En Iran, le spectacle est dans la rue
A l’heure où le concert des nations s’agite, à juste raison, autour du nucléaire Iranien, le peuple Perse semble décidé à prendre les choses en mains. Résilient au point d’en être devenu presque trop patient dans son désir de liberté, le peuple n’en est pas moins déterminé.

Voilà plusieurs générations qu’il lutte depuis les jeunesses Mossadéghiennes. Il a laissé sa chance aux gouvernants de trop longues années durant. Le théâtre de marionnettes agitant deux factions se renvoyant perpétuellement la responsabilité des crimes les plus odieux se trouve pour la première fois sans spectateur. Aujourd’hui, en Iran, le spectacle est dans la rue. Et les mollahs font tout ce qu’ils peuvent pour en minimiser les audiences, jusqu’à nier les évidences.
L’exemple nous vient cette fois de Kazeroun, dans le sud du pays, pas très loin de Chiraz. Et force est de constater qu’il concentre à lui seul toute la brutalité et l’hypocrisie d’un régime à la dérive. On pourrait dire des événements de Kazeroun qu’ils constituent un échantillon très représentatif de la réalité du peuple Iranien face aux pasdarans. Au départ, il s’git d’une simple décision comme il s’en prend régulièrement en Iran. Pour des raisons qui lui appartient, le régime avait décidé de partitionner la ville de Kazeroun. Bien entendu, sans que les principaux intéressés n’aient le moindre mot à dire. Sinon, on parlerait d’une démocratie. Et l’Iran est loin d’en être une. Mais la nouveauté depuis quelques mois, c’est que la moindre protestation prend des proportions énormes. Les Iraniens semblent décidés à passer à l’acte, quelque en soit le prix. Après tout, qu’ont-ils encore à perdre, eux qui ont déjà tout perdu. La liberté n’est qu’un concept flou en Iran et parmi celles et ceux qui ont osé se pencher sur le sujet, nombreux ne pourront plus jamais en débattre.
Le 16 mai dernier, donc, la population de Kazeroun exprime son mécontentement devant la décision de diviser la ville. On parle là de milliers de personnes se dirigeant vers le gouvernorat, pacifiquement, dans le seul but de faire valoir leurs droits à la parole. Pour toute réponse, les forces de l’ordre ont dialogué avec le seul langage qu’ils ont appris ; la violence. Si le corps des gardiens de la révolution est avare en mots, il est souvent très généreux à l’heure de distribuer des coups. Le même jour, 30 manifestants ont été arrêtés, tous soupçonnés de vouloir fomenter un coup d’état. Mais les habitants n’ont pas lâché, et se sont rendus devant le bureau des renseignements pour réclamer la libération des personnes arrêtées sommairement un peu plus tôt. Pis, tous les commerçants de la ville, en signe de solidarité, sont restés portes closes toute la journée durant. Dans le prolongement des faits, l’Imam du vendredi lui-même, le mollah Khorsand, s’est déplacé sur les lieux pour appeler la foule à se disperser et à regagner ses quartiers. Ce qui arrive ensuite est symbolique de la déchéance du régime. Sûr de lui, le mollah menace des foudres divines les monafeghines (1) qui cherchent à ruiner la paix de Dieu. Mais personne ne l’écoute. Mieux, la foule le hue et l’homme est forcé de rebrousser chemin devant la détermination des habitants.
Lao Tseu, comme Epictète bien plus tard, font le même constat au sujet des tyrans ; dès lors qu’il utilise la force des armes, la répression et l’oppression pour asseoir son pouvoir, non seulement il s’expose tôt ou tard à la colère du peuple asservi, mais de surcroît il affiche sa plus grande faiblesse. Avoir recours à la violence, et d’autant plus quand on dispose d’armes létales devant une foule, certes déterminée, mais pacifique et désarmée, c’est faire preuve de la plus grande faiblesse qui soit. C’est montrer à ses adversaires que l’on est sans autre solution. C’est afficher sa peur en essayant de la transmettre au camp d’en face. Pour quiconque est lucide au sujet des événements qui agitent l’Iran depuis quelques mois, ce régime, en plus d’être tyrannique, ne respire pas la sérénité.
#IranProtests funérailles des martyrs de Kazeroun dans le sud de l'#Iran tombés pour la liberté#FreeIran2018 pic.twitter.com/6NhCR9q6dd
— csdhi.org (@CSDHI) 22 mai 2018
Sans doute vexés du refus d’obtempérer de la foule et pris de panique devant sa détermination, les forces de l’ordre n’ont rien trouvé de mieux à faire que de tirer sur la foule à balles réelles, après avoir essayé, en vain, de disperser les manifestants à l’aide gaz lacrymogènes. Quelques personnes ont pu filmer les scènes d’affrontements entre policiers et manifestants. Trois personnes ont été tuées, par balles, beaucoup d’autres ont été blessées. Mais, encore une fois, les habitants n’ont pas lâché. Les pierres ont volé et le poste de police, symbole parmi les symboles, n’est plus qu’un vague souvenir de cendres. Le message semble clair.
Celui du régime, en revanche, reste flou. Il veut distinguer les revendications du peuple des éléments qui souhaitent faire tomber le régime. Le gouverneur de la province de Fars, Esmail Tabadar, a déclaré : « Nous entendons ce que les gens de Kazeroun disent. Mais nous devons séparer le cas de ces gens de ceux qui veulent démanteler l'establishment et qui reçoivent des ordres des hypocrites (terme spécifique donné aux opposants du régime, les Moudjahidine du peuple), et .... Nous devons faire tout notre possible pour assurer la sécurité du peuple (...) » En lui tirant dessus à balles réelles donc… Ce que ce régime refuse encore de comprendre, c’est que son temps est fini. Le peuple s’est entièrement rallié à la cause des opposants déclarés. Et les slogans dans les manifestations ne laissent plus aucune place au doute : « Gare à vous si nous prenons les armes ! » « A mort Khameneï » « Nous sommes tous ensemble ! » Ce régime théocratique, soi-disant si visionnaire, est incapable de voir sa propre déchéance au pied de sa porte…Pendant ce temps l’Iran de demain se prépare. Les opposants iraniens vont se réunir fin juin à Villepinte autour du terme d' "Un Iran Libre" et présenter l’alternative à la théocratie des mollahs à bout de souffle.
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(1) Monafeghine, hypocrite, terme péjoratif utilisé par le régime pour désigner le groupe des Moudjahidine du Peuple.
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