Inévitable Renversement de situation pour l’axe Syrie-Iran-Russie ou Négociations Sérieuses de sortie de crise pour le peuple syrien
Comment comprendre cette offensive victorieuse de l’armée du régime loyaliste syrien appuyée par les forces du Hezbollah, de l’Iran et surtout l’aviation russe contre les forces de l’Armée syrienne libre (ASL) et les insurgés islamistes, ces derniers qualifiés par Damas de terroristes ?
Tout d’abord la genèse du mouvement insurrectionnel. Depuis l’irruption du « Printemps arabe », en mars 2011, que la répression sanglante du mouvement de contestation menée par Damas a abouti à une insurrection populaire et la constitution d'une Armée syrienne libre (ASL) contre le pouvoir loyaliste syrien. Le soutien occidental à l’ASL et l’afflux de candidats d'origine étrangère au djihad se soldent par la formation de nombreux groupes djihadistes islamistes. L’Armée syrienne libre dépassée, le conflit armé va s’installer dans la durée entre d’un côté l’ASL et surtout l’opposition islamiste, de l’autre le pouvoir loyaliste syrien. La guerre sera terrible entre les deux factions. Le déchirement intercommunautaire est à son comble. Dix millions de Syriens déplacés dont 4 millions à l’extérieur seront comptabilisés en 2015. Une similitude dans le schéma de contestation en Syrie et en Irak est visible. « Une opposition armée entre les alaouites, une branche proche des chiites, et les sunnites, en Syrie. Même schéma en Irak, une opposition entre sunnites et les chiites. »
Un conflit meurtrier qui occasionnera la mort de plus de 250 000 syriens entre 2011 et aujourd’hui. De mars 2011 à mars 2016, aura constitué cinq années d’une guerre innommable pour le peuple syrien devenu au sens propre du mot un peuple martyr pris en étau par les deux camps. Qui sont les deux camps ? Tout d’abord le camp insurrectionnel. Il est appuyé par les pays occidentaux, essentiellement les États-Unis et l’Europe, et par les pays monarchiques arabes, et la Turquie, tous d’obédience confessionnelle sunnite. L’autre camp, c’est l’axe Iran-Irak-Syrie-Hezbollah et récemment depuis le 30 septembre 2015, la Russie qui appuie le régime loyaliste syrien par son aviation.
- Qui perd dans le conflit syrien en cas de victoire du pouvoir de Damas sur le terrain, et à Genève ?
La question qui se pose. Pourquoi tous les conflits armés lancés par le « Printemps arabe » ont tous trouvé une fin plus ou moins définitive, alors que les conflits en Syrie et au Yémen s’enlisent. Comme d’ailleurs la situation militaire en Irak n’est toujours pas stabilisée, ce pays est toujours divisé en trois régions. Des régions gouvernées par le régime chiite de Bagdad, les régions kurdes par des Kurdes et plus ou moins rattachées au pouvoir central et enfin la plupart des régions sunnites par l’Etat islamiste (EI).
Pour comprendre la crise en Syrie comme d’ailleurs au Yémen, il faut d’abord s’interroger sur la situation de l’Irak après le retrait des troupes américaines en décembre 2011. Le pouvoir central à majorité chiite à Bagdad a crée un déséquilibre flagrant dans la représentativité du pouvoir politique et économique avec les sunnites. La partie chiite disposant de l’essentiel du pouvoir, et de surcroît disposant d’un soutien de poids, l’Iran, il n’a été accordé qu’un strapontin aux Sunnites dans le gouvernement central. Ce qui a causé « un préjudice grave à l’unité nationale ».
Quant aux Kurdes, moins mélangés aux sunnites et aux chiites, se repliant dans leurs régions du Nord, ils ont bénéficiés d’une large autonomie. S’ils sont moins touchés, c’est que le pouvoir central de Bagdad, engagé contre les Sunnites, n’a pas voulu mettre à dos les régions kurdes. Le territoire kurde était reconnu. De plus le Kurdistan irakien dispose, depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, d’un statut fédéral, d’un gouvernement régional du Kurdistan (GRK), présidé par Massoud Barzani, et surtout d'une armée composée de peshmerga, forte de 190 000 hommes (donnée de son effectif, 2015). Cette armée est aussi un rempart contre les velléités de domination de l’autorité de Bagdad. Le Kurdistan est presque indépendant de Bagdad puisqu’il exploite, commercialise et exporte son pétrole. Ce qui est différent pour les régions sunnites.
