Transcription annotée d’un débat tenu le 17 mai 2011 sur RFI au sujet des droits des homosexuel/le/s en Afrique entre Charles Gueboguo, sociologue camerounais, Jann Halexander, réalisateur et chanteur franco-gabonais, président de la commission culturelle de Tjenbé Rèd Prévention, et Alice Nkom, avocate camerounaise, fondatrice de l’Adéfho
- - -
Rivière-Pilote - Yaoundé - Paris, lundi 22 août 2011
- - -
Le 17 mai dernier, en direct sur RFI (Radio France Internationale), trois acteur/e/s de la lutte contre les homophobies en Afrique et parmi les populations originaires d’Afrique échangeaient leurs points de vue lors d’une émission animée par Jean-François CADET : « Droits des homosexuels en Afrique : où en est-on ? » [1]. Il s’agissait des personnes suivantes :
Charles GUEBOGUO, sociologue, spécialiste de la question de l’homosexualité en Afrique, auteur de : « La question homosexuelle en Afrique : le cas du Cameroun » (éditions L’Harmattan) [2] ;
Jann HALEXANDER, réalisateur et chanteur franco-gabonais [3], président de la commission culturelle de l’association Tjenbé Rèd Prévention (Association de prévention des racismes, des homophobies & du sida issue des communautés afro-caribéennes) [4] ;
Me Alice NKOM, avocate camerounaise et fondatrice de l’Adéfho (Association de défense des homosexuels) [5].
Voici la transcription intégrale et annotée de leurs échanges, particulièrement éclairants - quelques menues anacoluthes étant amendées [entre crochets] avec l’accord de leurs auteur/e/s.
* * *
00:00 | JEAN-FRANÇOIS CADET - Ce soir, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, [nous parlerons] des droits des homosexuel/le/s en Afrique : [proposition] de loi anti-homosexualité en Ouganda (même si son examen a été repoussé sine die), viols « correctifs » [sic] de lesbiennes en Afrique du Sud, arrestations au Cameroun ou encore au Sénégal... Le sujet est régulièrement au cœur de l’actualité. Où en est-on ? Comment considère-t-on les homosexuel/le/s sur le continent ? Avec nous, trois invité/e/s : Maître Alice Nkom, avocate camerounaise, fondatrice de l’Adéfho (Association de défense des homosexuels), en ligne de Yaoundé [au Cameroun] ; en ligne des États-Unis [d’Amérique], le sociologue Charles Gueboguo, [auteur de] : « La question homosexuelle en Afrique : le cas du Cameroun » (aux éditions L’Harmattan) et à mes côtés en studio [à Paris] le chanteur et réalisateur franco-gabonais Jann Halexander. La cause homosexuelle [est-elle] en train de progresser en Afrique ?
00:58 | JANN HALEXANDER - Indéniablement mais au lieu d’employer le mot de cause, il faudrait plutôt employer [celui de] sécurité [qui renvoie à] l’idée que des gens qui ne sont pas hétérosexuel/le/s ont le droit de vivre comme les autres et ne soient pas harcelé/e/s, tué/e/s, persécuté/e/s, violé/e/s...
* * *
« Il ne fait pas bon être homosexuel en Afrique,
on apprend des choses absolument horribles
contre lesquelles il faut qu’on se mobilise »
(Me Alice Nkom)
* * *
01:17 | JFC - Vous parlez de sécurité : cela veut dire, Maître Nkom, qu’il est dangereux aujourd’hui d’être homosexuel/le sur le continent africain ?
01:25 | ALICE NKOM - Oui, malheureusement, il ne fait pas bon être homosexuel/le africain/e, vivant en Afrique... si je m’en tiens à l’exemple camerounais, à ce qui se passe en Ouganda et un peu partout. Même là où on n’a pas criminalisé l’homosexualité, comme en Afrique du Sud, on apprend des choses absolument horribles [contre] lesquelles il faut qu’on se mobilise.
01:55 | JFC - Charles Gueboguo, toujours sur le constat, est-ce qu’on peut dire que l’Afrique est homophobe ?
