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Guerres Rwanda-Congo : Guerres de diversion pour pérenniser l’impunité

Une énième guerre a éclaté en République Démocratique du Congo, et, comme on pouvait s’y attendre, à l’initiative du Rwanda. Le Rwanda de Paul Kagamé devient ainsi, sûrement, le pays le plus belliqueux d’Afrique. La guerre est pourtant source de trop de tragédies pour être provoquée de façon aussi répétitive par un même groupe d’individus. La question de savoir pourquoi le régime de Kigali est aussi habitué à provoquer des guerres meurtrières mérite d’être posée sérieusement. Selon toute vraisemblance, la réponse est à chercher dans le passé inavouable des dirigeants actuels du Rwanda, arrivés au pouvoir par les armes et pour qui les guerres répétitives sont paradoxalement indispensables. 

En tout cas, on peut difficilement imaginer qu’un pays s’engage dans une guerre contre son voisin pour une affaire interne de soldes impayées. Bien entendu, et, c’est comme à chaque fois, les autorités et l’armée rwandaises se dissimulent derrière un mouvement « congolais » de paille, le M23. Le gouvernement rwandais dément tout soutien, mais il y a longtemps que la parole des autorités rwandaises, sur le Congo, n’inspire plus la moindre crédibilité.

 En remontant au déclenchement du conflit, on comprend mieux les motivations, inavouées, des autorités rwandaises : il s’agit de préserver ce que le régime de Paul Kagamé a de plus précieux : l’impunité pour les siens. Car si jamais on brisait le mur de l’impunité des dirigeants rwandais, le régime tout entier pourrait s’effondrer comme un château de cartes.

 Ainsi, à Kigali, on fait tout pour qu’on ne parle plus de Bosco Ntaganda. On parle crise humanitaire, renforts des casques bleus, FARDC, M23,… alors qu’à l’origine de la crise se trouve un mandat d’arrêt délivré par la Cour Pénale Internationale contre ce général, un des nombreux « protégés de Kigali » qui sèment la terreur dans l’Est du Congo.

 Le régime de Kigali ne prend pas à la légère le risque d’un déballage judiciaire. Tous les « siens » doivent être à l’abri de poursuites, même lorsqu’ils sont cités comme étant parmi les pires criminels au monde[1]. L’arrestation de « Terminator » (surnom de Bosco Ntaganda) et l’ouverture d’un procès à son encontre aurait été l’occasion de révélations qui risquaient d’étaler sur la face du monde ce que le régime de Kigali a de plus sombre. De nombreux dirigeants rwandais risquaient de se retrouver dans le collimateur du Procureur Luis Moreno-Ocampo.

 Tout a donc été entrepris carrément au sommet de l’Etat. Les rapports de Human Rights Watch puis des experts de l’ONU ont confirmé que le M23 a reçu une « aide directe » (armes, munitions, recrues…) de la part de hauts responsables rwandais, dont le ministre de la Défense, James Kabarebe, et le chef d’état-major des armées, le général Charles Kayonga.

 En apparence, le Rwanda n’a pas besoin d’une telle « publicité négative ». Mais il tient à ce que le rideau de fumée soit toujours plus épais. Puisque pendant qu’on parle M23, le criminel Bosco Ntaganda se met au vert. Il rejoint à Kigali ses anciens compagnons de triste mémoire : Laurent Nkunda et autres Jules Mutebutsi qui ont semé la mort et la désolation dans l’Est du Congo. Ils se trouvent depuis à l’abri dans le pays qui, au lendemain du génocide, aurait dû être le contraire de ce qu’il est devenu : la base arrière des criminels parmi les pires au monde. Tous, pour se mettre à l’abri, ont bénéficié de sanglantes manœuvres de diversion menées par le Rwanda.

 En remontant dans le temps, on remarque avec effarement, qu’au moment où le Rwanda préparait et déclenchait une guerre au Congo, le régime faisait face à des dossiers embarrassants, bien entendu plus graves que celui de Bosco Ntaganda, mais dont il tenait fermement à ce qu’ils ne puissent pas cristalliser l’attention de l’opinion internationale et mener à des actions judiciaires contre un dirigeant ou un autre.

 Ainsi, avant la première guerre du Congo (1996), les nouvelles autorités rwandaises n’en pouvaient plus des dossiers des massacres des Hutus commis par les troupes du FPR, au Rwanda-même, dont le plus célèbre est celui de Kibeho en avril 1995. Après avoir instrumentalisé l’affaire des Banyamulenge contre le Zaïre de Mobutu, pour essayer de détourner l’attention, le Rwanda (avec ses alliés ougandais et burundais) est passé à l’attaque dans l’Est de l’ex-Zaïre. Le bruit de la première guerre du Congo a détourné l’attention des médias et des groupes de pression militants pour les victimes hutues. Aujourd’hui, plus personne ne parle du massacre de Kibeho.

