Iran : les conséquences du plan Cheney
Je vous ai traduit ici un très bon article d’un journaliste du quotidien israélien Gush Shalom. Les commentaires sont de l’auteur de l’article, un israélien, mais les conclusions peuvent aussi être appliquées dans un cadre plus général.
Et quoi de neuf pour l’Iran ?
Pour Gush Shalom :
Uri Avnery, 30 septembre 2007.
Un respectueux journal américain écrivait cette semaine : le vice-président Dick Cheney, roi des Faucons, a pensé à un plan machiavélique pour une attaque sur l’Iran.
Le point principal serait un bombardement des installations iraniennes par Israël, l’Iran riposterait en lançant ses missiles sur Israël, ce qui servirait de prétexte aux Américains pour attaquer l’Iran.
Tiré par les cheveux ? Pas vraiment. Cela ressemble assez à ce qui se produisit en 1956. La France, Israël et la Grande-Bretagne avaient planifié une attaque secrète sur l’Egypte en vue de virer Gamal Abd al Nasser. Il fut entendu que les troupes israéliennes se grouperaient près du canal de Suez et le conflit qui en résulterait servirait de prétexte aux Français et Anglais pour la « sécurisation » de la zone du canal de Suez. Ce plan fut mis en application (et fut un vrai fiasco).
Que nous arriverait-il si nous suivions les plans de M. Cheney ? Nos pilotes risqueraient leurs vies en essayant de bombarder les installations très surveillées des Iraniens puis une pluie de missiles iraniens viendraient s’abattre sur nos villes. Des centaines ou peut-être des milliers de personnes seraient tuées. Tout ça pour donner un prétexte aux Américains d’attaquer l’Iran.
Est-ce que le prétexte tiendrait ? En d’autres termes, est-ce que les Américains sont forcés d’entrer en guerre à nos côtés si la guerre est déclenchée par nos troupes ? En théorie, la réponse est oui. Les accords actuels entre les Américains et Israël définissent que l’Amérique doit venir en aide à Israël dans n’importe quelle situation de guerre - quel que soit le pays déclencheur.
Y a-t-il des preuves pour confirmer cette fuite ? Difficile à dire. Mais cela conforte la suspicion selon laquelle une attaque sur l’Iran est plus imminente que ne l’imaginent les gens.
Est-ce que Bush, Cheney & Co veulent réellement attaquer l’Iran ?
Je ne sais pas, mais ma suspicion selon laquelle ils le souhaitent s’agrandit.
Pourquoi ? Parce que GW Bush
approche de la fin de son mandat. Si cela finit ainsi, regardez, il sera
connu comme un vraiment très mauvais - sinon le pire - président des annales de
la République. Son exercice a commencé avec la catastrophe des Twin Towers, qui
discrédita les services d’intelligence, et se terminerait avec le fiasco en
Irak.
Il ne lui reste qu’un an pour faire quelque chose d’impressionant et sauver son nom dans les livres d’histoire. Dans une telle situation, les leaders tendent à regarder du côté des aventures militaires. En regard des traits de caractères du personnage, l’option militaire devient soudainement très effrayante.
Il est vrai que l’armée américaine est placée en Irak et en Afghanistan. Pourtant,
même les gens comme Bush et Cheney ne peuvent pas rêver, en ce moment,
d’envahir un pays grand comme 4 fois l’Irak et trois fois sa population.
Mais peut-être que les va-t-en-guerre soufflent à l’oreille de Bush : « de quoi avez-vous peur ? Pas besoin d’invasion. Juste assez pour bombarder l’Iran, comme nous avons bombardé la Serbie ou l’Afghanistan. Nous utiliserons les meilleures bombes et les missiles les plus sophistiqués contre deux mille cibles ou plus, afin de détruire non seulement les installations nucléaires iraniennes, mais aussi leurs installations militaires et leurs batiments gouvernementaux. » Et alors nous les « renverrons à l’âge de pierre », comme a dit un général américain au sujet du Vietnam ou « nous les ramènerons vingt ans en arrière », comme a dit le général de l’Air Force israélienne Dan Halutz au sujet du Liban.
