Guerre de Poutine en Ukraine : est-ce une guerre sainte ?
La raison officielle de la guerre de #Poutine en #Ukraine c’est d’arrêter la progression de l’#OTAN et de garantir la sécurité de l’URSS. Mais la guerre froide est terminée. Alors pourquoi se « défendre » contre l’occident ?
Cette guerre est une belle occasion pour analyser les liens entre spirituel et temporel, entre spiritualité et société. En apparence, les deux sont désormais dissociés en occident. Le sont-ils vraiment ?
Quelle est la raison profonde de cette guerre ? Poutine le dit lui-même, de manière allusive, mais il le dit. La raison, c’est la famille. À aucun moment, il ne se place son discours dans un registre religieux ni ne parle de guerre sainte, mais nous allons voir qu’il n’est que l’autre facette d’une même pièce. Si nous cessons de raisonner comme si le religieux et le politique n’avaient rien à voir, alors les choses deviennent très claires.
Pourquoi ces tensions avec l’occident ? Dans son discours du 24 février, les raisons invoquées sont uniquement géopolitiques : l’OTAN qui amasse des armes à la frontière de la Russie, les abus de pouvoir répétés de l’occident, l’émergence d’un nouveau pôle Sino-Indien qui remet en question l’équilibre des forces. Poutine analyse la situation exclusivement à l’aune des rapports de forces internationaux. C’est son rôle. Il rappelle les guerres de Yougoslavie, Irak, Syrie, Libye.
Avec raison, on peut dire avec certitude que l’ensemble du soi-disant bloc occidental, formé par les États-Unis à son image et à sa ressemblance, est ce même « Empire du mensonge ».
Poutine, discours du 24 février
Pourquoi, aux yeux de Poutine, les USA font la guerre ? Pour le pétrole ? il n’y en avait pas en Yougoslavie. Pour la démocratie ? Soyons sérieux. De quels mensonges Poutine parle-t-il ? De quelle menace existentielle doit-il défendre son peuple ? Il nous le dit lui-même :
En fait, jusqu’à récemment, les tentatives de nous utiliser dans leurs intérêts, de détruire nos valeurs traditionnelles et de nous imposer leurs pseudo-valeurs, qui nous rongeraient, nous, notre peuple, de l’intérieur n’ont pas cessé. Ces attitudes ils les imposent déjà agressivement dans leurs pays et elles mènent directement à la dégradation et à la dégénérescence, car elles sont contraires à la nature humaine elle-même.
Poutine, discours du 24 février
Nous y voila, le fond du problème, ce sont les « pseudo-valeurs contre-nature ». Il conclut plus loin en disant que la vérité est de son côté et qu’il s’agit pour chaque citoyen de défendre sa famille, son foyer, sa Patrie.
Dans son discours au forum économique de St Petersbourg c’est la même chose. Poutine parle des mesures économiques que son gouvernement prend pour le pays. Il égraine de nombreux sujets sur l’économie Russe. Mais il aborde aussi succinctement un point important :
Par ailleurs, je voudrais souligner une autre chose. Pour les héritiers, les possibles héritiers du capital, personne ne sait ce qui est le plus important : l’argent et les biens dont ils ont hérité, ou la bonne réputation de leurs ancêtres et les services rendus à leur pays. Personne ne va le gaspiller, excusez mon ironie, personne ne va le boire.
Et ce qui restera aux futures générations d’héritiers, c’est leur bonne réputation qui restera avec eux pour toujours. Et elle les accompagnera sûrement tout au long de leur vie, de génération en génération, les aidera, les soutiendra dans la vie, les rendra plus forts que tout l’argent ou les biens dont ils pourront hériter.
[…]
L’avenir de la Russie est une famille avec deux, trois enfants ou plus. Par conséquent, nous ne devons pas seulement parler de soutien financier direct – nous devons cibler, adapter aux besoins des familles avec enfants le système de santé, l’éducation, toutes les sphères qui déterminent la qualité de vie des gens.
Discours de Poutine au forum économique de St Petersbourg
Là encore, ce sont des petites allusions qu’il faut aller dénicher, mais elles sont fondamentales : ce n’est pas l’argent qui compte, mais la réputation, les ancêtres, en un mot : la lignée. Qu’est-ce qui compte pour l’avenir de la Russie : une famille avec 2 ou 3 enfants, donc, la lignée.
Dans chaque discours, Poutine reste dans son rôle : en géopolitique, il parle de rapport de force, en économie, il parle de finance. Mais il donne des indices, destinés, je suppose, à ceux qui lisent entre les lignes.
Heureusement, nous n’avons pas à deviner grand-chose, même si pour certains le simple fait de parler de « famille » explique déjà tout. Le patriarche Cyrille dévoile dans un discours qui a horrifié les médias occidentaux le fond du problème :
Aujourd’hui, il existe un test de loyauté envers ce pouvoir, une sorte de laissez-passer vers ce monde « heureux », un monde de consommation excessive, un monde de « liberté » apparente. Savez-vous ce qu’est ce test ? Le test est très simple et en même temps terrifiant : il s’agit d’une parade de la gay pride. La demande de nombreux pays d’organiser une gay pride est un test de loyauté envers ce monde très puissant ; et nous savons que si des personnes ou des pays rejettent ces demandes, ils ne font pas partie de ce monde, ils en deviennent des étrangers.
