Il faut sauver les frères Kohail de la décapitation en Arabie Saoudite
Les frères Mohammed et Sultan Kohail sont d’origine palestinienne mais ils sont citoyens canadiens depuis 2005. Ils sont depuis retournés, avec leurs parents, en Arabie saoudite, où ils ont grandi. Mohammed Kohail, 23 ans, emprisonné dans ce pays depuis le printemps 2007, est condamné à la peine de mort par décapitation à la suite du décès, il y a deux ans, de Munzer al-Haraki, un étudiant Syrien âgé de 19 ans. Le jugement a été rendu par un tribunal islamique, appliquant la Charia. Une altercation, dans une cour d’école, est le point de départ de ce drame qui touche deux familles. Mohamed, aurait été accusé d’avoir insulté une jeune femme, Raneem Haraki. Il est intervenu, accompagné de Muhanna Ezzat, Jordanien, âgé de 22 ans, dans une bagarre qui a fait plusieurs blessés et qui s’est terminée par le décès du jeune Munzer al-Haraki.
Mohamed Kohail a été condamné à la décapitation et tous les recours pour en appeler de cette sentence sont épuisés. La Cour de cassation a confirmé les peines de mort prononcées par le tribunal correctionnel de Djeddah contre Mohamed Kohail et le Jordanien Mehanna Ezzat, jugés responsables de la mort d’un jeune ressortissant syrien, rapportait, en novembre dernier, le quotidien saoudien Al-Riyad. Son dernier appel a été rejeté au début du mois de novembre. Son dossier se trouve maintenant entre les mains du roi saoudien.
Sultan, le jeune frère âgé de 18 ans, lui aussi impliqué dans la bagarre, avait, à l’issue d’un premier procès, été condamné à 200 coups de fouet et à un an de prison. Les 200 coups de fouet pouvaient être donnés en plusieurs séances, en public ou à l’intérieur d’une prison. Décision rejetée. La partie adverse a obtenu la permission qu’il soit jugé comme adulte.
La semaine dernière, les trois mêmes juges qui ont condamné à mort Mohamed Kohail ont procédé à l’audition du procès. Sultan était mineur au moment des faits reprochés. Il risque la même sentence que son frère, Mohamed, soit la décapitation. L’enjeu est de savoir si le procès de Sultan doit être considéré comme une affaire privée ou publique. S’il est jugé d’intérêt public, Sultan Kohail pourra implorer le pardon royal. Les avocats de Sultan Kohail ont demandé que de nouveaux juges soient assignés afin d’éviter que ce dernier soit jugé par ceux-là même qui ont condamné Mohamed Kohail.
En janvier 2006, l’Arabie saoudite avait déclaré au Comité des droits de l’enfant (chargé de la mise en œuvre de la Convention des droits de l’enfant par les États) qu’aucun mineur, âgé de moins de dix-huit ans, n’avait été exécuté depuis l’entrée en vigueur de la Convention dans le royaume, en février 1996.
Les autorités saoudiennes ont exécuté au moins 158 personnes en 2007 ; parmi elles, 76 étaient de nationalité étrangère, indique Amnistie Internationale. Au moins 82 personnes, dont près de la moitié ressortissantes d’autres pays, ont été exécutées depuis le début de l’année 2008. Pour la section canadienne francophone de l’organisme, il apparaît clairement que le procès du jeune Kohail a été l’objet d’un « processus judiciaire complètement en deçà de toutes les normes internationales de présomption d’innocence, de recours à un avocat, de processus d’appel ». « En Arabie Saoudite, rien de tout ça n’est garanti », a déclaré Anne Sainte-Marie, porte-parole canadienne de l’organisme.
« Le système judiciaire de ce pays ne répond pas aux normes internationales. « Il faut insister pour que l’Arabie Saoudite réponde aux normes internationales de justice. Pour l’instant, c’est un système tellement arbitraire ! Le roi peut se lever le matin et décider de châtier ou de pardonner… Les parents des victimes peuvent effacer une sentence, moyennant une somme d’argent… Il n’y a pas de présomption d’innocence, le recours à un avocat n’est pas reconnu, même que dans certains cas les avocats sont blâmés pour avoir défendu les accusés. De plus, les aveux sont couramment obtenus sous la torture », a expliqué la porte-parole d’Amnistie.