C’est une idée tentante. Les Américians utiliseraient uniquement leur puissante Air Force, les missiles en tous genres et leurs super avions de chasse qui sont déjà déployés dans le Golfe persique. Et tout cela peut être envoyé à l’action en très peu de temps à n’importe quel instant. Pour un président raté qui approche la fin de son mandat, l’idée d’une guerre facile et courte doit être très attractive. Et ce président a déjà montré par le passé comme il avait du mal à résister à ce genre de tentations.
MAIS cette opération sera-t-elle vraiment si aisée ? Un « piece of cake » comme disent les Américains ?
J’en doute.
Même les “petites” bombes tuent. Les Iraniens sont un peuple fier, résolu et
très hautement motivé. Ils soulignent qu’ils n’ont pas attaqué un seul pays
depuis 200 ans, mais en l’espace des 8 ans de guerre Iran-Irak, ils ont
amplement prouvé leur détermination à se défendre lorsqu’ils sont attaqués.
Leur première réaction à une attaque américaine sera de fermer le Détroit
d’Hormuz, l’entrée du Golfe. Ceci aura pour conséquence de bloquer la majeure
partie de l’approvisionnement en essence du monde et causera une crise
économique mondiale sans précédent. Pour rouvrir le canal (si c’était
possible), l’armée américaine devrait alors capturer et occuper de larges parties du
territoire iranien.
La guerre courte et facile deviendrait vite longue et dure. Qu’est-ce que
cela signifierait pour nous autres en Israël ?
On peut à peine douter que l’Iran répondrait à une attaque comme il l’a
promis, en nous bombardant avec ses
roquettes, spécialement préparées pour l’occasion. Cela ne mettrait pas en
danger l’existence d’Israël, mais sera loin d’être plaisant.
Si l’attaque américaine se transforme en une longue et rude guerre, et si le
public américain le ressent comme un désastre (comme c’est le cas pour l’Irak),
certains reporteront sûrement le blâme sur Israël. Ce n’est pas un secret que
le lobby pro-Israël et ses alliés - les néo-cons (la plupart juifs) et chrétiens sionnistes - sont en train de pousser les Etats-Unis vers cette guerre,
comme ils l’ont fait pour l’Irak. Pour la diplomatie israélienne, les gains
espérés d’une telle guerre se changeraient rapidement en énormes pertes, pas
seulement en Israël, mais également pour la communauté juive américaine.
Si le président Mahmoud Ahmadinejad n’existait pas, le gouvernement
israélien l’aurait inventé.
Il a à peu près tout ce qu’on peut espérer de l’ennemi parfait. Il est
grande gueule et même un peu vantard. Il adore créer des scandales. C’est un
négationniste de l’Holocauste qui prophétise qu’Israël va
« disparaître de la carte »
(même s’il n’a jamais dit, comme souvent faussement reporté, qu’il voulait
la destruction d’Israël).
Cette semaine, le lobby pro-israélien a organisé une grande manifestation
contre sa venue à New York. Cet événement remporta un grand succès - pour
Ahmadinejad. Il a ainsi réalisé un de ses rêves : devenir le centre de
l’attention mondiale. Il lui a été donnée l’occasion de crier ses arguments
contre Israël -certains outrageux, d’autres valides - devant une audience
mondiale.
Mais Ahmadinejad n’est pas l’Iran. Il est vrai qu’il a remporté des élections populaires, mais l’Iran est comme les partis orthodoxes en Israël : ce ne sont pas leurs politiciens qui comptent, mais leurs rabbins. Le leadership de la religion chiite prend les décisions et commande les forces armées, et ce corps n’est ni fanfaron ni vociférant et n’aime pas les scandales. Il exerce avec beaucoup d’attention.