On comprend dès lors l’affrontement qui a suivi sans discontinuer entre la communauté chiite et la communauté sunnite en Irak. Les actes terroristes et représailles ne vont pas s’arrêter jusqu’à l’éclatement du « Printemps arabe », en 2011. Et c’est précisément ce déclassement des régions sunnites (Falloujah, Ramadi, Tikrit…) qui a nourri un ressentiment tel qu’il provoquera dès 2012 des troubles incalculables jusqu’à aujourd’hui. Insurrections, contre-insurrections et guerres confessionnelles mineront la légitimité du gouvernement radical à majorité chiite du premier ministre Nouri al-Maliki, et progressivement le conflit, à l’avènement du Printemps arabe s’étendra au pays voisin, la Syrie.
Les affrontements armés entre les deux communautés se généralisent, et en avril 2013, une alliance de groupes armés djihadistes entre des tribus sunnites en Irak et en Syrie aboutit à la création de l’« Etat islamique en Irak et au Levant » (EIIL ou EI), en arabe « ad-dawla al-islāmiyya fi-l-iraq wa-sham ou Daesh ». La situation sur le plan politique et militaire en Irak se retourne complètement. Le 6 mars 2014, prise de Racca en Syrie ; le 10 juin 2014, prise de Mossoul, 2ème ville d’Irak, le 29 juin 2014, proclamation du « califat » ; prise de Tikrit et de Sinjar en Syrie. Tant en Irak qu’en Syrie, les forces armées des pouvoirs centraux de Bagdad et de Damas reculent.
En Syrie, les groupes islamiques ont eux aussi affaibli les forces loyalistes, pourtant épaulées par le Hezbollah et les forces iraniennes. Il est évident que cette montée en puissance fulgurante de l’EI et des autres forces armées islamiques dont le Front al-Nosra, le doivent, en 2014, au soutien en armement massif accordé par les Occidentaux, surtout les Américains, et les pétromonarchies arabes pour qui le renforcement de l’Iran par un pouvoir chiite en Irak et un pouvoir alaouite, une branche du chiisme, équivaudrait à une menace contre les régimes monarchiques. Et c’est insoutenable pour les pétromonarchies arabes qui ont vu l’avènement de l’Iran islamiste succéder en 1979 à la monarchie pahlavi. Comme aussi c’est insoutenable pour les États-Unis, si après l’Irak dans le giron iranien, et depuis l’implication de l’aviation russe en 2015, la situation militaire en Syrie s’est renversée en faveur du pouvoir de Damas. Il est évident que l’axe Iran-Irak-Syrie-Hezbollah se renforcerait et la Russie, et la Chine à un degré moindre tirera des gains géostratégiques considérables. Qui mettront en danger l’emprise américaine sur les gisements de pétrole du Moyen-Orient, les plus grands du monde.
On comprend dès lors les enjeux qui se jouent en Syrie, et plus en Syrie qu’en Irak, d’autant plus que la Syrie a une frontière avec Israël. Un renforcement du régime loyaliste syrien et donc de l’axe Iran-Irak-Syrie-Hezbollah remettra tôt ou tard l’équilibre géostratégique de la région avec l’Etat hébreu.
« Qui perd dans ce conflit an cas de victoire du pouvoir de Damas sur le terrain et des négociations à Genève ? » Tout d’abord l’ASL et les groupes islamistes. Par conséquent les conclusions de l’accord seront en faveur de l’axe chiite et la Russie. Les États-Unis comme les Européens seront aussi les grands perdants. C’est la puissance militaire russe qui imposera ses règles comme elle l’a déjà imposée dans le Caucase, en Ossétie du Sud, en 2008, contre la Géorgie aidée par les Occidentaux. Et de nouveau en Ukraine, en annexant la Crimée en 2014, et les troubles dans la région du Donbass de l’Ukraine par les forces séparatistes pro-russes.
Pour les Américains et Européens, ce sera cinq années de guerre pour un soutien islamiste sans en retirer de gains géostratégiques acceptables.
Enfin, pour Israël et les pétromonarchies arabes, ils essuieront les conséquences les plus graves. Israël verra son hégémonie sur le Proche-Orient progressivement remise en cause, qui peut se déboucler par un « retour de manivelle », i.e. une guerre à l’intérieur et à l’extérieur de l’Etat d’Israël. Pour les pays monarchiques arabes y compris pour la république turque dont le gouvernement est islamiste, ce sera pour ainsi dire le « requiem », le début de la fin surtout pour les pays monarchiques arabes. Un affaiblissement économique doublé d’un échec militaro-diplomatique ne pourrait être encaissé sans conséquences graves. Surtout que l’action armée de la coalition menée par l’Arabie saoudite contre les houthistes yéménites, depuis mars 2015, voilà bientôt une année, n’est plus probante. L’opération « Tempête décisive » n’est plus décisive, elle s’enlise.