 Mais la première guerre du Congo se transforma en boucherie. Les réfugiés hutus avaient été massacrés par centaines de milliers et l’affaire devenait terriblement embarrassante pour le régime de Laurent-Désiré Kabila. On envisageait la mise en place d’un tribunal pénal international sur le modèle de celui d’Arusha. La thèse du « double génocide » prenait forme. Laurent Kabila, qui ne tenait pas à être éclaboussé par des crimes dont il n’était pas l’auteur, se mit à accuser les véritables auteurs, à savoir, l’actuelle armée rwandaise.

 Avant même que la première plainte des victimes ne soit envisagée, la deuxième guerre du Congo a éclaté (1998), une fois de plus, à l’initiative du Rwanda. Elle a duré le temps nécessaire pour enterrer définitivement le dossier des réfugiés hutus. Plus personne aujourd’hui ne parle du massacre des réfugiés hutus alors que c’était un dossier très soutenu. Quant à Kibeho, c’est de l’antiquité.

 Cette deuxième guerre du Congo, la plus meurtrière depuis la seconde guerre mondiale (six millions de morts) a suffisamment terrifié les Congolais et les Hutus pour que plus personne ne parle justice. Elle s’est terminée par une série d’accords qui font du Congo, aujourd’hui, un pays sous occupation rwandaise. Des agents rwandais sont placés à tous les postes stratégiques dans l’armée et la politique. Les Congolais sont paralysés par l’idée de se mettre à dos le régime de Kigali. Plus personne, dans la politique congolaise, n’envisage sérieusement d’inquiéter le Rwanda pour les massacres des Congolais et des Hutus.

 Pour Kigali, l’objectif de l’impunité était atteint. Mais il y a la Cour Pénale Internationale. Elle ne peut pas continuer à être crédible en arrêtant uniquement des Congolais et en restant les bras croisés face aux criminels rwandais. Il fallait donc tenter quelque chose. Arrêter Bosco Ntaganda. Le Rwanda n’a pas tardé à réagir. C’est une nouvelle guerre que les Congolais vont devoir, une nouvelle fois, endurer de la part du Rwanda, à cause de Bosco Ntaganda et des révélations qu’ils risquait de présenter à La Haye.

 Maintenant qu’on sait pourquoi le Rwanda provoque des guerres à répétition, deux choix se présentent au Procureur de la Cour Pénale Internationale : soit il attend que la situation devienne stable, et risque d’attendre indéfiniment, soit il fait fi du déroulement de la guerre au Congo et continue d’exiger, jour après jour, que Bosco Ntaganda lui soit remis.

 Il peut directement demander à Kigali de lui livrer le criminel recherché en mettant la pression sur les bailleurs qui devraient conditionner leur aide au Rwanda à l’obligation pour celui-ci de livrer les criminels qu’il protège. Il peut aussi dénoncer cette guerre de diversion qui l’empêche de faire son travail.

 Sa voix sera plus entendue que celles des Congolais qui n’en peuvent plus de ce terrible régime dont ils se souviendront longtemps comme étant la pire catastrophe de leur histoire.

 

  Boniface MUSAVULI




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31 réactions à cet article    


  • asterix asterix 27 juillet 2012 07:14

    Il est tout à fait incroyable qu’un article tel que le votre suscite aussi peu d’intérêt de la part du lectorat d’Agoravox. Je n’y vois qu’une seule explication : hors la Françafrique, ce qui se passe au centre du continent noir n’intéresse personne ou presque.
    En tant que Belges et ce pour des raisons historiques, nous y sommes beaucoup plus sensibles. Juste un détail : vous présentez le Rwanda comme le pire état africain. Je dirai pour ma part qu’il y en a deux : le Rwanda ex-belge et le Congo ex-belge. ...Plus certaines multinationales bien connues pour qui le sang versé ne se comptabilise qu’en kilos de coltran.
    Vous méritiez la une d’Agoravox ne fut-ce que par votre volonté informative. Vous êtes perdu loin loin dans la masse. C’est regrettable mais ne doit pas vous arrêter pour autant..
    Mes salutations, cher Musavuli


    • MUSAVULI MUSAVULI 27 juillet 2012 08:35

      Merci Astérix. Pour la consolation, en tapant « Congo » sur le portail de google actualité, je remarque que mon article vient en premier. C’est déjà ça.


