voir le nombre de contributeurs qui se félicitent de cette décision qui leur permettrait, selon eux, de faire face en cas de coup d’état ou de dérive autoritaire de leur gouvernement avec appui sur l’armée. Autant l’argument était excellent au XVIIIème et jusqu’au début du XXèmen, autant actuellement il me paraît le sommet de la stupidité.

      En gros, le niveau étant "moa et mes voisins avec nos fusils on peut se défendre contre des tanks et des bombardiers, sisi". Bon, pourquoi pas. Personnellement je me sens bien plus tranquille en voyant que l’achat d’engrais, de vinaigre, d’essence, d’eau de javel, de désherbants, de chaux, d’alcool concentré, de dissolvants, et j’en passe, me sont possibles, mais bon...



      • Jimd Jimd 1er juillet 2008 13:50

        merci pour cet article clair et precis.

        il me semble lors de la nomination de Roberts on disait de lui qu’il souhaitait etre proche de la constitution et eviter les interpretations qui s’eloignent un peu trop et denature son propos original.
        cela me semble etre le cas de cette decision : pas d’interpretation, on reste proche du texte.

        le systeme contitutionel americains est tres solide, la constitution est tres ancienne et peu amendee mais on touche parfois, comme ici, les limites d’une telle stabilite dans les textes.
        La vie moderne est tres differente du temps des pioniers. malgre tout beaucoup d’americains restent mefiant vis a vis du pouvoir federal, et tres conscients que se sont les individus qui font l’amerique et pas cet etat federal. c’est pour ceux la une liberte fondamentale de pouvoir se defendre. je n’adhere pas, mais peux (essayer de) comprendre.



        • Vincent Verschoore VincentV 1er juillet 2008 14:02

          @ l’Auteur,

          Votre artcle me semble être pertinant dans l’ensemble mais un poil caricatural et léger sur le fond, je m’explique : d’une part dire que le port d’arme fait partie de la culture américaine, c’est comme dire que le port du bérêt fait partie de la culture française : c’est une image, en partie vraie, mais assez peu utile. Et traiter le travail de Moore comme vous le faites me fait penser que soit vous n’avez pas vu ses films, soit vous êtes un Bushiste convaincu. M Moore n’est pas contre le droit de porter une arme, il est contre la politique interieure "de la peur" des US sous Bush qui, combinée au port d’arme libre, fait les ravages que l’on sait.
          Mais bon, pour en revenir au fond : le deuxième amendement existe avant tout du fait que l’Amérique à été fondée par des gens pour qui l’ennemi public n° 1 était l’Etat (étant pour beaucoup des exilés d’Etats dictatoriaux) et que le seul véritable moyen d’empêcher un Etat d’outrepasser ses droits et asservir le peuple est d’armer le peuple. Ce qui ne veut pas dire porter une arme en permanence et s’en servir en toutes circonstances, et c’est là ou se place le débat.
          Pour aller plus loin, on peut se demander si en France, dans l’ambiance actuelle d’un Etat avec un penchant assez marqué pour une certaine forme de dictature, le repli du droit d’expression, la police totalitaire sortie de ses obligations républicaine pour servir les lubies des apparatchiks, un Deuxième amendement à l’Amércaine n’aurait pas pour effet de calmer un peu tout ce petit monde, car si les citoyens avaient le droit et les moyens de répondre d’égal à égal à des forces abusant de leur pouvoir, sans doutes ces forces-là réflechiraient-elles à deux fois avant de sortir de leur cadre institutionnel.


          • Guizmo 1er juillet 2008 23:11

            Hehe pas mal la référence à South Park.

            Il faudrait vérifier si réellement le port d’armes fait partie de l’identité américaine. Peut-être que c’est le cas, mais il me faut la preuve, parce que vous l’avez de mon point de vue dit et répété assez facilement. Et dans votre développement, c’est une arugmentation de poids. On peut , il est vrai, peut-être voir ca comme une conséquence de l’individualisme américain. Alors qu’en France notre sécurité est assurée par un "collectif" (la police, la gendarmerie), aux Etats-Unis c’est vous-même qui avez l’opportunité de vous protéger en plus, il est vrai, de la police.
            Peut-être (et là je m’avance sans vraiment de preuves) aussi que les Américains ont un besoin très important de se sentir protégés, et un corps de l’Etat qui serait garant de leur sécurité ne leur suffit donc peut-être pas. J’avais vu un reportage sur quelques quartiers américains assez spéciaux, dans le sens où ils sont ultrasécurisés au point qu’ils sont presque fermés au monde extérieur (murs, miradors alors que l’on n’est au mileu de pas grand chose) et qu’ils disposent de leur propre patrouille, des 4x4 ultra équipés.. c’est bien sûr caricatural mais ca peut être symbolique.
            Il est clair donc que si le port d’armes est partie intégrante de l’identité américaine on ne peut aisément leur dire "désolé, mais le port d’armes est désormais interdit".

