Islande, la peur du vide
La question de l’adhésion à l’Islande à l’UE, jusqu’à alors exclue par les différentes forces de l’échiquier politique a été mise à l’ordre du jour au lendemain de la crise financière de l’automne 2008 : les trois premières banques du pays (Landbanski, Glitnir et Kauphting) ont dû être nationalisées faute de liquidités, les taux d’intérêt se sont élevés à plus de 20% et la couronne islandaise a perdu la moitié de sa valeur par rapport à l’euro.
Aujourd’hui, les conservateurs du Parti de l’Indépendance comme les sociaux-démocrates en passant par le Mouvement Vert de Gauche se sont accordés sur la nécessité d’adopter la monnaie unique afin de subir moins sévèrement une telle crise financière. Cependant, le premier et le troisième souhaiteraient négocier avec Bruxelles une adoption de l’euro sans adhésion, malgré un premier refus catégorique.
Une indépendance chèrement acquise
L’adhésion à l’UE ne rencontre effectivement guère d’opinions positives. Le référendum, qui tranchera la question à l’issue des négociations d’adhésion risque d’être particulièrement disputé. Ce relatif eurosceptisme est à mettre sur le dos du caractère insulaire de la société islandaise : la faute à une histoire trouble qui a donné un caractère si cher et si précieux à la notion d’indépendance.
Effectivement, depuis sa fondation en 930, l’Islande, l’"Ile de Glace" n’a connu que 397 années de souveraineté pour 682 d’occupation étrangère ! La Norvège a pris le contrôle de l’île de 1262 à 1383, date où l’Union de Kalmar (rassemblement de la suède, de la norvège et du danemark) s’est formée, laissant place au Royaume de Danemark-Norvège puis le Royaume du Danemark à partir de 1814 avant que les Britanniques et les Américains n’occupent l’Islande dès 1940 jusqu’à la déclaration d’indépendance de 1944.
L’Islande craint de voir sa souveraineté entamée...
On comprend via ce bref historique l’importance qu’accorde l’Islande à l’indépendance et à la souveraineté. Or, face aux prérogatives accrues de l’Union dans nombre de domaines, le spectre du fédéralisme inquiète la toute jeune islande. De plus, au vu de sa faiblesse démographique (avec 320 000 habitants, la population islandaise représente moins de 0,06% de la population européenne), l’Islande craint d’être marginalisée au sein de l’Union.
Le risque de voir l’anglais gagner en importance au profit de l’islandais inquiète également un pays où la conservation du patrimoine linguistique possède une signification toute particulière. Les invasions étrangères ont en effet entravé une modernisation de l’islandais, la population ayant recours à des introductions de mots étrangers (danois principalement), dégradant de facto la pureté de l’islandais, musée linguistique à part entière puisque n’ayant subi que très peu de modifications depuis le XIIème siècle ! Afin d’éviter de nouvelles introductions de mots étrangers, les gouvernements successifs ont donc mis en place des commissions de terminologie qui assurent la perpétuelle modernisation et la pureté de la langue islandaise .
...et la santé du secteur halieutique déchoir
Mais au-delà de ces aspects historiques et affectifs l’adhésion de l’Islande à l’Union Européenne rencontre des problématiques moins superficielles. Effectivement, la crise économique ayant mis à plat le système bancaire, la pêche est redevenu le premier secteur d’activité. Or, les conditions d’adhésion à l’UE exigent la libre circulation des navires communautaires au sein des espaces maritimes nationaux, permettant ainsi aux 27 états membres d’accéder aux ressources halieutiques islandaises. De plus, les quotas drastiques imposés par Bruxelles ne réjouissent guère les Islandais, qui seraient également contraints de cesser la pêche de baleines.
Cependant, ce point litigieux sera a priori le seul et unique à enrayer le bon déroulement des négociations, les conditions économiques, budgétaires et financières étant d’ores et déjà respectées pour l’Islande, adhérente à l’Espace Economique Européen. Quoi qu’il en soit, l’insularité conjuguée au fort ressentiment national islandais et les conditions sévères fixées par Bruxelles nous empêchent à l’heure actuelle de présenter l’Islande comme le 28ème état européen...
Retrouvez cet article et cet auteur sur Le Nouvel Hebdo.com, le blog d’Alex Joubert.
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