    • Adrien Adrien 27 juillet 2012 10:35

      les articles sur les massacres inter-africains n’intéressent personne car ça manque un peu de blancs ou d’arabe. Le viol de masse ou les tueries à 6 zéros quand c’est entre Noirs, ça ne vaudra jamais une bonne bombe de l’Otan en Lybie pour faire réagir les grands pourfendeurs des turpitudes occidentales. 


    • le moine du côté obscur 27 juillet 2012 16:54

      Le drame c’est que même les africains noirs ne semblent pas se préoccuper de la tragédie congolaise. Beaucoup de ceux que je connais préfèrent s’informer sur France 24 et son « petit frère » Africa 24 et ne se préoccupent pas de ce qui se passent sur leurs continents. Quand je leur dis qu’une tragédie secoue le Congo ils en sont surpris. Il faut dire qu’avec le matraquage des médias par exemple on entend parler que soit de la Syrie voire du nucléaire iranien... Pauvres de nous !


    • Henri Francillon Henri Francillon 27 juillet 2012 09:52

      La guerre, qu’elle soit de diversion, humanitaire ou ce que vous voulez, est et a toujours été le moyen le plus sûr de s’enrichir.
      Il est ainsi aisé pour des ambitieux de monteur deux camps l’un contre l’autre, de leur vendre des armes et de les pousser à s’entretuer.
      Car après la guerre et ses juteux bénéfices sur l’armement, viendra la reconstruction qui promet de se remplir les poches une seconde fois.
      Et pendant que les peuples se font la guerre ils ne songent à rien d’autre, laissant en paix les dirigeants et mafieux de tout bord pour trafiquer qui de la drogue, qui des armes et qui des êtres humains.
      Les mêmes personnes sont d’ailleurs très heureuses de gérer tous ces paramètres.
      La seule solution pour faire cesser les guerres est que les peuples refusent de s’entretuer.


      • Chienne de Guerre Chienne de Guerre 27 juillet 2012 10:35

        Très bonne analyse M Francillon.
        Derrière toutes les guerres, il y a des affaires de gros sous et des trafics. La guerre est souvent un enfumage qui permet au bisness de prendre ses aises.

        « La seule solution pour faire cesser les guerres est que les peuples refusent de s’entretuer. » 

        Malheureusement cette dernière phrase tient de l’utopie. Vous trouverez toujours des hommes prêts à trucider son prochain, pour peu qu’on lui amène l’idée avec un discours judicieusement choisi. Et en face, le gars qu’on voudra tuer, voudra se défendre, etc.


      • Henri Francillon Henri Francillon 27 juillet 2012 14:00

        Je partage votre conception des choses, Famine, mais uniquement parce que, comme le dit Chienne de Guerre, nous n’avons actuellement guère d’espoir de voir les humains cesser leur délire compétitif pour enfin s’éveiller à l’harmonie naturelle qui pourtant nous éclate en pleine face dès que nous sortons des villes.
        Et de laquelle nous sommes tous issus.


      • Chienne de Guerre Chienne de Guerre 27 juillet 2012 10:12

        Bonjour,

        Je me faisais exactement la même réflexion que Axtérix.
        Le génocide d’un peuple africain sous nos yeux depuis toutes ces années ne semble pas émouvoir grand monde.
        Et je n’ose imaginer à quelles horreurs les populations doivent faire face.

        Merci pour cet article

        http://www.slateafrique.com/91619/le-rwanda-juge-coupable-de-rebellion-en-rdc


        • Ornithorynque Ornithorynque 27 juillet 2012 10:21

          Cher Musavuli,

          Merci de cet article documenté et factuel.
          Même si l’on comprend un certain ressentiment à l’égard de personnages particulièrement monstrueux, vous gagneriez à écrire de façon encore plus dépassionnée, car votre éclairage est salutaire.

          Quand au relatif manque de commentaires , il est aussi du à la période estivale...

          Mais vous allez voir... comme chaque fois qu’un article traitant du Rwanda ou de Kagamé apparait sur la toile, l’équipe (basée à Bruxelles) de « community managers » du gouvernement de Kigali va bientôt inonder le forum de commentaires à la gloire du gouvernement Rwandais, avec en prime l’habituelle diversion sur la « responsabilité de la France » dans le génocide.

          Ensuite, les idiots utiles suivront (vous savez, ce sont les mêmes que ceux qui dans un contexte différent, croient que l’Observatoire syrien des droits de l’Homme est une ONG indépendante, alors que c’est tout bêtement une agence de presse / de communication d’opposition basée à Birmingham !)

          Vous allez voir, c’est assez amusant. On les repère d’assez loin....


