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Egypte/Tunisie : Les retombées du discours du Caire d’Obama

Au commencement était le verbe….et la parole s’est faite* chair dit le prophète Jean. La parole n’est jamais innocente. Tout ce qui se dit dans le cosmos fait écho et nous revient comme un boomerang. Le discours du Caire du président Barack Obama peut être considéré comme tel. Il a eu un écho considérable dans le monde arabe. Et les évènements de Tunis et du Caire en portent le germe. Et ce discours d’Obama n’aura fait que mettre en musique les tirades du président Georges W. Bush au lendemain de la deuxième guerre du Golfe qui parlait d’une refondation de l’appareil politique des pays arabes. Les grands axes de ce discours où Obama y met de la manière ont été préalablement établis. Rien ne se fait au hasard, rien n’arrive par hasard sur les rives du Potomac.

Les prémisses du discours du Caire

Il faut prendre en compte le discours du président Georges W. Bush prononcé le 26 février 2003 devant l’American Enterprise Institute où se dessine la nouvelle architecture politique du monde arabe. Et cette initiative part du souci de juguler la montée du fondamentalisme religieux dans la péninsule arabique. Les USA proposent donc au monde arabe un partenariat pour le progrès et la démocratisation et ceci va du Moyen-Orient à l’Afrique du nord. Les temps forts de ce discours ont été repris par le vice-président Américain Dick Cheney au sommet de Davos en 2004. Et cette même année, les USA ont réunis à Alexandrie, en Egypte, des représentants tous azimuts de 18 pays de la ligue arabe pour débattre du projet de réforme du monde arabe. Il en sortira un plan de démocratisation et de développement social et économique dit document d’Alexandrie.

Le 4 février 2004, Le président Georges W. Bush récidive dans son discours devant le congrès où il dit ceci de la région du Proche et Moyen-Orient : « tant que cette région sera en proie à la tyrannie, au despotisme et à la colère, elle engendrera des hommes et des mouvements qui menacent la sécurité des américains et de leurs alliés. Nous soutenons les progrès démocratiques pour une raison purement pratique : les démocraties ne soutiennent pas les terroristes et ne menacent pas le monde avec des armes de destruction massive ».

Le 19 septembre 2006, lors de son discours par devant la 61eme Assemblée générale de l’ONU, il prononce cette phrase on ne peut plus significative quant à la volonté des Etats Unis d’Amérique de remodeler la carte politique du monde arabe : « De Beyrouth à Bagdad, les gens font le choix de la liberté et les nations réunies dans cette assemblée doivent faire un choix : apporterons nous notre soutien aux modérés et aux réformateurs qui œuvrent pour un changement dans le Proche-Orient ou bien laisserons nous le futur aux mains des terroristes et des extrémistes ? L’Amérique a fait son choix : elle se tiendra aux côtés des modérés et des réformateurs ». Et pour conclure, Bush reprend un extrait d’une lettre que lui aurait adressé un groupe d’intellectuels arabes et musulmans courageux souligne-t-il. « Le rivage de la réforme est le seul au bord duquel la lumière peut nous éclairer quand bien même ce voyage nous demande du courage, de la patience et de la persévérance ». Et Bush d’en rajouter sa touche « Ensemble nous devons soutenir les rêves des hommes bons et honnêtes qui œuvrent afin de transformer cette région agitée ». Cette persévérance aura été payante pour les Tunisiens et d’ici peu pour les Egyptiens. Ben Ali est parti. Moubarak devra partir coûte que coûte.

Le discours du Caire assez récent, car prononcé il y a près de deux ans peut être considéré comme une invite faite à la jeunesse arabe pour renverser l’ancien ordre que les Etats-Unis considèrent comme étant générateur des rancœurs, des violences exprimées à leur égard, à l’égard de l’Occident tout court. Désormais les dictatures ne sont plus considérées comme ces vigiles qui défendent, armes au poing, les intérêts de l’occident. Au contraire, elles le desservent. On remet les tyrans dans les cartons.