Même conséquence pour la Turquie dont le gouvernement est islamiste. C’est dire les conséquences graves que l’axe Occident-pays monarchiques arabes-Turquie aura à assumer en cas de victoire de l’axe iranien et ses alliés.
- Comment peut-on comprendre ce renversement de donnes depuis l’implication de l’aviation russe, en 2015, dans le conflit syrien ?
Il est évident que la situation géostratégique ne va pas se passer comme cela a été décrit en cas de victoire de l’axe russo-iranien dans la région moyen-orientale, pour la simple raison que 10 millions de Syriens qui se sont retrouvés déplacés et vécus des camps de toile des pays limitrophes ou dans des régions syriennes fuyant la zone des combats, les 250 000 morts et les milliers de morts de migrants syriens avalés par la Méditerranée, en d’autres termes tous ces sacrifices par le peuple syrien, pour retourner à la case de départ après la défaite de l’opposition syrienne au régime de Damas. L’Histoire de l’humanité ne l’accepterait pas.
Il est évident que de nouveaux rebondissements vont jouer et s’opposer à cette avancée victorieuse de l’axe russo-iranien.
Il faut seulement se rappeler l’entrée de la Russie dans le conflit syrien. En juin 2015, la situation militaire en Syrie était très préoccupante, dangereuse pour ainsi dire. « Damas était réellement menacée par les combattants islamistes. » Non seulement les forces de l’Etat islamiste mais aussi les groupes islamiques du Front al-Nosra ont considérablement affaibli les forces loyalistes, pourtant épaulées par le Hezbollah et les forces venues d’Iran.
Si la Russie s’est lancée, le 30 septembre 2015, pour la première fois par des frappes aériennes contre l’opposition islamiste en Syrie. C’est qu’elle a été obligée de desserrer l’étau sur la capitale syrienne. Damas allait être emportée par les forces islamistes adverses soutenues par les Occidentaux et les pétromonarchies arabes en hommes et en armements.
Et si la Russie a répondu favorablement à la demande officielle du président syrien Bachar al-Assad pour l’aide militaire, faite en date du 30 septembre 2015, ce n’est que pour sauver les apparences. Une guerre civile se jouait entre des Syriens contre des Syriens, et peu importe si un camp se légitime en pouvoir syrien légaliste et le camp adverse en opposition pour faire tomber la dictature alaouite. Qu’est-ce qui différencie ce camp de l’autre en faisant abstraction des forces étrangères qui ne jouent que de forces d’appoint ? Rien ! Sinon que ce sont des Syriens contre des Syriens.
Dans un article « Poutine justifie ses raids contre les rebelles », Le Monde, du 12 octobre 2015, la Russie déclare : « Les opérations militaires russes en Syrie ont été lancées dans le but de « stabiliser l’autorité légitime » du gouvernement syrien qui était menacé. Dans un entretien diffusé sur la première chaîne de télévision russe, dimanche 11 octobre, Vladimir Poutine a justifié les frappes aériennes entreprises par son aviation sur le territoire syrien depuis le 30 septembre par le fait que le président Bachar al-Assad est « pratiquement en état de siège » face à des combattants « au bord de Damas », qui « n’ont aucun désir de négocier ». Le chef du Kremlin avait tenu le même discours lors de son tête-à-tête avec François Hollande, à Paris le 2 octobre : le pouvoir syrien, avait-il alors affirmé, est sur le point de tomber. »
Il ne peut pas être plus clair que les Russes ne bombardent pas l’opposition pour l’amour du régime loyaliste syrien, ou pour Bachar al-Assad, mais bombardent l’opposition pour l’amour de la Russie, i.e. les intérêts géostratégiques dans la région qui dépassent le port de Tartous. Celui-ci n’est qu’un élément de l’échiquier.
Que constate-t-on dans ce renversement de forces ? Le même processus a joué comme ce qui s’est passé pour la montée en puissance de l’Etat islamique en Irak et au Levant, en 2014 ? En quelques mois, la communauté sunnite a renversé l’équilibre de puissance, et cela grâce au formidable appui occidental et des pays du Golfe. L’EI, puissamment armé, a repris de nombreuses villes essentiellement à majorité sunnite. Malgré les milliers de frappes aériennes de la coalition occidentale soutenue par les monarchies arabes, le Daesh a continué d’avancer et d’élargir son territoire.