          • Chienne de Guerre Chienne de Guerre 27 juillet 2012 10:44

            @ Ornithorynque,

            « Quand au relatif manque de commentaires , il est aussi du à la période estivale.. »

            Pas sur... Hier, un article sur quelques athlètes saoudiennes portant le voile a déclenché plus de 260 commentaires... Une tempête dans un verre d’eau....
             Et l’article de Musavali était déjà en ligne.
            On en tirera les conclusions que l’on veut.


            • Georges Yang 27 juillet 2012 10:55

              Vous avez voulu être bref mais la situation congolaise est encore plus complexe

              Dès la première guerre de 1996 il y a eu plusieurs factions d’assassins sur le territoire de l’ex Zaire dans les 2 Kivu, le Maniema et l’Ituri du fait des Rwandais (Tutsi) de Kagame et de leurs alliés Banyamulenge, mais aussi de la part des Interhamwe Hutus génocidaires, puis des Mai-Mai, des déserteurs de l’armée de Mobutu, puis enfin des hommes de Bemba

              Le responsabilité de Kagame est grande, mais il n’est pas le seul à avoir attisé le feu

              La seul différence est que tous les autres acteurs (congolais, burundais, ougandais) sont des prédateurs motivés par le pillage des ressources, Kagame en plus est un idéologue, une sorte de Robespierre africain, austère, calculateur, religieux, végétarien, non buveur, non fumeur pour qui l’argent n’est pas le moteur de pensée


              • MUSAVULI MUSAVULI 27 juillet 2012 18:18

                Salut Georges !

                A la différence des autres, Kagamé est celui qui ne recule devant aucun excès de l’horreur. Il a beau être une sorte de Robespierre, mais il faut avoir perdu quelque chose de profondément humain pour enchaîner les charniers comme cet homme en a enchaîné de son vivant. Dès le début de la guérilla FPR, de nombreux témoignage parlais de tueries de masse dans le nord du Rwanda. Beaucoup de gens sont restés incrédules jusqu’à Kibeho (avril 1995). Plus de 8.000 morts sous la barbe des casques bleus zambiens. Et lorsque l’idée lui est venue de franchir la frontière du Zaïre, les Congolais n’en revenaient pas. Les soldats de Kagamé pouvais massacrer tout un village et rester là, tranquilles, sans aucun remord. A Beni, j’ai personnellement vu des corps entassés dans un camion plein que les soldats rwandais acheminaient vers la rivière Semliki après la révolte des Mai-Mai. Ça avait l’air de stères de bois, mais c’était des corps de nos petits jeunes de Beni-Butembo. Mugunga, Makobola, Tingitingi, Kasika, Kikyon-Butembo, sont autant de sites où l’armée de Kagamé s’est illustrée dans l’horreur contre des populations civiles. A Mwenga, ils ont carrément enterré des femmes vivantes. Bref, cet homme a beau avoir les idées qu’il a, mais je trouve surréaliste que le monde le laisse les mains libres. C’est un terrifiant boucher, et ce n’est pas une insulte.

              • Georges Yang 27 juillet 2012 11:06

                Vous oubliez aussi que durant les 15 dernières années, des actes de tortures, des viols sadiques avec humiliation, du cannibalisme, des mutilations ont été le fait d’autres groupes que Tutsis

                Cela dit les alliés du Rwanda ont aussi du sang sur les mains


                • Ornithorynque Ornithorynque 27 juillet 2012 12:29

                  @Georges Yang

                  C’est vrai que c’est plus compliqué et que dans ce genre de conflits mêlant prédation et terreur, il est difficile d’identifier un parti sans taches.

                  Si Kagamé n’est pas mû par l’argent, il est néanmoins essentiel de préciser que l’intégralité des ressources pillées à l’Est du Congo ne pourraient jamais être vendues sur les marchés Mondiaux si elles n’étaient « blanchies » par leur passage par le Rwanda qui en garanti la provenance Rwandaise...

                  L’argent et la terreur sont les deux clefs du pouvoir.


                • Ibitoki 27 juillet 2012 12:57

                  D’accord avec ce que vous dîtes ornithorynque. L’article me semble moins équilibré que vos propos.


                • MUSAVULI MUSAVULI 27 juillet 2012 18:26

                  Les actes que vous décrivez sont le fait des groupes considérés comme « négatifs ». Ce sont, pour faire simple, des bandits. Mais les hommes de Kagamé, non seulement ils se livrent à des atrocités, mais surtout, ils sont considérés comme « un régime normal ». C’est cela qui pose problème. On devrait tous les mettre au ban des nations.