Les mots sont les moteurs du changement. Et on a commencé à en distiller, des mots acides, par doses homéopathiques pour matérialiser ce « printemps des peuples » qui se décline. Bush s’y est lancé à sa manière. Et Obama termine la besogne. On a estimé qu’il est à même de faire passer au mieux le discours. On lui fait place.

Les points saillants du discours du Caire

Nous relevons quelques extraits du discours du Caire qui vont dans le sens de la doctrine Bush. Obama dixit « Quelque soit là où il prend forme, le gouvernement du peuple, par le peuple et par le peuple est le seul étalon par lequel on mesure ceux qui sont au pouvoir ; Il faut conserver le pouvoir par le consentement du peuple et non la coercition ; il faut mettre les intérêts du peuple et le déroulement légitime du processus politique avant ceux de son parti. Sans ces ingrédients, les élections ne créent pas une vraie démocratie à elles seules ». Il enfonce le clou ici : « l’Amérique ne prétend pas savoir ce qui est le mieux pour tout et chacun, mais j’ai la ferme conviction que tous les peuples aspirent à certaines choses : la possibilité de s’exprimer et d’avoir une voix dans la façon dont ils sont gouvernés ; la confiance dans l’Etat de droit et l’application équitable de la justice ; un gouvernement qui est transparent, qui ne vole pas ce qui appartient à son peuple ». Et cela a dû faire mal à Moubarak et faire grand plaisir à son jeune auditoire de l’Université Al Azar du Caire. Dans ce discours du Caire, Obama a promis de mettre à la disposition des pays arabes un fonds pour appuyer le développement technologique, de manière à mettre la jeunesse en phase avec ses pairs de l’Occident et ainsi déclencher chez eux ce sursaut d’innovations qui a été le leur il y a des millénaires et qu’ils ont perdu sous les coups de boutoir d’un islam dénaturé qui prône l’enfermement.

 Le discours du Caire d’Obama n’aura pas été la seule occasion pour distiller la nouvelle doctrine américaine à la jeunesse des pays du sud. A Accra, au Ghana, il s’est adressé en ces termes à la jeunesse estudiantine : « Nous devons partir du principe que l’avenir de l’Afrique dépend des africains avec des institutions et une volonté forte. Je suis convaincu que les africains verront leurs rêves devenir réalités ». Il aura une dernière occasion pour engager le dialogue avec la jeunesse africaine, lors de cette grande rencontre qui aura rassemblé à la Maison Blanche la jeunesse de l’ensemble des nations Africaines, dans le cadre de l’anniversaire du cinquantenaire des indépendances. C’était le choix du président Obama que de rencontrer les jeunes plutôt que les vieux tyranneaux. Et à l’occasion, il leur a enjoint de faire la politique autrement. « Dans les années 60 leur a-t-il dit, lorsque vos grands parents, arrières grands-parents se battaient pour l’indépendance, les premiers dirigeants disaient tous qu’ils étaient pour la démocratie. Et ce qui s’est produit, c’est que lorsque vous avez été au pouvoir pendant un certain temps, vous vous dites j’ai été un si bon dirigeant que pour le bien du peuple, je dois rester en place…. et des jeunes gens comme vous pleins d’avenir et de promesses sont devenus exactement ce qu’ils avaient combattu ».

Les retombées du discours du Caire

L’onde de choc du discours du Caire a déjà renversé en Tunisie la dictature vieille de plus de deux décennies du Général Zine Abidine Ben Ali. Et sous peu, en Egypte, elle aura la peau de la dictature trentenaire de l’ex général d’aviation Hosni Moubarak. Qui sera la prochaine cible ? C’est la question que l’on se pose au Maghreb et dans le monde arabo-musulman en général. L’Iran, l’Arabie Séoudite, le Yemen, le Maroc, l’Algérie, la Libye, la Jordanie, la Syrie sont dans la ligne de mire. Les jeunes qui constituent la majorité des populations de ces pays décident de prendre leur avenir en main. Et comment y sont-ils parvenus ? En usant à fonds les nouvelles technologies de l’information, les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, U-tube etc).