Ce qu’il faut savoir est le fait que la procédure d’appel est très compliquée en Arabie saoudite. Le condamné pourrait payer le « prix du sang », une procédure en vertu de laquelle sa famille peut payer un dédommagement à la famille lésée. En vertu de la charia, la famille de la victime a le droit d’exiger le « Qisas » (ou châtiment équivalent au délit). Elle peut en revanche accorder son pardon sans aucune compensation ou bien exiger la « Diya » (ou prix du sang versé).
Mohamed Kohail aurait été battu dans le but de lui faire signer des aveux. La torture est une pratique courante en Arabie saoudite, où les tribunaux appliquent la loi coranique. L’avocat de Mohamed Kohail s’était vu dans l’obligation de quitter le tribunal, sous menace de voir son droit de pratique révoqué, lorsqu’il avait tenté de faire appel de la sentence de son client, rapportait Nelson Wyatt, de la Presse canadienne.
En mars dernier, le Premier ministre du Canada, Stephen Harper, avait mandaté trois hauts fonctionnaires afin de solliciter la clémence des autorités saoudiennes. Plus tôt, au cours de 2008, le gouvernement canadien avait refusé d’intervenir dans le cas de Ronald Allen Smith, originaire de l’Alberta, condamné à mort au Montana, pays du président Georges W. Bush, pour un double meurtre.
La peine de mort a été abolie au Canada en 1976. Lorsqu’un citoyen canadien est condamné à l’étranger à la peine de mort, il est de tradition que le Canada intervienne pour solliciter du pays qui a prononcé une telle sentence que cette dernière soit commuée en emprisonnement à vie. Ce qu’avait refusé de faire Stephen Harper à l’égard des États-Unis dans le cas de Ronald Allen Smith. Les conservateurs avaient alors laissé savoir qu’ils n’entendaient plus intervenir dans le cas de Canadiens reconnus coupables au terme d’un procès équitable dans un État de droit.
Toutefois, sous la pression de l’opinion publique, Sécurité publique Canada émettait un communiqué informant la population canadienne des démarches du ministre Stockwell Day qui était, les 25 et 26 mars derniers, de passage en Arabie saoudite. Monsieur Day a rencontré le Prince Mohammed bin Nayef, sous-ministre saoudien de l’Intérieur, ainsi que le Prince Muqrin bin Abdul Aziz Al Saud, le chef de la Présidence du Service des renseignements. Le ministre a fait connaître le point de vue du gouvernement canadien et il a demandé que soit effectué un examen de la décision de la magistrature saoudienne afin que soit respecté le droit fondamental de Mohamed Kohail à un procès impartial. « Nous exhortons le gouvernement saoudien à annuler la condamnation à mort », a déclaré le ministre.
Depuis, il semble que la situation n’a pas évolué très rapidement. La famille est inquiète car les délais d’exécution sont proches. Entre le 20 et le 23 décembre, des responsables canadiens se sont entretenus avec leurs homologues saoudiens. Selon Béatrice Vaugrante, directrice générale de la section francophone d’Amnistie internationale Canada, les démarches diplomatiques se font dans un contexte difficile. Selon madame Vaugrante, en entrevue à Radio-Canada, il faut encourager le gouvernement, ainsi que la population canadienne, à dénoncer le système judiciaire saoudien.
Selon la presse canadienne, la famille Kohail refuse de laisser Mohamed et Sultan admettre leur responsabilité, estimant qu’ils n’y sont pour rien dans le décès de M. al-Haraki. La famille de la victime a de son côté dénoncé l’intervention du Canada dans ce dossier et prévenu qu’aucun pardon ne sera possible tant que les deux frères n’auront pas reconnu leur culpabilité.
La famille Kohail pourrait se plier à certaines des exigences de la famille de la victime en versant une compensation financière et en présentant même des excuses publiques.
(Sources : Canoë, Presse canadienne, Radio-Canada)
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