Cette vague trumpiste qui ne cesse de monter
L’élection qui devait être la plus serrée de l’histoire se révèle être extrêmement claire : malgré les espoirs un moment suscités par Kamala Harris, la Vice-Présidente et les démocrates ont été balayés par Trump et les républicains. Il est frappant de constater que Donald Trump gagne encore des voix, alors que Kamala Harris en perd près de 10 millions par rapport à Biden, signe d’un mouvement profond.
Les démocrates offrent les USA à Trump
Vu depuis une grande partie de l’Europe métropolitaine le vote des USA peut sembler incompréhensible. Un ancien président, vieux, racontant souvent des énormités, se comportant mal, avec d’innombrables poursuites à son encontre parvient à défaire une femme plus jeune que lui, modérée et prudente. Pourtant, la décision de la Cour Suprême, remplie par Trump, de laisser faire les États en matière d’avortement, qui a produit une vague des restrictions choquantes dans de nombreux États, devait permettre une forte mobilisation des femmes contre Trump. Pour couronner le tout, le fait que Kamala Harris soit métisse devait lui garantir de fortes majorités dans les minorités, les stars comme Taylor Swift, ou Obama, appelaient presque toutes à voter pour elle, et elle avait encore plus d’argent que son rival !
Mais l’ampleur du succès de ce candidat si incorrect, qui remporte largement le vote populaire, la Chambre des représentants et le Sénat par la même occasion impose une prise de recul que les médias dominants, souvent de gauche, ne parviennent pas à prendre. Je vois trois raisons majeures. D’abord, il faut admettre que le positionnement politique de Trump est gagnant. Il a réinventé le parti républicain, en le rendant plus populaire, et en en faisant la force politique majeure en dehors des grandes métropoles, faisant du parti démocrate le parti des métropoles et des élites. C’est finalement une des meilleures applications de la théorie de la périphérie de Christophe Guilluy. Aussi paradoxal soit-il de la part d’un milliardaire new-yorkais qui baisse les impôts des plus riches et des multinationales, une partie de son programme répond aux aspirations de la périphérie, sur l’immigration ou la politique internationale.
Deuxième raison : la conjoncture. On oublie un peu trop que la défaite de 2020 a eu lieu l’année du Covid, et que les mesures de confinement avaient poussé le taux de chômage à plus de 14%, même s’il était retombé à 7% au moment de l’élection. Là, le rebond inflationniste de la présidence Biden a profondément décrédibilisé les démocrates, qui ont laissé faire, abandonnant, comme trop souvent, les classes populaires et moyennes. Pire, l’administration Biden, par certains choix (sanctions contre la Russie), porte une part de responsabilité dans le bond des prix de l’énergie qui a servi de prétexte à l’envolée temporaire de l’inflation. Car finalement, cette élection, c’est d’abord la désaffection des États-Unis pour le parti démocrate. Si Trump gagne un peu plus de voix qu’en 2020, Kamala Harris en perd pas moins de 10 millions par rapport à Joe Biden il y a 4 ans. C’est autant une défaite des démocrates qu’une victoire de Trump.
Et c’est sans doute la principale raison de la victoire de Trump : les innombrables erreurs des démocrates. Cela a commencé par la candidature de Joe Biden à sa réélection, alors que sa condition physique semblait fragile. Un débat raté face à Trump en juin et les sondages catastrophiques qui ont suivi ont imposé son retrait. Mais cela n’a pas donné assez de temps pour faire émerger une alternative, la vice-présidente s’imposant par défaut, alors qu’une primaire aurait probablement permis de faire émerger un candidat plus fort. Kamala Harris n’était pas la bonne candidate pour s’adresser à cette périphérie du pays séduite par Trump, d’autant plus que son parcours, son programme, et son bilan, ne sortent pas du cadre étroit oligarchiste dans lequel se complait le parti démocrate des Clinton et d’Obama depuis plus de 30 ans.
Les démocrates ont aussi fait une extrêmement mauvaise campagne contre Trump. L’hystérisation du débat et les caricatures ne parlaient qu’à leurs militants, et aux opposants de toujours, pas à ceux qui pouvaient hésiter. Et cela n’a pas commencé en 2024. La tentative de destitution suite à l’assaut du Capitole en janvier 2021 était ridicule alors que son mandat était presque terminé. De même, son éviction des réseaux sociaux était extrêmement choquante alors qu’il était le précédent président. Le dépeindre en fasciste était assez ridicule alors qu’il avait perdu le Congrès en 2018, puis la Maison Blanche en 2020 : un vrai fasciste ne cède pas le pouvoir. L’assaut du Capitole n’était pas un vrai coup d’Etat. Et on peut se demander si le procès en proximité avec Poutine, sans doute excessif, ne soulignait pas a contrario son refus des aventures extérieures de l’ère Bush, qui n’ont pas réussi au pays, ni aux républicains…
Le sens de cette victoire est différent de celle de 2016, car ce n’est pas une surprise et les USA ont voté en toute connaissance de cause, après avoir confié aux démocrates le pouvoir en 2020. Voilà qui en dit long sur l’impasse complète de ce camp qui déçoit au pouvoir et ne parvient plus à articuler une proposition populaire et convaincante. La question qui se pose maintenant, c’est quel équilibre donnera ce second mandat entre les intérêts de l’oligarchie et ceux du peuple états-unien.
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