            Il n’empêche toutefois que fondamentalement, c’est très dur de comprendre cette position. Je partage le point de vue de ceux qui pensent que cette loi est devenue hors-contexte au fil du temps et sert plus des intérêts économiques qu’elle ne permet une sécurité nécessaire. Il n’y a qu’à regarder Lucky Luke. Lui mais également tous les personnages de la BD ont une arme, mais c’est dû au fait que nous sommes en pleine colonisation de l’amérique, et règne une certaine insécurité qui n’existe plus actuellement aux Etats-Unis, en tout cas dans une très, très très grande partie du territoire.
            Le commerce d’armes est ultraprolifique : plus de 270 millions d’armes recensées, la moitié des ventes de pistolets dans le monde, au final 90 armes pour 100 personnes. Et pourtant, les coûts de ces armes sont extrêmement élevés pour la société américaine : 100 milliards de dollars chaque année selon le Brady Center. C’est assez troublant, quand on se dit que c’est vendre de la mort.
            Et puis il ne faut pas oublier les mutliples dérives et incidents dûs à ces armes. La permission du port d’armes amène à la formation de groupes (pas forcément des gangs.. c’est vrai le terme est vague et ne signifie pas grand chose en soi, bref) violents qui peuvent représenter un grave danger pour la société, et puis personne ne peut réellement contrôler tous les porteurs d’armes au coin de la rue, n’importe qui peut tirer sur sur n’importe qui n’importe quand et pratiquement n’importe où.

            Il faut donc voir si ce port d’armes représente un réel avantage pour la société américaine, parce que ses conséquences sont très graves et tout le monde le sait. Les politiques aussi, ce ne sont pas du tout des pigeons mais eux aussi sont américains et on a tous été confrontés à ce genre de situations où vous utilisez une méthode que tout le monde utilise depuis très longtemps et qui paraît normale, et où vous avez énormément du mal à vous en séparer même quand vous voyez qu’elle fait beaucoup de dégats et qu’elle ne marche pas.
            Et puis ca signifie faire face à des lobbies très puissants et qui ont une grande partie de la population américaine avec elle, en plus des grands groupes vendant ces armes, avec des intérêts gigantesques et qui comme pour d’autres produits tels que la cigarette ou l’alcool ne sont pas du tout prêtes à lacher le morceau. Donc en plus d’être contre le port d’armes, il faudrait arriver à sacrifier sa carrière pour imposer la mesure. Peut-être faudrait-il attendre un changement progressif des mentalités, ce qui est à mon avis envisageable et qui est peut-être en train de se faire à travers des campagnes et puis, encore une fois, les dérives actuelles, malheureusement. Je veux dire.... certains ont tiré sur des gens à 14 ans, avec un fusil d’assaut.... 14 ans, ce sont des gosses, même pour moi qui suit plutôt jeune, c’est terrifiant.. un autre monde quoi. Rendez-vous compte, enfin je sais pas... ca donne des frissons. Comment c’est possible, aux Etats-Unis ?

            La situation est manifestement très, très compliquée. Et comme toujours on ne peut pas juger les Américains ou du moins leurs dirigeants aussi facilement que l’on voudrait le faire. Dans tous les cas, essayons de ne pas être trop idéalistes et laissons place à un peu plus de réalisme, ca éviterait bien des disputes inutiles.


            • Yannick Mireur Yannick Mireur 2 juillet 2008 13:14

              Je reponds à thatjazz, jimd, thirqual et vincentv :

              En premier lieu, les Américains ne renonceront pas si facilement au port d’armes car c’est dans la culture d’une bonne partie du pays, c’est-à-dire ancré dans des mentalités où la liberté de se défendre, un peu déphasée aujourd’hui, reste considérée comme un fondement politique et culturel essentiel - ce qui ne se compare pas au béret français.

              Il ne s’agit pas de coutume vestimentaire ou gastronomique mais de principe politique d’une société bâtie sur l’égalité et l’individu, et d’une nation fondée sur la conquête d’une territoire.

              C’est en cela que c’est dans leur culture - je conviens que la formule peut être interprétée sans approfondir.

              C’est un peu ce que dit jimd dans son commentaire sur la Cour suprême : liberté individuelle contre Etat fédéral, cette dialectique-là reste très présente dans la vie politique et institutionnelle des USA.

