Florence Cassez ou l’incongruité d’une affaire d’état
Vous ne pouvez pas avoir échappé au matraquage médiatique de la « victime Florence Cassez » : matin, midi et soir, le journal de la chaîne publique accompagne de quelques mots indignés la photo de la jolie et fragile jeune femme au regard félin si triste derrière ses barreaux.
Condamnée à 60 ans de prison pour complicité d’enlèvements et séquestration, elle émeut la France entière. Si nous étions certains de sa culpabilité, serions-nous tant émus par cette manipulation médiatique ? Sans doute non !
Alors posons-nous la question de sa culpabilité. Avez-vous lu, entendu, su qu’elle était innocente ? Non. Les images de son arrestation ne sont pas celles d’un flagrant délit mais ont été tournées lors de la reconstitution. C’est un fait avéré qui ne prouve ni son innocence ni sa culpabilité. Elle a été déclarée coupable au cours d’un procès où témoins, victimes et complices ont certifié sa participation aux exactions. Au nom de quoi, parce qu’elle est française ne devrait-elle pas être responsable de ses actes au Mexique ?
La condamnation à 60 ans de prison nous parait disproportionnée pour un simple rôle de complice. Monsieur Calderon a, depuis son élection, engagé une guerre ouverte contre les narcotrafiquants, auteurs de la majorité des enlèvements, car ce fléau mexicain concerne toutes les couches sociales de la population. Les narcos enlèvent chaque année entre 1500 et 2000 enfants dans toutes les classes sociales. Plus de la moitié sont assassinés, rançon payée ou non. Dans les milieux défavorisés, les enlèvements sont un moyen de pression sociale. Les familles des classes moyennes qui affrontent ce problème, n’ont d’autres recours que de vendre l’intégralité de leurs biens ( la voiture qui leur permet de travailler, la cabane achetée à crédit…) pour tenter de sauver leur enfant. Un enfant de 10 ans a été une des victimes de la bande à laquelle Florence Cassez appartenait. Serions-nous si tolérant avec elle si nous vivions avec la peur au ventre pour nos proches ?
L’état français a t’il le droit de créer un conflit diplomatique pour F.C ? Florence Cassez habitait au Mexique depuis de nombreuses années, tout comme son frère créateur d’une entreprise mexicaine. Elle vivait avec un criminel dont elle partageait le niveau de vie élevé. Elle était un « citoyen » mexicain, pas une touriste de passage. De plus, l’état mexicain a proposé qu’elle purge sa peine en France à la condition que la décision de la justice mexicaine soit respectée. L’état français n’a pas formellement pris cet engagement. F.C. est donc restée en prison au Mexique, avec un traitement de faveur (accès aux médias, au téléphone…).
Comment pour un individu, dont la condamnation n’est pas le fruit d’un hasard malencontreux, l’état français peut-il compromettre les relations étroites qui se sont tissées historiquement et culturellement avec cet extraordinaire pays qu’est le Mexique ?
Faut-il annuler l’année du Mexique en France ? Monsieur Calderon s’est indigné que cet évènement amical, festif et culturel soit dédié à une femme condamnée à 60 ans de prison. On ne peut que le comprendre ! Cependant, le Mexique et la France ont autant de fascination réciproque que d’amour et il serait bien triste, pour cette affaire qui aurait dû rester ce qu’elle est : un fait divers, d’anéantir cette occasion précieuse et rare de partager, de découvrir, de reconnaître le délicieux fumet d’une gastronomie sidérante, l’incroyable sens de la vie de ce peuple multiethnique, l’étrange colonisation du catholicisme sur de fortes croyances animistes, l’histoire d’une succession fascinante d’empires majestueux qui disparaissent engloutis en quelques années, un territoire immense aux multiples visages, des villes gigantesques et surréalistes… De France le Mexique est insondable, exubérant et mystérieux. Cette année, il vient poser un pied sur notre terre, accueillons-le !
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