                • MUSAVULI MUSAVULI 27 juillet 2012 19:05

                  Bonjour Ibitoké,

                  Qu’est-ce qui n’est pas équilibré dans mon article ? Bosco Ntaganda et le M23 sont bien soutenus par le Rwanda. Les deux guerres du Congo et leur cortège d’horreurs, c’est aussi du vrai. L’impunité des criminels (présumés) proches de Kagamé, c’est aussi un fait. Quant à la sensibilité ou l’insensibilité au génocide, vous ne m’apprenez rien. Je vivais dans la région pendant les évènements. Nous avons d’abord accueilli les Tutsis qui fuyaient, et nous avons été généreux avec eux. Ensuite sont venus les Hutus. Chaque fois que la cohabitation devenait difficile entre les deux groupes rwandais, les Congolais aidaient les Tutsis à regagner l’Ouganda où leur sécurité pouvait être mieux assurée. Toutes ces bonnes âmes congolaises ont été balayées par les deux guerres de Kagamé. Mais nous ne désespérons pas, il en reste encore. Par ailleurs, comme beaucoup de ressortissants de la région, j’ai des Tutsis dans ma famille (des neveux et surtout mes nièces). J’ai donc été suffisamment affecté par le génocide rwandais. Mais les dégâts occasionnés par le régime de Kagamé au Congo sont tels qu’il faudra longtemps pour ramener la sérénité dans le rapport aux Tutsis. La blessure est tellement profonde. Enfin, je ne suis pas membre du mouvement des patriotes congolais, même si, à la lumière des souffrances endurées par le peuple congolais, je trouve que la réaction d’un peuple est tout à fait justifiée. Moi, je suis militant des droits de l’Homme. Rien d’autre.

                • Ibitoki 27 juillet 2012 12:55

                  Merci George Yang pour cette mise au point je trouve l’article très déséquilibré et ça risque d’induire les profanes en erreur.
                  Je ne leur en veut pas trop. La France qui tente de masquer ses responsabilités dans le génocide de 94 s’est souvent associée aux « patriotes »congolais (souvent pseudos patriotes : nationalistes en parole mais vendus en acte comme certains dirigeants arabes) pour produire le récit d’un complot « Kagamiste ».
                  Kagame serait omniscient au point d’être responsable des crimes de ses ennemis. On lit souvent des analyses qui font fi du fait pourtant incontestable qu’une guerre met en scène des belligérants ayant tous du sang sur les mains.
                   Les Péan, Bruguière, Lugan et autres Onana sont les promoteurs de cette littérature qui surfe sur l’ignorance mais aussi le ressentiment des uns et des autre à l’encontre d’un nègre austère et ambitieux. (ça doit cacher quelque chose smiley

                  La guerre du Congo est une guerre de prédation dans laquelle le Rwanda sous domination du FPR est en première ligne mais il n’est pas tout seul ce qu’omet de dire l’auteur de cet article.

                  Des grosses exagérations sur le nombre de morts au Congo circulent depuis des années alors qu’elles ont été démontés par des scientifiques sérieux. Des belges : http://www.lalibre.be/actu/international/article/479465/desaccord-sur-la-mortalite-de-guerre.html des canadiens http://www.africafiles.org/article.asp?ID=22852

                  Bref la propagande du FPR et ses alliés ne doit pas masquer les réalités d’un guerre complexe aux multiples acteurs.
                  Les manip du Darfour devraient avoir servi de leçon mais non... les dires des ONG du type IRC qui vivent du charity business et des autorités congolaises très corrompues ne sont pas paroles d’évangile.
                  Trop de gens « cherchent » en ayant déjà des réponses toutes faites il n’y a qu’à lire les commentaires...


                  • Georges Yang 27 juillet 2012 13:03

                    Musavuli connait bien la région, ses analyses ne sont pâs fantaisistes, mais il a été un peu bref dans cet article

                    Mais il faut reconnaitre que si l’on entre dans les détails, les non initiés sont totalement perdus

                    J’en ai fait l’expérience pour le Darfour sur ce site

                     


                  • Scuba 27 juillet 2012 15:27

                    Mais vous allez voir... comme chaque fois qu’un article traitant du Rwanda ou de Kagamé apparait sur la toile, l’équipe (basée à Bruxelles) de « community managers » du gouvernement de Kigali va bientôt inonder le forum de commentaires à la gloire du gouvernement Rwandais, avec en prime l’habituelle diversion sur la « responsabilité de la France » dans le génocide.

                    Effectivement, @Ornithorynque, ça n’a pas trainé.


                  • MUSAVULI MUSAVULI 27 juillet 2012 19:23

                    Merci Georges. Sur un autre registre, comme je vous avais indiqué brièvement, les Okapi de la Maïko sont aussu menacés que les humains.Voici ce qui leur est arrivé à Epulu :

                    Après ça, on regarde mon « icône » différemment.