              Quant à Moore, il apporte une critique juste, c’est évident, et ses films sont bons (j’ai vu ses films et je ne suis pas bushiste (!) Seulement il faut se garder de surestimer l’oeuvre du cinéaste, qui a la tâche facile et abuse de la critique alors qu’il représente un opinion très minoritaire, que cela plaise ou non.

              PS : J’ai repris vos commentaires sur mon blog (http://yannick-mireur.blogspot.com), indiquez-moi si cela vous pose un problème, je les retirerais.


            • Pierredantan Pierredantan 2 juillet 2008 19:04

              Le discours sur les armes en France est depuis très longtemps biaisé et je suis surpris que personne ne s’en soit déjà vraiment ému.

              Admettons-le, l’idée répandue par les media en France et en Europe, est que tout possesseur d’arme est un criminel potentiel. La quasi-totalité des campagnes média actuelles sur le sujet s’appuie sur cette idée, sous-entendant que nul citoyen n’est sufisamment sûr et digne de confiance pour - dans l’absolu - avoir de droit de détenir une arme.

              Il y a pourtant plusieurs millions de détenteurs d’armes en France et je n’ai pas connaissance d’épidémie de massacres ou d’assassinats à leur sujet. Pour faire un peu de provocation, l’automobile me parait un moyen bien plus efficace dans ce sens ! Et pourtant personne ne songerait à interdire ce moyen de transport pour cette raison.

              Il est cependant vrai que dans les endroits où le "lien social" est parfois distendu (le "93", les USA ?) , l’arme devient trop facilement l’intermédiaire du règlement de compte. Mais personne n’a dit que l’assassin membre d’un gang était probe et honnête. Pas plus que le gamin qui allait massacrer ses copains n’était sain de corps et d’esprit. Et pourtant aucun des deux n’est sensé avoir d’armes à disposition.


              La vraie question à mon avis est de savoir pourquoi les Etats ont si peur de leurs citoyens honnêtes mais armés. Et une époque où les médias conduits par le pouvoir exécutif nous abreuvent de faits sans importance : faits divers et sport , à une époque où l’on ne nous demande plus de voter pour les vraies questions, et où ceux qui gouvernent ne sont plus élus (Bruxelles...) par le peuple, la question demeure plus que jamais.


               


              • zarathoustra zarathoustra 3 juillet 2008 11:07

                C’est ce qu’il me semble aussi je rejoind donc tout a fait votre propos et je me permet de rajouter une petite touche personel en disant que non satisfait de mentire éhontément a leur peuple de le volé d’en faire de la chaire a canon de le réduire a misere la plus extreme misere il voudrais maintenant le désarmé pour l’avoir a sonentiere merci !


              • Bobby Bobby 3 juillet 2008 20:07

                Bonsoir,

                On peut en effet, se poser bien des questions à ce sujet. La détention d’arme est pour moi une question de philosophie de vie et revient à se demander pourquoi faire ? ... de même que leur fabrication, leur promotion, leurs investissements... toute une chaîne d’activités tournant autour d’un concept plutôt guerrier, tous états confondus, dépensant pas loin de 23 fois plus à l’échelle mondiale que pour l’eau potable, l’alimentation et les frais pharmaceutiques réunis. Ce sont là les chiffres officiels du PNUD (Programme des Nations-Unies pour le Développement). Chiffres qui datent déjà de 1999, et le coefficient ne cesse d’augmenter !


                Je suis persuadé que le dialogue reste la meilleure base d’échanges... pour autant que l’on prenne la précaution d’assurer le respect de l’avis différent... mais me rends bien compte que les habitudes sont de régler par la force toute divergence d’opinion, de couleur... de fortune, ou de faire se régler par le fructifiant commerce, des positions de parts de marché qui ne pourraient se conquérir autrement.

                Nous sommes habitués à prendre pour argent comptant les leurres que des spécialistes comme Barnes (le neveu de Sigmund Freud) nous ont concoctés aux fins de nous enrôler dans les armées, nous faire fumer d’avantage ou consommer tel ou tel autre produit dont le chiffre d’affaire serait en baisse... rien ne nous sera épargné ! Quant à la finalité de pareille engeance... les Pink Floyd en ont fait un... best-seller !

                Aux propos fort pertinents que j’ai lu, j’ajoute que la société des état-unis possède le triste record de criminogénèse et les mesures drastiques (le nombre de prisonniers par habitant est hallucinant) prises pour les freiner ne font que les augmenter semble t’-il !

                 

                Bien cordialement.

                 


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