Contamination syrienne du Liban par…Tripoli
De véritables scènes de guerre dans les quartiers de Tripoli entre d’un côté les pro-Assad et de l’autre les anti-Assad. Des armes automatiques sont utilisées mais aussi des roquettes et des canons par des francs-tireurs et des miliciens armées jusqu’aux dents. Des victimes des deux côtés mais aussi et surtout du côté de l’armée libanaise dont le rôle et les prérogatives n’ont toujours pas été fixés politiquement. Tout cela dans une atmosphère, malsaine, d’échéances électorales imminentes, quoique incertaines, selon un projet électoral qui reste à définir.
Des scènes de guerre civile au Liban, 38 ans après celles du 13 avril 1975, une armée paralysée, incapable de faire régner l’ordre dans la deuxième ville du Liban. Pour nous, malheureusement c’est du déjà vu et cela n’augure rien de bon pour l’avenir politique et sécuritaire du pays. Pour nous, cet état des choses est inacceptable de la part des (ir)responsables politiques qui paraissent s’intéresser à leurs intérêts plutôt qu’à celui du Liban.
Un président de la République, deux premiers ministres, un ministre de l’intérieur et un ministre de la défense incapables de donner l’ordre adapté de faire cesser les tirs et d’imposer l’ordre. Ils ont été également incapables d’empêcher la création et l’armement de ces milices qui se battent à Tripoli et qui n’hésitent pas à s’attaquer à l’armée en y provoquant plusieurs victimes tous les jours.
Le risque de guerre civile est réel, surtout en laissant l’armée, colonne vertébrale de l’unité libanaise, sans prérogatives politiques claires. Il est de la responsabilité des politiques d’empêcher l’insécurité et par extension le spectre de la guerre civile. S’agit-il pour nous de sombrer dans l’inaction en acceptant la dérive ou de réagir en exigeant de nos responsables, de la responsabilité vis-à-vis du pays ?
Pourquoi et jusqu’à quand l’armée libanaise devra-t-elle subir, de la part de ces bandes armées et financées par l’extérieur, tueries et blessures sans réagir ?
Regardons ces évènements non pas uniquement d’un point de vue libano-libanais, mais également dans un contexte plus global de guerre en Syrie.
Guerre activée de l’extérieur sur le plan logistique en hommes (d’un tas de nationalités) et en armement de plus en plus lourd. Armement transitant par des pays limitrophes, alimentés par des monarchies pétrolières ainsi que par la Turquie, largement soutenues par les pays occidentaux tels que les USA, la France, le Royaume Uni, l’Italie et l’Europe en ce qui concerne l’opposition ; l’Iran, la Russie et la Chine pour ce qui est du pouvoir en place.
Cette scène ressemble plutôt à une guerre globale sur la Syrie qu’à une révolution interne, qui réclame davantage de liberté politique et individuelle.
Le discours français, consiste à qualifier depuis deux ans déjà le président Assad, comme faisant parti du problème et comme quelqu’un qu’il fallait éliminer. Ceci par la bouche même de Laurent Fabius ou François Hollande et avant eux par leurs prédécesseurs. Ceci n’est pas digne d’hommes politiques issus d’un pays avancé comme la France que ce soit sur un plan politique, diplomatique ou humaniste.
Comment des pays développés occidentaux peuvent-ils s’entendre avec les très extrémistes et très fondamentalistes musulmans appelés « Takfiristes » ou le « Front al-Nosra ». Ils sont issus, comme les Salafistes, leurs frères, des monarchies pétrolières du golfe, plus rigides encore que ces derniers, capables de commettre de véritables boucheries à l’encontre de leurs frères musulmans sunnites, partiellement fondamentalistes à leurs yeux.
S’ils se comportent de la sorte avec leurs coreligionnaires sunnites, comment se comporteraient-ils avec les chiites, druzes, alaouites ou chrétiens si par malheur ils arrivaient au pouvoir en Syrie ou au Liban ?
Les pays occidentaux, lieu de vie et de travail dans la sérénité pour beaucoup de libanais et de syriens, se comportent comme les « justiciers du monde ». Ils se permettent de juger, favorablement ou non, n’importe quel pays ou organisation dans le monde. Méritant ou non la vie ou la mort (cf ce qu’a dit L. Fabius au sujet de Bachar al Assad), faisant ou non parti de la liste américaine ou européenne du bien ou du mal. Ils comptent ne protéger que leurs intérêts propres, et ceux des intérêts de leur allié inconditionnel dans le région : Israël. Ceci quelles qu’en seraient les conséquences, abstraction faite de la raison d’être officielle de leur soutien représenté, semble-t-il, par l’instauration, même par la force, de la démocratie.
Il est difficile de croire que ces pays libres - gendarmes du monde - ignorent où ils mettent les pieds et pour quelles sales besognes lorsqu’ils s’engagent de la sorte. Volonté de modifier l’histoire des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Volonté également de redessiner les contours des états. Balayant du même coup la longue adaptation des populations, qui se réclament de différentes religions ayant toutes vu le jour dans cette partie du monde, à la suite de la création de leurs états-nations par ces mêmes puissances moins d’un siècle plutôt.
