De nouveaux secours pour Gaza
Le 29 octobre, un bateau transportant des médecins et des fournitures médicales de première nécessité a forcé pour la deuxième fois le blocus de Gaza. C’est un espoir pour tous ceux qui souhaitent que les droits de l’homme soient respectés en Palestine.
Résumé des épisodes précédents
Un article publié dans Le Monde du 21 août m’avait appris l’existence du mouvement Free Gaza et de son projet de forcer le blocus de Gaza par voie maritime en partant de Chypre. J’en ai informé les lecteurs d’AgoraVox le 23 août dans un article : "Des secours pour Gaza". Puis, deux jours plus tard, j’ai annoncé l’arrivée des deux bateaux humanitaires, le Free Gaza et le Liberty, dans le port de Gaza : "Un heureux épilogue". Toutes mes informations provenaient du site du Free Gaza Movement. Le 3 septembre, AgoraVox a publié mon article sur les conditions de vie misérables des habitants de la Bande de Gaza, telles que la présentaient des observateurs bénévoles : "Une brèche dans le blocus". Le lendemain, j’ai donné une information étonnante : "Sortie interdite". La journaliste britannique Lauren Booth, membre de l’expédition et belle-sœur de Tony Blair, était bloquée à Gaza par les autorités israéliennes. Son beau-frère ne faisait rien pour la libérer (elle a été libérée depuis). Pendant ce temps, des observateurs de plusieurs nationalités, membres de l’expédition, filmaient chaque jour les exactions de la marine de guerre israélienne contre les pêcheurs dans les eaux territoriales de Gaza. Plusieurs de ces enregistrements, sur lesquels on voit avec quelle haine imbécile les militaires israéliens s’opposent au travail des pêcheurs, ont été diffusées par YouTube. A partir de ces témoignages, j’ai fait un article publié le 3 octobre : "David et Goliath".
Greta Berlin, porte-parole du mouvement, avait annoncé qu’un autre bateau, plus robuste que les précédents pour affronter le mauvais temps annoncé par la météo, devait quitter le port de Larnaca le 25 septembre pour rejoindre le port de Gaza. Une conférence de presse devait avoir lieu avant le départ. Mais, le 26 septembre, elle annonçait que le projet était retardé en raison de « pressions extérieures » (sans autre précision). Trois semaines plus tard, Greta Berlin annonçait enfin que ce bateau partirait le mardi 28 octobre. Ces informations sont également disponibles en français sur le site de l’association International Solidarity Movement.
Conséquences des premiers secours
La première conséquence des premiers secours, arrivés le 25 août, est un immense espoir pour la population de Gaza : en Europe, au Canada, aux Etats-Unis, des gens sont de leur côté ; le siège sera bientôt brisé.
La deuxième conséquence est la révélation au monde entier du comportement honteux de l’armée d’occupation israélienne, sur terre et sur mer. La présence d’observateurs auprès des pêcheurs et des cultivateurs de Gaza, armés de simples caméras, irrite les militaires israéliens, mais elle les incite à la prudence.
L’armée israélienne a déclaré « zone tampon » une bande de terre de 500 mètres située le long de la frontière. A l’intérieur de cette zone, les terres agricoles ont été détruites. En avril et en mai 2008, les soldats ont rasé au bulldozer des exploitations agricoles et démoli des maisons. De riches terres agricoles qui permettaient de faire vivre la population ont disparu. Les soldats ont massacré des troupeaux de moutons. Ces destructions ont rendu les familles habitant dans la zone totalement dépendantes de l’aide alimentaire.
Des bénévoles de Free Gaza passent du temps avec ces familles. Ils arrivent pendant la journée pour établir une présence internationale et y passent aussi la nuit. Ils sont témoins des violations des droits de l’homme par l’armée d’occupation. D’autres agriculteurs vont les trouver pour les informer des pertes qui leur ont été infligées par les militaires israéliens.
Un témoignage parmi d’autres. Le 24 octobre à 9 heures, dans le secteur d’Al-Faraheen Abasan Al-Kabeera, des soldats israéliens ont tiré sur une femme et deux hommes qui travaillaient dans leur propriété à l’extérieur de la « zone tampon ». Puis à 10 heures, alors qu’un agriculteur travaillait dans son champ, une jeep est arrivée près de la clôture. Un soldat en est sorti et a tiré sept coups de feu. L’agriculteur a quitté son champ pour retourner chez lui. Il a attendu vingt minutes, puis est sorti pour retourner travailler. Le soldat de la jeep a tiré à nouveau de nombreux coups de feu. L’agriculteur a cessé son travail pour la journée et est rentré chez lui. Plus tard, une autre jeep s’est approchée de la barrière, au nord-est de l’emplacement précédent, et les soldats ont tiré une cinquantaine de coups de feu.
Un message de Vittorio Arrigoni
Le 26 octobre, ce journaliste italien qui a été blessé le mois dernier lors de l’attaque d’un bateau de pêche par un navire israélien, écrit :
Depuis la seconde intifada, un demi-million d’oliviers ont été arrachés en Palestine, soit par l’armée israélienne, soit par les colons. On en comptait 9 millions aux accords d’Oslo, on n’en compte plus qu’un million. Les olives représentent 20 % de la production agricole de Gaza. Leur récolte fait travailler des milliers de personnes.
A Gaza, où 150 000 oliviers ont été arrachés, c’est l’armée elle-même qui s’en charge, comme si elle suivait un plan criminel visant à aggraver la pauvreté des Palestiniens. Arrivé ce point, je me demande si je ne suis pas dans le ghetto de Varsovie.