[…]
Si l’humanité accepte que le péché n’est pas une violation de la loi de Dieu, si l’humanité accepte que le péché est une variation du comportement humain, alors la civilisation humaine s’arrêtera là.
[…]
Si l’humanité accepte que le péché n’est pas une violation de la loi de Dieu, si l’humanité accepte que le péché est une variation du comportement humain, alors la civilisation humaine s’arrêtera là.
[…]
Tout cela dit, nous sommes engagés dans une lutte qui n’a pas une signification physique mais métaphysique.
6 mars 2022 – Déclaration du patriarche Kirill au terme de la Divine liturgie
Les fameuses « valeurs contre-nature » évoquées par Poutine ne seraient-elles pas ces « gay-pride » (entre autres choses, mais c’est le symbole qui compte ici), avec le culte de l’argent (évoquant subtilement la crise de 2008).
Même si cela peut sembler léger comme preuves, il semble évident que Poutine et Cyrille sont de mèche. Chacun reste strictement dans son rôle, l’un s’occupe de politique et donc de rapport de forces, et l’autre de spirituel, donc de ce qui est sacré. Mais les deux se rejoignent sur la question de la famille traditionnelle. Je ne suis pas le seul à faire cette analyse.
La croyance en une « destinée manifeste » de la Russie traverse toute l’histoire de ce pays, depuis les écrits du moine Philothée sur la Troisième Rome jusqu’au Bolchévisme, en passant par la réflexion des slavophiles sur l’arriération « providentielle » de la Russie. Aujourd’hui, on retrouve cette thématique chez le penseur néo-Eurasianiste Alexandre Douguine. Reprenant la doctrine des cycles de l’école de la Tradition mais aussi certaines intuitions d’Heidegger, il voit dans l’Occident la terre du crépuscule et de l’oubli de l’Être où toutes les grandes questions existentielles sont occultées par les valeurs marchandes et le règne de la technique. La Russie au contraire, qui n’aurait pas complètement perdu le contact avec les puissances du chaos originaire et ce malgré une modernisation superficielle, aurait vocation à être le lieu d’un nouvel avènement (Ereignis), d’un retour de l’Être que le dernier Heidegger appelait de ses vœux. Chez Douguine, l’eschatologie philosophique de Heidegger rejoint les prophéties chrétiennes sur l’Armageddon et le dernier Antéchrist dont la société postmoderne serait la préfiguration. La Russie et plus particulièrement son président, Vladimir Poutine, seraient investis d’une mission de Katechon : le concept remonte à Saint Paul et désigne chez Carl Schmitt des figures historiques dont l’action retarde le triomphe des forces de ténèbres qui doivent précipiter les évènements de la fin.
Cependant, nous n’avons fait que gratter la surface, car en réalité la Russie est « travaillée » par une vision de sa destinée très différente de celle de l’occident. Il s’agit du « cosmisme ». Je ne vais pas trop m’étendre sur ce sujet, je donnerais quelques liens pour ceux qui veulent creuser la question, mais pour faire simple, c’est une vision qui s’oppose au transhumanisme occidental, sans rejeter la technologie pour autant. La vision Russe vise à marier les valeurs traditionnelles et la technologie, le but ultime étant de conquérir la mort, coloniser l’univers, et ressusciter ses ancêtres au passage !
C’est un courant de pensée, semble-t-il, qui imprègne les élites Russes. Je vous cite un tout petit extrait à l’appui de mes dires. Glazyev Sergey Yuryevich (né en 1961) est un éminent économiste national, homme politique et homme d’État, académicien de l’Académie des sciences de Russie. Conseiller du président de la Fédération de Russie sur les questions d’intégration eurasienne. L’un des initiateurs, membre permanent du club d’Izborsk :
Et puisque nous sommes à la pointe d’une guerre hybride, on peut vraiment considérer que la guerre avec l’Occident est pour le sort de l’humanité. Et l’Occident d’aujourd’hui n’a aucune image de l’avenir. La chipisation universelle, l’intelligence artificielle et la déshumanisation, les LGBT, la destruction de la famille, la cessation de toutes les formes d’identité humaine – c’est une image de la mort, pas du futur. C’est ce que nous apporte l’Occident. Puisque nous sommes en confrontation directe avec lui, nous pouvons supposer que nous nous battons vraiment pour la préservation de l’humanité.
Sergei Glazyev : la Russie se bat pour la préservation de l’humanité Sergueï Glazyev – 4 juillet 2022, 10:47
https://philitt.fr/2020/10/05/le-cosmisme-russe/
Source de l'article : Blog "La loi de l'UN" : Guerre de Poutine en Ukraine : est-ce une guerre sainte ? par johann.oriel
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