A ce jour, le seul véritable danger pour Israël est représenté par le Hezbollah. Organisation paramilitaire qui constitue la plus grande part de la Résistance libanaise. Aujourd’hui encore, cette organisation est dans le collimateur de l’Etat hébreu. Et ce dernier ne lésinera pas sur les moyens pour détruire ce danger qu’il n’a de cesse de vouloir éliminer sans toutefois y arriver surtout après l’expérience de Juillet 2006. Les explications des évènements en Syrie et maintenant au Liban ne sauraient se passer de cette réalité, que le Hezbollah brandit comme constituant déjà une victoire par le fait qu’Israël soit à ce point préoccupé à le détruire.
Désormais, Israël se frotte les mains de la tournure que prennent les évènements chez ses pays voisins. Faire faire le travail d’élimination du Hezbollah (chiite) par des extrémistes sunnites venus de l’ensemble des pays arabes dont le Liban et sous le couvert de la guerre de libération de la Syrie (du joug d’Assad) est un tour de passe passe très bien orchestré. Cette manipulation se fait dans le sang, planifiée de longue date, que l’on applique aujourd’hui sur le terrain, pourvu que l’objectif soit atteint. C’est en tout cas ce que Israël espère voir se réaliser bientôt au Liban. Il n’est d’ailleurs pas du tout impossible qu’il intervienne directement dans la guerre s’il juge opportun de le faire, dès lors que le mouvement libanais est occupé sur au moins un à deux autres fronts (en Syrie et au Liban).
Israël sait ne rien craindre de l’ensemble des pays arabes : l’Arabie saoudite ainsi que l’ensemble des pays producteurs de pétrole sont depuis longtemps, et pour des raisons énergétiques, dans le giron des USA ; avec l’Egypte la paix est signée, tout comme elle l’est avec la Jordanie ; l’Irak a subit l’intervention américaine éloignant d’autant le spectre d’un danger ; les palestiniens de Gaza se révoltent de temps à autre comme des prisonniers pourraient le faire quand ils sont condamnés à perpétuité, ceux de la Cisjordanie sont depuis longtemps acquis à la politique israélienne ; la Syrie se malmène avec ses djihadistes depuis deux ans déjà ; l’axe Iran-Syrie-Hezbollah, mis à l’épreuve doit donc être cassé pour asphyxier ce dernier et lui enlever toute capacité de renouveler son armement, ce qui est un autre moyen de le détruire.
L’objectif principal d’Israël demeure le même : se débarrasser du Hezbollah qui l’empêche d’imposer sa vision des choses sur sa frontière nord. L’état hébreu connaît les capacités de nuisance de l’organisation libanaise à son projet en marche depuis 1948.
Un projet expansionniste qui englobe une partie du Liban.
Le Hezbollah, par la voix de son secrétaire général, avait eu le 25/05/2013 un discours guerrier équivalent à celui qu’il avait eu en mai 2008 au moment de la décision du gouvernement libanais, de l’époque, de démanteler le réseau filaire parallèle de télécommunication de l’organisation de la banlieue sud (vers le sud du pays en passant par la Bekaa). Ce réseau était qualifié par Nasrallah comme stratégique : il n’a pas été démantelé et les élections du président ont eu lieu après les accords de Doha.
Le combat à « Al Qusayr » en Syrie est présenté, ici aussi, comme stratégique. Le risque d’asphyxie pour l’organisation, si la ville syrienne venait à tomber entre les mains des opposants à Assad, justifie l’envoi vers cette ville de combattants du Hezbollah (dixit H. Nasrallah).
Au Liban, quelle institution va prendre la décision sur la loi électorale et permettre aux élections de se dérouler à part le parlement, qui va donner les prérogatives à l’armée, si ce n’est le ou les ministres concernés mais plus important encore le parlement, de rétablir l’ordre sur l’ensemble du territoire national ?
Qui va empêcher Israël, et les pays occidentaux, de poursuivre son but d’expansion sur notre territoire, qui va protéger le Liban de l’extérieur mais aussi de l’intérieur, sinon notre unité derrière l’armée ainsi que derrière la résistance ?
Nous assistons bel et bien à un rapport de force au Liban représentant le rapport de force en Syrie et plus largement encore le rapport de force dans la région.
Le Liban continue de se comporter comme la caisse de résonnance de décisions qui nous viennent de l’étranger et que nous nous employons à appliquer, comme des robots, méthodiquement sur le terrain, oubliant au final l’intérêt du Liban au risque de renouveler l’expérience de 1975. Ce n’est pas cela que nous attendons de nos politiciens.
A regarder le spectacle offert, faudra-t-il faire confiance plus longtemps encore en nos politiciens et attendre d’eux le rétablissement de la paix civile, faudra-t-il attendre, sans broncher, incapables de nous unir même pour une cause nationale, d’être emportés par l’ouragan qui a emporté la Syrie, faudra-t-il espérer pour le Liban un coup d’Etat militaire ou paramilitaire pour, rien n’est moins sûr, sauver la paix civile, à défaut d’être souhaitée par les belligérants de l’intérieur qui ne sauraient le faire ?
Ne faudra-t-il pas que tous ensemble nous vainquions nos peurs et nos réticences, descendions dans les rues, s’il le faut, afin d’exiger que les milices, les chefs de guerre et les incapables qui sont au pouvoir ou ceux qui les parasitent et qui ne veulent pas le lâcher, nous abandonnent pour que nous ayons une chance de vivre ensemble, chacun selon ses croyances mais sans barrières communautaristes artificielles et exacerbées empêchant notre vivre ensemble ?
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