De même, pour le pouvoir loyaliste de Damas, en quatre mois de bombardements aériens russes sur l’opposition syrienne, et la reprise de l’armée loyaliste, les régions tenues par les forces adverses sont en train de tomber une à une. Aujourd’hui, en février 2016, c’est au tour de la capitale économique de la Syrie, Alep.
Comment peut-on comprendre ce renversement de donnes ? Sera-t-il déterminant pour les événements à venir surtout pour les négociations à Genève qui ont commencé en janvier 2016, et reporté pour février 2016. Il est évident que le report tacite par les deux camps est simplement d’ordre tactique. Ni le camp qui va de victoire en victoire ni le camp adverse qui perd sur le terrain ne cherche à endosser le clash des négociations, et tous invoquent que les conditions ne sont pas réunies pour trouver un accord. Le pouvoir syrien loyaliste invoque la présence de terroristes comme d’ailleurs la Russie qui se trouve très montée par les gains de ses raids aériens, l’autre partie invoque les crimes contre l’humanité du pouvoir de Damas, des localités encerclées se trouvent sans eau et sans nourriture. Telle est la situation aujourd’hui tant sur le plan diplomatique que militaire.
- Le choix pour la Russie en Syrie, entre des négociations véritables et l’arrêt de l’effusion de sang ou un « Deuxième Afghanistan »
Certes, la Russie, l’Iran et le pouvoir loyaliste syrien ont renversé la situation militaire sur le terrain et entendent tirer au maximum des gains politiques. Mais ce que la Russie oublie, c’est qu’elle n’est pas en Ossétie du Sud ou en Ukraine avec des populations russophobes. La Russie s’est cassé les dents en Afghanistan, y compris les États-Unis en Irak. D’autre part, remporter une victoire par les bombardements, par l’encerclement de populations entières soumises au feu de l’adversaire mettront toujours de la défiance. Ce qui veut dire qu’il n’y aura pas conquête des cœurs du peuple syrien dans les territoires perdus par le pouvoir. Et regagner pouvoir par la force, fera de Damas un pouvoir toujours oppresseur, y compris la Russie qui bombarde par air, et ne prend pas en considération les populations, et ne limite pas son action et fait taire les armes aujourd’hui puisqu’elle a pu sauver le régime de Damas et en même temps redorer le blason de l’Iran, en tant que chef de file du courant chiite.
Est-ce que la Russie poursuit une cause juste dans cette guerre en Syrie ? Elle l’a certes été au départ dès son entrée en guerre en Syrie, le 30 septembre 2015. On peut s’imaginer ce qui serait résulté pour les populations syriennes alaouites si les islamistes avaient pris Damas. Et les massacres qui se seraient suivis par vengeance ou pour faire le vide sur des populations sans défense et une armée syrienne en débâcle. Il est évident que le peuple syrien alaouite a aussi un droit d’existence comme toutes les autres branches ethniques en Syrie.
Mais, la Russie comme le pouvoir de Damas sont en train de répéter les mêmes erreurs que les pays occidentaux et leurs alliés les pays monarchiques du Golfe lorsque la menace des islamistes se précisait sur la capitale syrienne en 2015. Non seulement l’arrêt d’effusion de sang ne va pas s’arrêter, mais l’Iran qui a retiré un gain considérable avec l’accord sur le nucléaire passé avec les grandes puissances, et la fin des sanctions internationales, entend profiter de cette double victoire pour se poser désormais en puissance régionale qui compte dans la région. Dans les capitales sunnites du Golfe, la menace iranienne fait passer au second plan la lutte contre Daesh et les alliances politiques ou économiques avec les pays occidentaux.
