Comment Charlie Hebdo a provoqué une érection de patriotisme en Afrique
En Républiques Cacaoyères d’Afrique, on soutient le frère même quand il est faux. Dieudonné à écrit sur son Facebook « Je suis Charlie Coulibaly », il aurait pu faire mieux : « Je suis Charly ». Après tout, on écrit Orly non ?
L’année 2015 a commencé à la vitesse de l’harmattan qui souffle sur les parties septentrionales des cacaoyères de nos Républiques. On n’avait pas encore fini de digérer les saouleries de vin de palme et les indigestions de poulets DG arrosées de piment des fêtes de « faim d’année » que voilà nos cousins noirs de France nous embarquaient dans une espèce de 24 heures chrono en direct à la télé, en canardant à la kalach des dessinateurs de bites, chattes, clochers et minarets du journal appelé « Charlie Hebdo ».
Les jeunes gens des Républiques Cacaoyères, arrivés en République Charcutière de France quand tout allait bien jadis, n’arrivent plus aujourd’hui à s’intégrer comme du café au lait maintenant que même les Français de chez Français, ont du mal à trouver du travail et que la croissance du pays est à « zéro virgule » chiffre. Plus de café au lait donc en France, surtout lorsque les jeunes au teint café, ou chocolat, abonnés aux emplois de techniciens de surface, ou de surface de réparation (football) et entassés dans des immeubles où on fume de l’herbe, n’ont plus pour seule famille que des prédicateurs du vendredi qui leur promettent des vierges au paradis, à condition de se tuer en tuant.
Alors qu’on était très content de savoir que notre ministre du Commerce venait de geler le prix de la bière en République Cacaoyère du Cameroun au nom de la paix sociale, voilà que ces gens qu’on appelle « Beaucoup d’Harems », attaquaient nos soldats au Nord, et se faisaient canarder par dizaines. Du coup, pendant que les « Je suis Charlie » marchaient à Paris par millions en compagnie des chefs d’Etats étrangers dont certains de nos Républiques Cacaoyères, nous ici, on comptait les « Beaucoup d’Harems » transformés en « harengs » fumés à Kolofata. Ceux qui, rien que pour afficher leur antipathie à l’ancien colonisateur tricolore s’apprêtaient à inonder Facebook de « Je ne suis pas Charlie », ont vite écrit, « Je suis l’Armée Camerounaise ». Même ceux qui ne peuvent pas dessiner la carte de la République Cacaoyère du Cameroun se sont attribués des « Je suis Kolofata », « Je suis Fotokol ». L’érection patriotique était en train de retomber parmi les buveurs de vin de palme et les cultivatrices qu’un de nos frères, allé en République Charcutière de France pour faire rire jaune les Français à coups de « pornographie mémorielle » et de quenelles, a relancé la hashtagage patriotique du buveur de vin de palme ordinaire sur Facebook en postant sur son mur, « je suis Charlie Coulibaly » ; et voilà « Je suis Dieudonné » qui était né. Et Dieudo n’a pas échappé à la Valls des arrestations au lendemain de l’attentat de la rédaction de Charlie Hebdo et de la prise d’otage de Hamedy Coulibaly dans un magasin pour juifs. Comme on s’ennuie pas mal en République Cacaoyère, et qu’on aime « acheter les problèmes », voilà une affaire franco-française de laïcité, de liberté d’expression et d’apologie du terrorisme qui est devenue une affaire cacaoyère : Dieudonné peut désormais dormir tranquille, il a des comités de soutien jusque sous nos cacaoyères…Quoique, il pût éviter de se faire enquiquiner pour apologie du terrorisme ; il n’avait qu’à écrire « Je suis Charly ».
Les Kouachi, Coulibaly, français couleur café ou beurs qui n’ont pas pu être intégrés dans la République Café au Lait Française, ont rendus immortels des mortels : « Je suis Charlie ». Les exécuteurs eux, se sont fait plutôt « Hara Kiri » (ancien nom de Charlie Hebdo) puisqu’ils ont du mal à avoir une sépulture aujourd’hui.
Des évènements qui nous ont presque fait oublier en République Cacaoyères, le football, l’un de nos meilleurs « noyeurs de soucis », l’une des rares choses qui avec le vin de palme, la bière, le poisson braisé ou le poulet DG épicé, nous fait oublier que l’eau qui coule dans nos robinets à parfois la couleur marron foncé de notre cacao, qu’il n’y a que l’armée et la police qui recrutent désormais, et que nous continuons à « manger ce qu’on ne produit pas et à produire ce qu’on ne mange pas ». Aka, avec les « Je suis Charlie », on avait même oublié la Coupe d’Afrique des Nations de Football (CAN) qui a commencé le 17 janvier.
Bon, il y en aura à qui la CAN ne suffira pas à rendre le sourire dans certaines de nos Républiques Cacaoyères d’Afrique : en Ouganda, on a interdit les films pornos, deux producteurs de ces films ont été arrêtés dans le pays le 8 janvier. Dommage, en Républiques Cacaoyères, le foot et le sexe, ça fait bon ménage, Canal+ l’a compris ! D’autres pour qui la CAN ne sera pas sucrée, ce sont ces habitants de Kinshasa qui habitent dans les cimetières, y boivent, y mangent faute de logements. Crécher au cimetière peut tout de même avoir quelque avantage, quand ces locataires funèbres crèveront, ils obtiendront enfin un titre foncier sur leur squat.
François Bimogo
*Un regard impertinent sur l'actualité socio-politique et culturelle du Cameroun et de l'Afrique. Histoires de Républiques Cacaoyères et de République Charcutière.
Pour lire/écouter ces chroniques, comme leur auteur, François Bimogo, il faut adorer les Républiques Cacaoyères.
**Chronique à retrouver (texte, audio, vidéo) sur : www.cameroun-online.com
13 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON