Intervention française au Mali : espoir pour le Congo ?
La France a finalement pris ses responsabilités. En intervenant militairement au Mali, elle rompt le confort de la politique du laissez-faire qui fait le lit des tragédies et des désordres récurrents en Afrique. Lorsque les autorités d’un pays ne peuvent plus, ni protéger leurs populations ni préserver l’intégrité du territoire national, il est de la responsabilité d’une « grande puissance » d’intervenir pour éradiquer la propagation de l’anarchie, les agressions contre la population et le péril des « régimes dangereux » (ex. les talibans). Du coup, les Maliens se remettent à espérer. Leur pays sera « sauvé ».

Une perspective qui contraste avec l’angoisse qui déchire le cœur d’un autre peuple sur le Continent, le peuple congolais. Depuis 1996, le Congo est menacé de balkanisation par le Rwanda et l’Ouganda à l’origine des guerres répétées d’agression, de terribles souffrances infligées aux populations et de la politique internationale du laissez-faire. La ferme réaction de Paris face à la situation du Mali fait naturellement espérer qu’enfin une grande puissance refuse de s’accommoder de la banalisation des anarchies.
Dans son discours au sommet de la francophonie à Kinshasa, le Président Hollande avait promis d’œuvrer pour l’intégrité des deux pays : le Mali et la République Démocratique du Congo[1]. Au Mali, on peut dire qu’il est en train de tenir sa promesse. Au Congo, les populations continuent d’espérer l’arrivée des troupes françaises, seule force capable d’obliger le Rwanda et l’Ouganda à cesser d’agresser le Congo (voir rapports de l’ONU) et massacrer sa population sous la bannière des « rebellions » fantoches (M23, CNDP, RCD, AFDL,…). Des agressions dont le bilan, six millions de morts, suffit à rendre injustifiables. Mais elles se poursuivent, comme en témoigne l’attaque sur Goma du 20 novembre 2012 par l’armée rwandaise, soit un mois après le discours de François Hollande à Kinshasa dans lequel il martelait que « les frontières de la RDC sont intangibles et qu’elles doivent être respectées. »[2]
La République Démocratique du Congo se trouve ainsi dans une situation beaucoup plus désespérée que celle du Mali, et seule une armée aussi respectée que l’armée française peut mettre un terme aux guerres récurrentes d’agression, de massacres, de viols et de pillage qui dévaste la partie Est du pays et menace son intégrité. Les groupes armés qui endeuillent, aussi bien le Nord du Mali (Ansar Dine) que l’Est du Congo (M23) ont en commun d’être unanimement décriés par la communauté internationale au vu des crimes dont ils se rendent coupables contre la population et de l’anarchie qu’ils propagent dans les deux pays. Il serait dès lors tout à fait cohérent que la France soit encouragée à intervenir dans les deux pays, l’un après l’autre.
Bien entendu, Paris n’a pas vocation à régler tous les problèmes de sécurité en Afrique. Il s’agit juste de relever que le Mali et la RD Congo sont actuellement les deux crises majeures du Continent, et que les dirigeants africains, seuls, ne sont plus en capacité de leur trouver un quelconque dénouement.
Etant donné que les combats menacent de reprendre à tout moment, dans l’Est du Congo (enlisement des pourparlers de Kampala), avec leurs lots de massacres, de viols, de pillage et de déplacements forcés des populations, il serait difficilement concevable que la France rapatrie ses troupes d’Afrique et abandonne les populations du Kivu à la merci des agressions rwando-ougandaises et des groupes armés aux ordres des deux pays.
Au-delà du volet militaire
Il faut bien se rendre à l’évidence : il faut engager parallèlement une action politique pour aider le Mali à rebâtir sa capacité de gouvernance dès la fin des opérations militaires. Une victoire militaire sur les islamistes ne suffira pas à mettre le Mali à l’abri.
Il faudra envisager le même type d’engagement en deux volets (militaire et politique) en cas d’intervention au Congo. Les deux pays sont avant tout deux Etats qui se sont « effondrés ». Le Mali ne s’est jamais remis du coup d’Etat foireux de mars 2012. Au Congo, les tombeurs de Mobutu, seize ans après, n’ont jamais réussi à bâtir un véritable Etat. Le pays est si fragile, sur le plan institutionnel, que seuls les casques bleus et les ONG tentent d’empêcher sa désintégration.
L’armée congolaise, tout comme l’armée malienne ne sont pas en mesure de protéger la population et le territoire national (chute de Goma déserté par l’armée congolaise, chute des villes maliennes du Nord désertées par l’armée).
Ainsi, malgré elle[3], la France pourrait aujourd’hui n’être qu’à l’aube d’un engagement « condamné » à durer sur le Continent Noir. Les armées des deux pays se sont effondrées parce que les deux pays souffrent d’insuffisances structurelles en matière de gouvernance. Il va falloir œuvrer pour qu’ils se dotent d’un personnel politique suffisamment fort pour maintenir le contrôle du territoire national et ainsi consolider les acquis de l’intervention armée, faute de quoi, tout le travail que l’armée française aura abattu dans les prochaines semaines sera, au mieux, vite oublié, au pire, à refaire.
Chantage et anticolonialisme
Reste le discours, souvent trop facile, du refus de l’impérialisme ou du néocolonialisme. Il pourrait même surgir là où on ne l’attend pas. Avant sa mort, Ben Laden avait appelé les populations d’Afrique à se soulever contre l’Occident. Les djihadistes du Nord du Mali n’hésiteront pas à faire feu de tout bois en soulevant des populations contre la présence de l’Occident en « terre d’islam ».
Au Congo, le désordre profite à tellement de monde (voir document de la télévision kényane) qu’il serait bien naïf d’espérer y mettre un terme sans froisser de juteux intérêts occultes. C’est la principale différence d’avec le Mali. En effet, au Mali, la France intervient à la demande du Président malien. Le genre de demande que Joseph Kabila ne risque pas de formuler. Le déploiement des troupes françaises dans l’Est du Congo risquent de mettre en mal les étonnantes « bonnes relations » que le Président congolais entretient avec les régimes de Paul Kagamé (Rwanda) et de Yoweri Museveni (Ouganda). Deux pays qui pourtant agressent le Congo à répétition. Le genre d’étrangetés qu’on découvre en essayant de comprendre la guerre du Congo. Il faut pourtant agir pour aider les casques bleus à protéger la population et l’intégrité du Congo, et aider le pays à se doter d’une nouvelle gouvernance. C’est un appel formulé sans relâche par les Congolais qui réclament le retour de l’armée française depuis le succès de l’opération Artémis[4] en été 2003. Autrement on laisse faire et on s’accommode de la dérive des pays et la détresse des peuples qui, pourtant, aidés aujourd’hui à sortir de leurs marasmes, deviendraient dans un proche avenir des alliés stratégiques de l’Hexagone, aussi bien sur le plan économique (RD Congo – énormes potentialités économiques) que sur le plan sécuritaire (Mali - lutte contre l’islamisme dans le Sahel).
Boniface MUSAVULI
[3] François Hollande s’était souvent prononcé contre les interventions militaires en Afrique.
[4] En été 2003, l’armée française est intervenue dans la province congolaise d’Ituri (Nord-Est). En quelques semaines, les commandos français avaient stoppé les massacres interethniques entre Hema et Lendu, ce qui permit de neutraliser de nombreux seigneurs de guerre. L’un d’eux, Thomas Lubanga, a été condamné pour crimes de guerre par la CPI le 14 mars 2012.
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