                  • Georges Yang 27 juillet 2012 19:30

                    Juste un mot pour dire que je loin d’être un admirateur de Kagame, mais Bemba ne vaut guère pire


                  • MUSAVULI MUSAVULI 28 juillet 2012 13:33

                    Tout à fait d’accord avec vous, Georges. Le Congo a besoin d’autres hommes (et femmes), venus, peut-être de la société civile. Les « leaders » fabriqués par Kagamé et Museveni durant les deux guerres sont non seulement incompétents, mais surtout effroyables. Sur Bemba, nous avons été parmi les premiers à dénoncer le comportement de ses hommes dont une parti venait des ex-Faz de triste mémoire. Ne m’en voulez pas quand je relate les récits terribles du Congo. Ça me soulage quelque part. Donc, les hommes de Bemba ont capturé et mangé des pygmées comme du gibier. Vous vous rendez compte ? Et il est devenu vice-Président de la République. Je crois qu’il est bien là où il est (a La Haye).


                  • Georges Yang 29 juillet 2012 10:16

                    Le cannibalisme avait déja été pratiqué à Kindu par des Simbas je crois en 1964 ? (les missionnaires dans le frigo) Mais les gens de Bemba auraient fait pire, faire bouffer de force des Pygmés à leur prisonniers

                    Par contre, le père de JP Bemba était certes dur en affaires, mais beaucoup plus fréquentable


                    • MUSAVULI MUSAVULI 29 juillet 2012 18:16

                      Ah, Georges, vous n’avez pas fini de me surprendre. Vous connaissez même les Simba et les ravages qu’ils ont occasionnés dans le Kivu. Il manque de chercheurs pour se pencher sérieusement sur les atrocités commises par les Mulelistes. Selon les récits que j’ai recueilli de mon père et des missionnaires, ils exécutaient tous les intellectuels (en particulier les enseignants et les religieux) accusés d’être corrompus par l’idéologie du « colon blanc ». Un peu comme les Khmers rouges. De vastes régions du Congo se sont ainsi retrouvées sans enseignants ni prêtres. Déjà que l’administration coloniale n’en avait pas formé en nombre suffisant. Le premier génocide du Congo ?... On y reviendra. Quant à Bemba Saolona, que vous semblez connaître, j’ai de lui l’image d’un brillant homme d’affaires, voire carrément un visionnaires, ce que n’a pas su être son fils décrit comme médiocre dans les affaires. Mais « Nzanzu » (surnom que les Nandes ont attribué à Saolona) a surtout profité des largesses du régime de Mobutu.


                    • Georges Yang 30 juillet 2012 20:32

                      Bemba Soloana était impliqué dans le MEDEF local et dans la papaine à Béni Il était dur en affaire, proche d’un des fils Mobutu (Niwa, je crois, sans en être sûr) mais abordable et lié commercialement aux Nande de Béni ( Bashu) plus qu’au Baswhagas

                      Quant à l’affaire de Kindu, elle vient d’une erreur de compréhension d’information transmise par des phonies crachottantes, il n’y avait pas de Thuraya à l’époque

                      Au message « les mercenaires tirent sur la foule » les Simbas ont compris « les missionnaires » tirent

                      Et l’avion des Italiens qui passait par là a été intercepté et la viande des bons pères mise au frigo avec les Primus


                    • Georges Yang 30 juillet 2012 20:37

                      PS Je ne savais pas que Bemba Saolana était le fils l’ainé (Nzanzu) équivalent de Paluku


                    • louphi 29 juillet 2012 22:20

                      MUSAVULI


                      Sur le continent africain, les populations locales se trouvent plongées dans une situation dramatique entretenue par des guerres fratricides endémiques. Ces guerres fratricides inter-africaines sont le reflet des rivalités entre les puissances impérialistes d’Europe et d’Amérique. Le continent africain avait déjà été partagé entre les pays européens à la conférence coloniale de Berlin en 1884-1885. L’ancienne OUA (Organisation de l’Unité Africaine), puis l’UA (Union Africaine) qui a succédé, veillent à la pérennité de ce partage initial. Les rivalités inter-impérialistes sur le continent visent le repartage du continent. Chaque puissance coloniale longtemps établie fait face, dans sa zone d’influence, à la concurrence des autres anciennes et nouvelles puissances coloniales. Cela ne déresponsabilise en rien les africains qui, consciemment, se prêtent à cette beuverie de leurs prédateurs. 

