Boeing 787 : le silence assourdissant de Thalès
Concepteur sous-traitant de la firme de Seattle pour l'ensemble du système électrique de l'avion Dreamliner actuellement cloué au sol à cause de la dangerosité de ses piles Li-ion en état de surcharge, la firme française Thalès se garde bien d'intervenir dans le débat passionnant qui a commençé dans la presse anglo-saxonne.
On y apprend [1] par exemple qu'à force de vouloir alléger l'avion dans le but de lui faire économiser 20 % de carburant, Boeing qui a misé principalement sur l'allègement de la cellule et des ailes en adoptant à 100% les matériaux composites en fibres de carbone, a en outre complétement changé la donne habituelle en remplaçant les dernières fonctions à commande hydrauliques – comme par exemple les freins installés sur le train d'aterrissage de fabrication française SAFRAN-SNECMA – par des commandes électriques au point de surcharger le système électrique (1000 kW contre 600 avec l'Airbus 380 deux fois plus gros que lui) d'où la nécessité d'avoir recours aux batteries les plus performantes du moment qui sont aussi les plus controversées du fait des incidents nombreux qu'elles ont déjà provoqués, notamment sur les smartphones (ce sont les mêmes cellules de base mais assemblées en kyrielles dans un ensemble assez peu volumineux et beaucoup plus léger qu'auparavant).
Des soupçons apparaissent sur la célérité suspecte avec laquelle la firme a obtenu la certification de son avion inédit auprès de l'Autorité Fédérale de l'Aviation civile (FAA) en dépit des nombreux problèmes rencontrés, tant de dimensionnement, que d'éxécution, que de raccordement des divers composants en matériaux composites soutraités dans le monde entier, que du sérieux incident – feu dans une armoire électrique déjà – survenu lors des essais en vol. Qui plus est, Boeing aurait demandé une dispense pour l'utilisation des fameuses piles au Li-ion non agrées dans le domaine de l'aviation civile – à l'inverse très utilisées dans l'aéromodélisme – car, en cas d'incendie, elles émettent de l'oxygène. Les rapports apaisants fournis à l'administration US ne proviendraient pratiquement que de Boeing.
La presse anglo-saxone révèle aussi [2] que, dès 2002, le syndicat SPEEA des ingénieurs de Seattle avait mis en garde contre la soutraitance à tout va et l'externalisation inconsidérée d'ensembles complets (comme c'est devenu courant dans l'industrie automobile) sans être entendu.
“There aren’t that many qualified outside experts (except at Airbus). Where are they going to get them from ?” he says. “This is where the extreme outsourcing really causes problems. How are they going to get their suppliers to be truthful ? That has always been a problem in aeronautics. The 787 organization makes it much, much worse.”
Pire encore, Boeing refuse que ce syndicat soit associé à l'enquête approfondie que mène la FAA sur la conception et la réalisation du Dreamliner afin d'envisager les solutions qui pourraient permettre à cet avion de redécoller. C'est dire si l'ambiance doit être bonne à Seattle (un peu comme chez Renault au moment de leur crise de prétendu espionage sur la voiture électrique et leurs ennuis avec les batteries, précisément). Chez Airbus on ne leur souhaite pas malheur, on se réjouit seulement d'avoir choisi des solutions moins osées pour l'A350 qui est en fin d'assemblage à Toulouse (premiers essais à l'été prochain).
[1] http://www.guardian.co.uk/business/2013/jan/18/boeing-787-dreamliner-grounded
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