Ce qu’on constate, si on n’y prend garde les anciens réseaux de pouvoir des puissances Européennes et Américaines tombent comme des châteaux de carte sous les coups de boutoir d’une jeunesse bruyante, « révolutionnaire ». Qu’en est-il en réalité ? S’agit-il de révolution radicale ? Nous croyons que non. Il y a une bonne part d’instrumentalisation. La révolte de Tunis aura été le laboratoire et le prélude au démantèlement du régime d’Hosni Moubarak. Ben Ali n’est pas un anti-occidental. Il défendait bien les intérêts de l’Occident. Mais l’occident, particulièrement les Etats-Unis, la France n’ayant pas vu venir l’orage, a décidé de son départ, secondé par une frange de la bourgeoisie Tunisienne qui a été écarté du festin par le clan Ben-ali-Trabelsi, pour prévenir une explosion qui deviendrait incontrôlable. Et on a laissé faire la rue, assuré d’avoir en mains de nouvelles cartes. Les bobos Tunisiens ont vite tancé les prolos qui par essence sont des jusqu’auboutistes.

En Egypte, si Moubarak doit partir, Baradei coprésidera un gouvernement avec comme allié le Général Souleiman, homme lige de Moubarak et ex chef des services secrets (Moukhabarat), comme on a gardé en Tunisie Ranouchi, l’ex-premier ministre de Ben Ali. On sent venir l’orage sur ce théâtre si stratégique pour les Etats-Unis, qu’on préfère émonder l’arbre de peur qu’il crée le terreau pour une révolution fondamentaliste qui serait un véritable séisme, quand à côté, il y a du coté de Rafa, le Hamas dans la bande de Gaza qui constitue un trublion pour Israël et l’Autorité Palestinienne. Un régime Egyptien avec quelque sensibilité pour le Hamas ou les palestiniens nuirait à la « stabilité » de la région. Et Moubarak partira quand on s’assurera de la qualité ou du degré d’allégeance de ses remplaçants. Mohamed El Baradei peut jouer ce rôle. Il s’y est entrainé depuis quelques mois, à son retour d’Autriche au lendemain de sa retraite bien méritée à la tête de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), cet homme qui semble être un novice en politique. Le Yémen se remue déjà, mais sa proximité avec l’allié Saoudien peut constituer un handicap. On n’y a pas encore réfléchi.

Les révolutions ne se réalisent pas par hasard. Souvenez-vous de la révolution d’Octobre. Lénine est rentré en Russie avec la complicité des autorités allemandes, croyant que la pagaille les arrangerait. Ici, il s’agit de révolutions préventives. Les jeunes arabes peuvent toujours arborer leur pourpoint de héros. Ils ont bravé la police qui comme eux n’a pas tout compris. Mais l’armée garante du nouvel ordre si. Et elle est restée partout de marbre, la grande muette. Ce schéma peut-il se répéter pour le moment en Iran ou en Chine. Il y a encore de forts doutes ! Les foules Tunisiennes et Egyptiennes se défoulent. Elles en avaient bien besoin après plus de 50 ans. Nasser est parti de sa belle mort, Sadate aussi…remplacé par son vice-président Moubarak le miraculé ; Ben Ali déposait sans fracas un Bourguiba sénile. Ce printemps des peuples aura permis de retoquer les oripeaux du pouvoir. Et cela ne peut faire que du bien au populo grosso. Il en aura pour une longue sieste. Peu ou prou, il en restera quelque chose. Il y a encore du chemin à parcourir pour atteindre concrètement les objectifs du discours du Caire. Pour l’instant, les masses arabes « libérées » devront passer comme les masses sud-américaines, il y a trois décennies,* par le purgatoire des « démocratures », pour reprendre le vocable du prix Nobel de la paix Argentin, Adolfo Perez Esquivel, pour être aptes à franchir la douce vallée de la démocratie et connaitre enfin les prémisses du partage de la richesse nationale. Une chose est sure quand bien même le discours du Caire ne tiendrait pas ses promesses, l’Amérique pragmatique, anticipatrice aura le beau rôle aux yeux des foules arabes. Sacrée Amérique, elle étonne toujours le monde. Quand bien même elle sabre, casse, elle dessine toujours au tournant un nouveau printemps qui lui vaut l’admiration des peuples du monde entier. Elle a une capacité insoutenable de rebondir, de se requinquer, d’innover, quand ses pairs Européens sont encore sonnés. Le complexe ou le fantôme de Suez !