Nous sommes allés à Beit Hanoun, près de la frontière israélienne, pour rendre visite à des cultivateurs. Tout le terrain a été rasé au bulldozer par l’armée. Il y avait là des milliers d’oliviers parmi lesquels beaucoup avaient plus de 50 ans. Qui donc nous disait, il y a deux mois, que Gaza n’était plus sous occupation israélienne ?
Nous les avons accompagnés pendant la récolte, car les soldats israéliens tirent souvent sur eux des coups de feu, et parfois viennent les arrêter.
Vittorio Arrigoni cite le poète Mahmoud Darwish :
Vous avez volé les vignes de mes ancêtres,
Et la terre que je travaillais,
Moi et tous mes enfants,
Et vous ne nous avez rien laissé,
Nous et tous nos petits-enfants,
Rien que ces rochers.
Votre gouvernement nous les prendra-t-il,
Comme on le dit ?
Alors !
Ecrivez en haut de la première page :
Je ne hais pas le peuple,
Je ne m’introduis dans la propriété de personne.
Et pourtant, s’il m’arrivait d’avoir faim,
Je mangerais la chair de mon usurpateur.
Prenez garde, prenez garde de ma faim
Et de ma colère !
But du nouveau voyage
Mme Mairead Maguire, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1976 en raison de son œuvre pour la paix en Irlande du Nord, a déclaré : « Nous allons dans la Bande de Gaza pour montrer à la population que nous les aimons et que nous nous intéressons à eux. C’est le moins que nous puissions faire, alors que nos gouvernements restent silencieux et inactifs devant les souffrances des femmes et des enfants de la Bande de Gaza et de la Palestine. »
Ce nouveau voyage assurera la relève des observateurs bénévoles qui se trouvent à Gaza depuis deux mois. Il apportera aux habitants des lettres des membres de leur famille qui se sont réfugiés à l’étranger. Il apportera 6 mètres cubes de médicaments. Le chef de la mission a déclaré : « Ce n’est que le premier envoi des fournitures médicales que nous espérons livrer. Notre choix des médicaments est une réponse à une demande spécifique des autorités de santé dans la Bande de Gaza. De nombreux produits de base, comme que le sirop pour la toux pour les enfants, sont inexistants sur le territoire. Nous sommes heureux de les rendre disponibles. Notre mission amènera également un certain nombre de médecins spécialistes qui viendront porter secours aux habitants alors que la crise humanitaire s’aggrave à l’approche de l’hiver. »
Greta Berlin, l’un des organisateurs, a réaffirmé les objectifs du Free Gaza Movement : « Nous avons l’intention de briser le blocus d’Israël aussi souvent que nous le pourrons. Ce deuxième voyage est l’un de ceux que nous avons l’intention d’organiser au cours de l’année prochaine. Des avocats, des membres de Parlement et autres professionnels se trouvent déjà sur nos listes de passagers pour les prochains voyages. »
Le comité d’organisation de Free Gaza a envoyé aux autorités israéliennes le message suivant :
Official Notification of Intent to Enter
October 25, 2008
To : The Israeli Ministry of Defense, Fax : 972-3-697-6717
To : The Israeli Ministry of Foreign Affairs, Fax 972-2-5303367
From : The Free Gaza Movement
Cette missive vous est adressée, en tant que puissance occupante de la Bande de Gaza, pour vous notifier officiellement que nous appareillerons le 28 octobre 2008 (si le temps le permet) du port de Larnaca pour le port de Gaza City. Notre navire circulera sous le pavillon de Gibraltar, ce qui le met sous la juridiction du Royaume-Uni.
Nous quitterons les eaux chypriotes pour entrer dans les eaux internationales, puis nous irons directement dans les eaux territoriales de la Bande de Gaza sans entrer dans les eaux territoriales israéliennes ni même en approcher.
Nous transportons 6 mètres cubes de fournitures médicales de première nécessité. Elles ont toutes été contrôlées par le service des douanes de l’Aéroport international de Larnaca avant d’être mises dans des boîtes scellées. Il y aura au total 26 passagers, dont les membres d’équipage et plusieurs médecins. Le navire et la cargaison recevront aussi un permis de sécurité des autorités du port avant le départ de Chypre.
Etant donné que nous confirmons que ni la cargaison ni les passagers ni le navire ne représentent un danger pour la sécurité d’Israël ou celle de ses forces armées, nous ne pensons pas que les autorités israéliennes interviendront au cours de notre voyage.
Nous adressons ici à Aharon Abramovitz, pour le ministère des Affaires étrangères, et à Ehud Barak, pour le ministère de la Défense, une invitation à venir à bord pour être témoins des effets draconiens de la politique d’Israël sur la population civile de la Bande de Gaza.
Conclusion
En dépit des menaces du gouvernement israélien, le nouveau bateau du Free Gaza Movement, le SS Dignity, a quitté le port de Larnaca à l’heure prévue. Il est arrivé au port de Gaza le mercredi 29 octobre à 8 heures du matin, avec 27 personnes à bord représentant 13 pays, parmi lesquels l’Irlandaise Mairead Maguire, prix Nobel de la paix 1976. C’est donc pour la seconde fois que le siège inhumain imposé à Gaza par l’Etat d’Israël depuis juin 2007 a été brisé par ce mouvement, dans une complète indifférence des capitales occidentales.
70 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON