Incident militaire franco-chinois en Mer de Chine !
L’affaire a fini par fuiter dans la presse : la marine chinoise a intercepté et refoulé un navire de guerre français qui circulait entre Taïwan et la côte chinoise début avril. La France a par ailleurs été exclue de la célébration des 70 ans de la Marine chinoise qui avait lieu ces derniers jours, et à laquelle des navires de nombreux pays étaient conviés. Les autorités françaises minimisent l’incident, mais alors, pourquoi l’avoir gardé secret jusqu’à présent ? Cet incident montre l’ineptie de la « politique chinoise » actuelle de la France. Alors que la Chine pourrait être un levier de redressement national pour notre pays.
La France a revendiqué la « liberté de navigation » et « les lois internationales ». De son côté, la Chine parle d’une « provocation » et accuse la navire français d’avoir pénétré sans autorisation dans ses eaux territoriales. La France rétorque qu’elle traverse une fois pas an la détroit de Taïwan sans incident jusqu’à présent. Mais il faut savoir que le programme « liberté de navigation » est un programme américain qui consiste à faire circuler des navires de guerre en Mer de Chine, afin de contester la souveraineté de la Chine sur un certain nombre d’îles. Les marines françaises et britanniques, bien qu’en petit nombre, participent à ce programme américain. En outre, le porte-avion Charles de Gaulle serait attendu prochainement dans la région.
Le retour de la Chine dans son aire historique...
Pour mémoire, l’île de Taïwan est revendiquée par la Chine. Cette île est restée sous le contrôle des forces nationalistes chinoises de Tchang Kai-Tchek, après la victoires des troupes communistes de Mao Tse-Dong en 1949 sur le continent. Taïwan est devenue, à l’instar du Japon ou de la Corée du Sud, une véritable « base américaine » aux portes de la Chine.
Pourtant, depuis le décollage économique de la Chine au début des années 2000, des cercles à Taïwan (comme en Corée du Sud d’ailleurs) prônent un rapprochement avec Pékin. Aussi bien pour des raisons économiques, que militaires et politiques. En effet, la Chine est devenue le partenaire et l’horizon des anciens « tigres » asiatiques, et nombre des grands capitalistes de ces pays souhaitent maintenant commercer sans entrave avec leur voisin (même si c’est moins vrai pour le Japon). A cela s’ajoute le retour d’une certaine « fierté asiatique » entrainée par la montée en puissance de la Chine : les américains apparaissent de plus en plus comme une réminiscence de la colonisation occidentale destructive, plutôt que comme des protecteur dans la lutte contre le communisme. Enfin, au plan militaire (et on l’a vu encore au moment des provocations de Trump en Corée du Nord), ces pays ne veulent pas servir de « terrain de jeu » à une guerre des américains contre le rival chinois.
De son côté, le président chinois Xi Jin Ping a appelé dans ses voeux du Nouvel An, Taïwan à rejoindre la Chine, avec un statut comparable à Hong-Kong. Il a rappelé que Taïwan a vocation a réintégrer la Chine éternelle, et que nulle puissance étrangère ne devait se mettre en travers de cette future réunification. Il n’a pas exclu l’usage de la force. Les récentes gesticulations de Trump en Corée, montrent d’ailleurs que les USA perdent peu à peu pied dans cette région, et redoutent de voir leurs anciens alliés leur tourner le dos.
La Chine est devenue (ou est en passe de devenir) la première puissance économique mondiale. Et loin de se fondre dans la mondialisation émolliente des américains, elle joue rudement et rationnellement sa propre carte. Les chinois ont de longue date la volonté de laver l’affront historique de la colonisation occidentale (dont il faut dire qu’elle fut un bel exemple de notre abjection). Aujourd’hui, la Chine développe les « Nouvelles Routes de la Soie », qui doivent relier les trois continents Asie-Europe-Afrique. Le mois dernier, Xi Jin Ping en visite en Italie a signé des accords stratégiques avec nos voisins transalpins. Il y a 10 ans, ce fut la Grèce qui entrait dans le giron chinois. Actuellement, l’Egypte (et Suez) se rapproche de la Chine. L'Allemagne de son côté a fait de Duisbourg le terminus des Routes terrestres de la Soie en Euripe. Même Israël a conclu des accords stratégiques avec la Chine, en confiant la gestion des ports de Haïfa et Ashdod aux chinois (ce qui pourrait contraindre la 6ème Flotte américains à vider les lieux).
Est-il bien sage de provoquer militairement la Chine ?
On se demande vraiment ce que la France va faire dans cette galère, en allant provoquer la Chine chez elle ? N’avons-nous pas retenu la leçon de la Syrie ? Nous n’avons aucun intérêt à nous mettre ainsi servilement à la remorque de l’Empire Américain. Surtout que cet empire sur un déclin relatif, a tendance à se radicaliser dangereusement.