                      Dans la région des grands lacs africains en particulier, la concurrence inter-impérialistes bat son plein principalement entre la France, l’Angleterre, les pays scandinaves, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, les Etats-Unis, la Chine dernier venu. Chaque puissance impérialiste manœuvre et ne lésine sur aucun moyen pour placer au pouvoir ses agents africains affamés. Les régimes étatiques africains, sauf celui de Robert Mugabé au Zimbabwé, ne doivent leur existence que par la grâce de tel ou tel pays européen, le plus souvent l’ancien colonisateur. Le point culminant de ces rivalités inter-impérialistes, par africains interposés, dans la région des grands lacs africains, est le génocide rwandais perpétré en 1994 : un million de ressortissants de l’ethnie Tutsis massacrés en seulement trois mois, à l’instigation et avec l’appui de la France, par l’Etat rwandais monopolisé par l’ethnie Hutu. En comparaison, le génocide antijuif hitlérien est une anecdote.

                      Le Zaïre du tortionnaire Mobutu, frontalier du Rwanda, tête de pont de la françafrique dans la région, était la base arrière de repli et de réorganisation des milices génocidaires hutus. Ainsi, le Zaïre de Mobutu se trouvait placé en première ligne des répercussions du génocide rwandais. Par ces répercussions, le régime corrompu de Mobutu, acteur du génocide, a été renversé par une rébellion zaïroise appuyée par la coalition Rwanda-Ouganda-Burundi marchant sur les génocidaires hutus. Laurent Désiré Kabila, chef congolais de cette rébellion, devient Président de la République Démocratique du Congo (RDC) en lieu et place de la République du Zaïre de Mobutu. Laurent Désiré Kabila manifestera d’emblée sa volonté de détacher le Congo (ex-Zaïre) de l’influence de la France par quelques actes courageux. Kabila est aussitôt assassiné le 16 janvier 2001 le jour et à l’heure même où Jacques Chirac ouvre le 21ème sommet de la françafrique à Yaoundé (Cameroun). Cet assassinat serait-il l’oeuvre d’un agent congolais au service de la France infiltré dans la garde rapprochée de Laurent Désiré Kabila ? En tout cas, l’assassinat de Laurent Désiré Kabila a permis à l’impérialisme français de se tirer d’affaire dans la région des grands lacs africains.

                      MUSAVULI prend pour monnaie de compte les rapports des experts de l’ONU, des ONG et OING. Il s’en remet à la justice de la Cour Pénale Internationale (CPI) dont il réclame l’exécution des mandats d’arrêt. Or, ces officines de la prétendue « Communauté Internationale » ne sont rien d’autre que des outils chargés de protéger et de légitimer l’impérialisme. Par exemple, on aimerait bien voir l’ONU ou le CPI condamner et lancer des mandats d’arrêt contre les commanditaires du génocide rwandais, c’est-à-dire le gouvernement d’Edouard Balladur sous la présidence de François Mitterrand. Ces génocidaires en série ont commandité d’autres massacres en Afrique et dans le monde : Côte d’Ivoire, Libye, Syrie. Et ils coulent des jours heureux. De cela, MUSAVULI n’en a visiblement pas cure.

                      Ces quelques éléments suffisent pour ne pas souscrire aux appréciations de MUSAVULI sur le sujet touchant au génocide rwandais et sa conséquence la guerre du Congo. MUSAVULI, militant des « droits de l’homme », s’efforce malgré lui d’accréditer la thèse négationniste du « double génocide » ou du « contre-génocide » C’est là la vraie diversion qui cherche à blanchir l’impérialisme français. Le fait d’être africain et d’avoir vécu dans la région au moment des évènements, ou même de les avoirs subis, n’est pas suffisant pour être crédible dans ses analyses. 
                       

                      • MUSAVULI MUSAVULI 30 juillet 2012 04:49

                        Cher Louphi,


                        Je partage tout à fait votre propos sur l’impérialisme des puissances occidentales et ses répercussions tragiques sur les antagonismes ethniques en Afrique. Je suis toutefois réservé sur la fixation que vous semblez maintenir sur la France. Je ne sais pas ce que la France a exactement fait au Rwanda, autre que les informations de Kigali et de Paris que j’essaie de recouper. Mais dire que Laurent-Désiré Kabila aurait été assassiné par un agent secret français, c’est tellement gros que j’ai du mal à y croire. Laurent Kabila qui venait de se brouiller avec les Rwandais et les Ougandais, demandait justement l’aide de la France alors que Kagamé passait son temps à accabler la France. Les Français étaient trop contents de retrouver enfin quelqu’un qui leur tend la main dans cette région où ils venait de perdre pied. Qu’est-ce qui les aurait motivé à assassiner Laurent Kabila ? Non, mon cher, je crois vraiment que vous devriez vérifier vos sources. J’ai plusieurs versions sur cet assassinat, mais c’est la première fois, depuis 11 ans que j’apprends que la France pourrait figurer parmi les auteurs du crime. 