Si l’Iran était si pressée d’avoir la bombe atomique, il aurait agi en
silence et ferait profil bas (comme l’a fait Israël). Les élucubrations d’Ahmadinejad
viendraient troubler ces efforts plus que n’importe quel ennemi de l’Iran.
Il est très déplaisant de penser à une bombe atomique entre les mains des Iraniens (et même dans d’autres mains). J’espère que cela sera empêché par des restrictions et/ou des sanctions.
Mais même si cela advenait, ce ne serait pas la fin du monde, et même pas la fin d’Israël. Dans cette région, plus qu’ailleurs, la force de dissuasion d’Israël est immense. Même Ahmadinejad ne risquera pas un « échange dames » - la destruction de l’Iran contre celle d’Israël.
Napoléon disait que pour comprendre la politique d’un pays, il faut regarder une carte.
Si nous le faisons, nous verrons qu’il n’y a pas de raison objective de guerre entre Israël et l’Iran. Au contraire, pendant longtemps, il fut d’usage à Jérusalem que les deux pays étaient alliés naturels.
David Ben Gurion plaida une “alliance de la périphérie” . Il était convaincu
que le monde arabe entier était l’ennemi d’Israël, et que, pour cela, des
alliés devaient être trouvés aux frontières du monde arabe - Turquie, Iran,
Ethiopie, Chad, etc. ( il chercha également des alliés à l’intérieur du monde
arabe - communautés non sunnites comme les Maronites, les Copts, les Kurdes,
les Chiites, etc).
Au temps du Chah, des liens étroits existaient entre l’Iran et Israël, certains positifs, d’autres négatifs, et certains carrément sinistres. Le Chah aida à la construction d’un pipeline qui va de Eilat à Askelon, afin de transporter le pétrole iranien jusqu’à la Méditerranée, court-circuitant le canal de Suez. Les services secrets israéliens (Shabak) formèrent leurs très redoutés collègues iraniens (Savak). Ainsi Israéliens et Iraniens agirent ensemble pour sauver les Kurdes irakiens de l’oppression arabe.
La révolution de Khomeyni n’a pas, au début, mis fin à cette alliance, mais
l’a simplement placée en sous-terrain. Pendant la guerre Iran-Irak, Israël a
fourni des armes à l’Iran en se fondant sur la présomption que quiconque
guerroit avec les Arabes est notre ami. Dans le même temps, les Américains
fournissaient des armes à Saddam Hussein - une des rares fois dans l’Histoire
où une divergence claire se fit jour entre Washington et Jérusalem. Ceci fut réglé
dans l’affaire Iran-Contra, quand les Américains aidèrent Israël à vendre des
armes aux Ayatollahs.
Aujourd’hui, une bataille idéologique anime les deux pays, mais surtout à un niveau rhétorique et démagogique. J’ai
envie de dire qu’Ahmadinejad se fout du conflit israélo-palestinien, qu’il l’utilise
uniquement pour se faire des amis dans le monde arabe. Si j’étais Palestinien,
je ne compterais pas trop là-dessus. Tôt ou tard, la géographie sera modifiée et
les relations israélo-iraniennes retourneront à ce qu’elles étaient - espérons
sur de bien meilleures bases.
Une chose que je suis prêt à prédire avec confiance : quiconque partirait en guerre contre
l’Iran aura à le regretter. Certaines aventures sont faciles à commencer,
mais difficiles à en sortir.
Le dernier qui l’a expérimenté fut Saddam Hussein. Il pensa que ce serait
un jeu d’enfant ; après tout, Khomeyni avait fait assassiner la plupart
des officiers et surtout les pilotes de l’armée du Chah. Il pensa donc qu’une
attaque irakienne rapide serait suffisante pour déclencher la fin de l’Iran.
Il eut huit ans de longue guerre pour le regretter.
Les Américains et nous-mêmes pourrions bientôt comprendre que la boue de l’Irak
est de la crème chantilly à côté du bourbier iranien.
GUSH SHALOM p.o.b. 3322
Tel Aviv 61033
Traduction : Jean Tafazzoli.
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