Au point de vue strictement militaire, croyons-nous sérieusement avoir les moyens de nos ambitions ? Il ne suffit donc pas de provoquer la Russie dans la pays baltes ? Il faut encore provoquer la Chine à Taïwan ? Mais sommes-nous devenus fous ? A chaque porte qui se ferme est-il utile que la France y mette ses doigts ? En outre, la maigreur de nos forces militaires permet tout juste de maintenir à flot notre Défense, et nos interventions en Afrique francophone. Nous ne sommes même pas capables de défendre efficacement nos terres ultra-marines, et encore moins notre Zone Economique Exclusive (ZEE) qui est la 2ème au monde, et qui regorge de richesses susceptibles d’être pillées ! Ce serait plutôt dans cette direction qu’il faudrait développer au moins notre capacité militaire. Et certainement pas d’aller faire les zouaves en Europe de l’Est ou en Mer de Chine.
Pour une politique pro-chinoise équilibrée en France.
En France, seules deux personnalités politiques connues défendent efficacement une politique d’ouverture avec la Chine : les anciens premiers ministres Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin. Raffarin est en outre un sincère sinophile, puisqu’il a effectué son premier voyage en Chine dans les années 1970. Ils promeuvent l’un et l’autre un « axe Paris-Berlin-Moscou-Pékin » à travers l’Eurasie, et une rupture avec les puissances atlantistes.
La France a une magnifique carte à jouer, pour peu qu’elle sache changer de pied habilement. Il faut rompre avec l’axe atlantique. A plus forte raison quand on voit la manière dont les américains nous sanctionnent en Iran, ou nous entrainent dans la guerre en Russie. D’autre part, les américains entretiennent une haine larvée de notre pays et de notre culture. On sait bien à quel point Roosevelt détestait De Gaulle. La haine anti-française s’étale encore en ce moment dans le magazine américain Rolling-Stones à propos de Notre-Dame-de-Paris, qui serait le témoin d’un pays fantasmé qui n’a jamais existé (nous !). Il est grand temps que les français se réveillent ! Les américains n’ont qu’une ambition pour la France : en faire une station de loisir, une urinoir géant à la Duchamp.
Raffarin et Villepin rappellent, chacun à leur manière, combien la France a une carte merveilleuse à jouer avec la Chine. Si la France se redonne les moyens de contrôler son territoire maritime et ses ressources d’une part (la Flotte y serait mieux employée). Et d’autre part en Afrique de l’Ouest francophone, ou la France pourrait être un magnifique entremetteur entre chinois et africains. Même les américains nous ont toujours laissé jouer ce rôle dans cette région du monde. Les chinois pourraient choisir d’en faire autant, si nous savons être raisonnables et utiles.
De toutes façons les chinois investiront en Afrique francophone. Reste à savoir si ce sera avec nous ou sans nous. Il est faux de croire que la Chine ne voudrait que jouer en solo, et ne serait pas intéressée par notre alliance. Toute super-puissance a besoin d’alliés. Et la France a de magnifiques atouts à faire valoir en la matière. Notamment à travers tout le monde francophone qui est en pleine expansion démographique.
La France et la Chine en Afrique.
L’Afrique est le continent de demain. Elle se répartit principalement entre le monde anglophone et le monde francophone. Dans l’Afrique de l’Est anglophone, les chinois n’ont pas besoin de nous. D’une part ils sont déjà présents par eux-mêmes, en raison de la façade avec l’Océan indien (et ils ont d’ailleurs installé leur première base militaire à Djibouti). Et d’autre part, nous n’avons pas de relais historiques. Et les Anglais, trop liés aux américains, sont peu susceptibles de leur faciliter la tâche.
Par contre, en Afrique de l’ouest, nous avons un double avantage. D’une part c’est plus éloigné pour la chinois, et d’autre part, ils peuvent espérer « détacher » la France de l’Empire américain. Reste à monnayer notre participation. La France a conservé de puissants réseaux en Afrique occidentale, et la francophilie y est réelle. Il n’y a qu’en métropole qu’on déteste à ce point la francophonie : Macron nomme une rwandaise anglophile et francophobe à la tête de l’Organisation de la Francophonie ; et le français moyen se complait encore dans le culte de Johnny Hallyaday et de son américanisme ringard et servile. Dans le domaine Google ou Amazon, la Francophonie est en pleine dynamique : nous sommes le troisième domaine linguistique du Web après l’Anglais et l’Espagnol. En outre, la jeunesse et la vitalité de la démographie africaine assure à notre langue un avenir radieux. N’avons-nous pas compris qu’une immense partie de cette jeunesse africaine (même si elle n’a pas oublié la colonisation), garde une francophilie qui nous surprendrait ?
Par sa situation géographique, historique, militaire et linguistique, la France a une carte historique fabuleuse à jouer, et à faire valoir dans la négociation avec la Chine. Et certainement pas d’aller se mêler à des aventures militaires suicidaires à l’autre bout du monde.
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