                        Quant aux critiques que vous formulez à l’égard de l’ONU, la CPI, les ONG, je crois rêver. Les autorités rwandaises se sont toujours appuyées sur ces organismes internationaux pour légitimer leurs actions. Le Rwanda serait-il à présent en conflit avec l’ONU, les ONG, la CPI ? Eh bien, si un gouvernement se met à dos tout ce beau monde, c’est qu’il a quelque chose à se reprocher. Le régime de Kigali devrait commencer sérieusement à s’inquiéter puisqu’on ne devient pas la bête noire de l’ONU, de la CPI et des ONG en se conduisant comme le Dalai Lama.

                        Vous abordez également la question du possible « double génocide ». C’est un débat délicat mais qui peut être abordé avec sérénité en examinant chaque massacre commis par les troupes du FPR au Congo. Lorsque les victimes ont été choisies en raison de leur origine ou de leur appartenance à un groupe, et que la tuerie a été planifiée, il s’agit bel et bien d’un cas de génocide selon le droit pénal international. Et des cas de massacres comme ça, mon cher Louphi, vous en trouvez partout où l’armée rwandaise est passée au Congo. Il faut juste préciser qu’il ne suffit pas qu’un acte réunisse les critères de génocide. Encore faut-il que l’environnement politique et médiatique soit disposé à l’entendre de cette oreille. Ainsi le génocide des Juifs a été reconnu au Procès de Nuremberg, plusieurs années après leur martyre. Mais les négationnistes sont toujours là pour essayer de remettre en cause cette qualification. Le génocide des Arméniens a été reconnu très longtemps après les évènements dans l’ancienne Anatolie. Même le génocide des Tutsis a eu besoin de la victoire du FPR pour être reconnu. Je peux vous garantir que si l’ancien régime rwandais avait remporté la guerre, personne, malheureusement, ne parlerait du génocide des Tutsis. Aujourd’hui, les Hutus et les Congolais qui ont subi les ravages de l’armée rwandaise au Congo ne bénéficient pas encore d’un environnement politique et médiatique assez favorable, même pour raconter un seul récit. Mais ça viendra, j’en suis certain, puisqu’à l’ère du numérique, tout est là et ne demande qu’à être lu. Les Congolais avec leurs milliers d’ONG ont constitué une énorme banque de données dans laquelle ont été notés avec précision les cas de massacre, les circonstances, les noms des victimes, l’âge, les commandants des opérations. Comme vous le savez, les rapports des ONG sont vérifiés par des partenaires étrangers beaucoup plus professionnalisés et qui financent les ONG locales. Tout est donc là. Vous devriez vous renseigner.

                        Enfin, vous me parlez des autorités françaises qui devraient être poursuivies par la CPI pour leur possible implication dans le génocide. Pourquoi pas ? Si vous avez des éléments précis à l’encontre de l’une ou l’autre des personnalités françaises, vous pouvez les déposer au bureau du Procureur de la Cour Pénale Internationale. Vous pouvez aussi saisir la justice française.

                        En tant que militant des droits de l’Homme, je ne peux que souscrire à la démarche. 

                      • Georges Yang 30 juillet 2012 21:02

                        Si je me souviens bien les Musavuli ou Kasavuli (sauveurs) sont nés après le décès de plusieurs frère et soeurs, comme Katsuva


                        • MUSAVULI MUSAVULI 30 juillet 2012 22:09

                          Musavuli est un nom de famille assez répandu dans la région. A l’origine, c’est le nom de l’une des divinités yira (groupe ethnique comprenant les Nandes du Congo et les Kondjos de l’Ouganda - traditionnellement polythéistes). Selon ma grand-mère (je ne connais pas la mythologie yira) le dieu Musavuli, comme il y en a d’autres, est invoqué lorsqu’à l’accouchement la vie du bébé et de la mère sont en danger. L’enfant qui naît se voit attribué le nom de la divinité en signe de reconnaissance. Si vous voyagez dans la région notamment en période de la fête de la Nativité, il n’est pas rare de rencontrer des groupes de croyant désignant le bébé dans la crèche du Nom de Musavuli, ce qui pose la question du croisement des croyances, mais c’est un autre débat. Donc le bébé qui naît dans ces circonstances difficile porte le nom de Musavuli. Mais, comme vous le savez, Georges, cet enfant, ce n’est pas moi. Musavuli est un nom de famille que nous héritons de notre arrière grand-père sans savoir dans quelle circonstance il lui a été attribué. D’autant plus qu’en plus de la circonstance de na naissance, « musavuli » se traduit littéralement en langue yira par « celui/celle qui sauve ». Si vous voulez, on pourra échanger plus longuement sur les traditions des peuples de la région sur un support autre qu’AV. Les agoranautes ne seraient pas spécialement intéressés.

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