Que va-t-il se passer avec cette escalade qui se poursuit sinon d’attiser la polarisation confessionnelle dans le Golfe et d’intensifier la guerre en Syrie que l’Iran et l’Arabie Saoudite non par procuration comme elles l’ont toujours fait à quelques exceptions près mais en dépêchant directement leurs forces en Syrie ? Et l’Arabie saoudite a annoncée déjà la couleur. Dans l’article du figaro du 04 février 2016, « L’Arabie Saoudite prête à envoyer des troupes au sol en Syrie », il est dit que « Ryad participerait aux opérations terrestres si la coalition le décide. Parallèlement, la Russie suspecte la Turquie de préparer une intervention militaire en Syrie, ce qui marquerait un nouveau tournant dans la guerre menée contre Daech. La coalition pourrait entrer dans une nouvelle ère dans la guerre qu'elle mène contre l'État Islamique. Riyad a en effet annoncé que le gouvernement était prêt à envoyer des troupes au sol pour combattre État islamique, si la coalition le décide. « Le royaume est prêt à participer à des opérations au sol que la coalition (contre Daech) peut accepter d'effectuer en Syrie », a déclaré lors d'une interview à Al- Arabiya, le porte-parole militaire du Royaume. […] Parallèlement, l'armée russe a affirmé ce jeudi avoir « des raisons sérieuses » de croire que la Turquie prépare une « intervention militaire » en Syrie voisine, invoquant l'interdiction la veille par Ankara du survol de son territoire par un avion de reconnaissance russe. « Nous avons de sérieuses raisons de soupçonner une préparation intensive de la Turquie pour une intervention militaire sur le territoire d'un État souverain : la Syrie », a indiqué le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général Igor Konachenkov, dans un communiqué. »
Il est clair que telle annonce qui émane de l’Arabie Saoudite ne peut être proclamée « que si elle a l’onction des États-Unis ». D’autant plus que l'Iran a envoyé des troupes au sol pour aider le régime politique de Bachar-al Assad. La question qui se pose : « Est-ce un coup de bluff pour pousser les Russes à mettre fin aux bombardements aériens et de pousser le pouvoir de Damas de mettre fin à l’effusion de sang et donc de s’entendre rapidement pour un cessez-le-feu, d’ouvrir des corridors pour l’acheminement d’aides humanitaires onusiennes aux populations assiégées ? » Non, la situation est extrêmement grave en Syrie, plus grave qu’en Irak.
Ce n’est pas un coup de bluff, on peut même dire que cette sortie de l’Arabie saoudite s’apparente à un ultimatum. La Russie et le régime de Damas ont le choix de négocier sur des bases réalistes en tenant compte de la réalité du terrain et de l’aspiration du peuple syrien dans sa globalité ou pousser de nouveau à la guerre avec cette fois l’implication de nouvelles forces extérieures, et si les forces au sol ne suffisent pas, l’opposition syrienne sera armée d’armements anti-aériens qui jusque-là, les États-Unis en entente avec la Russie, les ont prohibés pour avoir les mains libres pour influer sur le conflit syrien.
Il est évident que le conflit en Syrie est arrivé à un tournant, que l’on peut définir par « Ou ça passe, ou ça casse ». Pourquoi cette résolution à la fois occidentale « non dite » et annoncée par l’Arabie saoudite mais que l’on peut imaginer dans l’esprit des décideurs américains et aussi saoudiens ? Si la Russie impose ses vues dans les négociations sur la Syrie et arrive à avoir gain de cause, c’est toute la crédibilité des États-Unis et de l’Europe qui part en l’air. Ce n’est pas seulement un déclin, c’est la fin d’une domination de l’Amérique sur le monde, avec des conséquences graves non seulement sur le plan militaire, y compris le rôle de l’OTAN, mais aussi sur le plan économique, financier et monétaire. Quant à l’Arabie saoudite, de puissance régionale, elle deviendra un nain régional. On comprend dès lors que l’Arabie Saoudite joue son destin dans le conflit syrien, y compris les autres monarchies arabes.
Toutes les années de guerre en Syrie seraient un cuisant échec pour les peuples sunnites. L’Irak serait de nouveau pacifié au profit du gouvernement majoritaire chiite. Et c’est la raison pour laquelle ce qui va survenir en 2016 va complètement changer les donnes, et quel que soit le choix de la Russie, il sera positif pour le peuple syrien et pour le monde.
Il est de l’intérêt de la Russie de trouver avec les États-Unis le meilleur deal pour mettre fin à cette guerre qui n’a que trop duré. Et le problème n’est pas « des milliers de forces spéciales saoudiennes qui pourraient être déployés, probablement en coordination avec la Turquie », selon les sources saoudiennes confirmé au Guardian (Figaro du 04. 02.2016), mais les centaines de milliers de sunnites venant de tous les pays musulmans. Ce qui transformera le conflit syrien pour la Russie en « Deuxième Afghanistan » et cette fois étendu à ses alliés chiites.
Medjdoub Hamed
Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
www.sens-du-monde.com
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