Barack Obama répare une anomalie historique
Xavier Frère
Groupe EBRA (Le Progrès, L’Est Républicain, Le Républicain lorrain, les Dernières Nouvelles d’Alsace, Vosges Matin, L’Alsace, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Progrès, Le Dauphiné libéré, Vaucluse Matin)
http://www.dna.fr/actualite/2016/03/21/barack-obama-repare-une-anomalie-historique
Questions à Salim Lamrani, docteur ès études ibériques et latino-américaines de Paris IV-Sorbonne*
1. Cette visite sera-t-elle seulement historique et symbolique ? Que faut-il en attendre ? Sera-t-elle suivie d’effets positifs pour la population cubaine ?
Il s’agit d’une reconnaissance formelle du gouvernement de Cuba par les Etats-Unis. En se déplaçant à La Havane, Barack Obama répare une anomalie historique. En effet, il est impensable que des peuples si proches, historiquement et géographiquement, soient séparés par un différend politique et idéologique. Cette visite renforcera le lien entre les Cubains et les Américains.
2. Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps ce rapprochement entre ces deux pays ? N’était-ce pas une opposition dépassée, d’arrière-garde ?
Il convient de rappeler qu’il s’agit d’un conflit asymétrique, avec une hostilité à sens unique. En effet, Washington impose des sanctions économiques sévères à La Havane depuis 1960, suscitant l’opprobre de la communauté internationale. Cuba a toujours fait part de sa volonté à établir des rapports cordiaux avec Washington à condition qu’ils soient basés sur trois principes du droit international : l’égalité souveraine, la réciprocité et la non-ingérence dans les affaires internes.
3. Les Etats-Unis conditionneront ils une levée des sanctions aux droits de l’homme ?
La rhétorique diplomatique pour justifier les sanctions économiques a constamment fluctué au fil des ans. Pour justifier son hostilité vis-à-vis de Cuba depuis 1959, Washington a successivement fait allusion aux nationalisations des entreprises étasuniennes, à l’alliance avec l’Union soviétique, au soutien apporté par Cuba aux mouvements indépendantistes et révolutionnaires à travers le monde, et enfin aujourd’hui aux droits de l’homme. L’argument des droits de l’homme résiste difficilement à l’analyse, surtout lorsque l’on sait que Washington entretient des relations privilégiées avec des monarchies féodales du Moyen-Orient qui n’ont que très peu de considération pour la condition humaine.
4. Barack Obama a affirmé que l’embargo serait levé par son successeur à la Maison Blanche. Qu’en pensez-vous ?
En réalité, en tant que chef du pouvoir exécutif, Barack Obama dispose de toutes les prérogatives nécessaires pour démanteler la quasi-totalité du réseau de sanctions économiques, sans nécessiter l’accord du Congrès, ni attendre la prochaine élection. Ainsi, il peut autoriser le commerce bilatéral entre les deux nations, autoriser Cuba à utiliser le dollar dans ses transactions internationales, permettre à l’île d’acheter sur le marché mondial des produits contenant plus de 10% de composants étasuniens, légaliser l’importation de produits fabriqués dans le monde à partir de matières premières cubaines et consentir à vendre à crédit des produits non alimentaires à l’île. Rares sont les secteurs qu’Obama ne peut pas toucher sans l’accord du Congrès. Il faut juste avoir la volonté politique nécessaire.
5. Sur le long terme, Cuba peut-il devenir un « 51e » Etat américain ? Et quelle répercussion ce rapprochement diplomatique aura-t-il sur le régime communiste cubain en lui-même ?
Non, car Cuba est un pays souverain. Les Cubains, y compris les catégories les plus insatisfaites de la société, sont très attachés à leur indépendance. Ils ne souhaitent pas changer de système politique ou de modèle social. Ils aspirent plutôt à disposer d’un meilleur niveau de vie.
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba, parole à la défense !, Paris, Editions Estrella, 2015 avec une préface d’André Chassaigne.
Contact : [email protected] ; [email protected]
Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
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