 François SERANT

Haiti


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6 réactions à cet article    


  • Nho 10 mars 2011 11:30

    Ah Obama, Dieu parmi les mortels qui d’un mot écrase les injustices et déracine le mal !


    • Serpico Serpico 10 mars 2011 13:55

      C’est AgoraVox ou AmericaVox ?


      • le journal de personne le journal de personne 10 mars 2011 15:23

        Kahina
        D’où nous vient ce vent de révolte qui soulève tous les damnés de la terre et qui est en passe de traverser la méditerranée ?
        Peut-être pour sacrer ou consacrer la femme de l’année…
        Rien qu’à l’entendre souffler, on a le sentiment, d’ores et déjà qu’il vient des Aurès.
        Vous n’avez pas une infime conviction que quelque chose va désormais bouger…avec ou sans notre bénédiction ?

        http://www.lejournaldepersonne.com/2011/03/kahina/


        • JACOB 13 mars 2011 11:49

          Il faut prendre en compte le discours du président Georges W. Bush prononcé le 26 février 2003 devant l’American Enterprise Institute où se dessine la nouvelle architecture politique du monde arabe.

          Les temps forts de ce discours ont été repris par le vice-président Américain Dick Cheney au sommet de Davos en 2004.

          de BUSH à OBAMA... pour la démocratie, le progrès, la paix !

          merci à l’auteur.


          • SamAgora95 SAMAGORA95 13 mars 2011 21:01

            Allez parler de démocratie, de progrès, et de paix aux Irakiens, Palestiniens, Afghans et aux victimes des attentats du 11 septembre 2001.


            La démocratie, la paix ne s’imposent pas par la force, à coup de missiles tirés depuis des drones...

            Vous pensez sincèrement que Bush se préoccupe du bien être d’un Égyptien ou d’un Libyen ? J’ose espérer que votre commentaire est une blague, je dirais plutôt de l’humour noir.
            Entre nous s’ils pouvaient anéantir ces populations ils le feraient sans hésiter...

            Le pétrole ! voilà la seul raison de tous ça !


          • Francois SERANT Francois SERANT 15 mars 2011 05:27

            je vous refere a mes commentaires anterieurs. Toutefois je vous dirai qu’il s’agit pas essentiellement pour eux de prendre en compte le bonheur des peuples arabes, mais ce faisant ils defendent leur propre interet. Aux arabes de defendre leurs interets, aux americains de defendre les leurs. C’est bien logique. J’ai bien dit que finalement l’Amerique a donne son accord pour pousser les dictateurs Tunisien et Egyptien vers la porte de sortie quand ils ont eu connaissance de la qualite des remplacants. Ils ne sauraient accepte de cautionner le menage sans se soucier des consequences pour leurs interets vitaux. Mettez vous a leur place en tant que super-puisance. Si votre pays n’a pas cette attitude c’est qu’il n’en est pas encore une. L’empire Ottoman, les mongols, Rome ont eu la meme attitude en leur temps en tant que puissance. C’est la vocation des puissances que de se meler des affaires du monde.

            Les USA ne se sont pas trop bouscules pour aider les Libyens parce qu’ils ne controlent pas la situation. Ils ne connaissent pas trop bien les insurges. Qui sont-ils ? quels sont leurs objectifs ? seront-ils plus radicaux que le kaddafi des annees 80 ? Ils n’en savent pas trop ? Aussi ils se donnent un temps d’observation un peu long qui peut etre fatal pour les insurges un peu trop armes a leur gout. Et Kaddafi aura ete assez souple ces dernieres annees avec l’Occident. Il avait cesse d’etre une menace pour elle. Vous pourrez voir que pour les autres revolutions l’Egyptienne et la Tunisienne, le mediateur a ete l’armee reguliere, plus sure aux yeux de l’Occident.

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