02:04 | CHARLES GUEBOGUO - [Selon] moi, il serait difficile de parler d’homophobie en Afrique quand on sait la charge historique que porte le concept, en lui-même, et là je me pose en tant qu’analyste exclusivement. Je parlerais plutôt du sentiment anti-homosexuel qui, justement, retrace le paradoxe entre des sociétés - pour la plupart en Afrique - homophiles ou homosociales et des sentiments qui sont considérés comme étranges, étrangers. Le rapport homosexuel ou le sentiment homosexuel s’expriment de plus en plus en public : est-ce qu’il faudrait parler d’homophobie ? [...] D’une part, vous avez dans la société cette division des genres qui est très stricte, où les hommes se plaisent à être entre eux et où les femmes se plaisent à être entre elles : c’est culturalisé, accepté. D’autre part, [vous avez] les persécutions de personnes de même sexe qui s’aiment, toujours dans cette même société. Ce paradoxe, je « l’adresse » [anglicisme, NDLR : « je l’étudie »] en termes de sentiment anti-homosexuel. Maintenant, toute la forme légalisée qu’on observe aujourd’hui et qui nous vient [...] la plupart du temps d’Occident est ce que j’appelle l’homophobie d’État. Oui, il existe une forme d’homophobie d’État en Afrique.
* * *
« Il existe un paradoxe
entre ces sociétés africaines homosociales
- où les hommes se plaisent à être entre eux
et les femmes se plaisent à être entre elles -
et le fait qu’elles considèrent
les sentiments homosexuels comme étrangers »
(Charles Gueboguo)
* * *
03:30 | JFC - Jann Halexander, ce qui pose problème aujourd’hui, [est-ce] l’homosexualité en elle-même ou l’affichage en public de l’homosexualité ?
03:37 | JH - Je suis très content qu’il y ait aussi Charles Gueboguo parce qu’il a été l’un des premiers sociologues africains, notamment de langue française, à aborder de plein fouet cette question. La bisexualité, il ne faut pas se leurrer, est très répandue en Afrique. Il ne faudra pas se mettre des œillères, elle est très répandue dans les pays du Sud, que ce soit en Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie. Cela rejoint ce que vous dites : ne pas en parler, faire régner l’omerta... très bien ! Au Cameroun, on parle d’ailleurs du « bilinguisme » pour [évoquer ces] hommes mariés qui vont fréquenter des minets dans les bas quartiers mais s’affichent publiquement homophobes... Tant que règne l’omerta, ça va [mais] à partir du moment où une personne commence à dire « je », « je suis », « j’existe », « j’entends être ce que je veux », ça pose problème. La lutte contre le rejet des homos, des lesbiennes, des bisexuel/le/s, des transsexuel/le/s, sert tout le monde, elle sert tou/te/s les Africain/e/s, parce qu’il y a un très gros problème dans les sociétés africaines contemporaines et je sais de quoi je parle (j’ai vécu seize ans à Libreville, je suis métis, franco-gabonais, mère blanche, père noir). Il y a un problème avec l’idée de la différence, de quelqu’un qui est différent. Évidemment, si vous êtes homo, vous êtes vraiment en première ligne mais vous pouvez être aussi d’une minorité ethnique, vous pouvez être une femme, vous pouvez ne pas être comme les autres, vous pouvez ne pas avoir la même culture que la majorité et on vous le fait payer au nom de valeurs « africaines » - d’une certaine « africanité » dont on ne sait pas trop ce que c’est.
05:16 | JFC - Cela veut dire, Charles Gueboguo, que l’homosexualité est perçue comme une importation occidentale - à tort ?
05:21 | CG - Exactement. Dans l’ensemble des imaginaires locaux, on observe comme une manière de penser qui voudrait que l’homosexualité soit l’importation de l’Occident et notamment des Blancs. C’est un tort de penser ainsi, [plusieurs] études anthropologiques l’ont montré, je l’ai également montré dans mes travaux, mais en même temps cette logique peut s’expliquer, se comprendre. On sait qu’aujourd’hui, dans la course à la mondialisation, les Africains semblent avoir tout perdu, n’avoir rien à proposer. Alors, ils essaient de récupérer cette idée de « non-africanité » de l’homosexualité pour essayer de se poser dans cette globosphère, d’apporter ce qu’ils appellent (entre guillemets, comme le disait Jann tout à l’heure) les « valeurs africaines », essayer d’avoir en quelque sorte un mot à dire dans cette culture. Ils font appel à ce qu’ils [nomment] une sorte d’authenticité mais on se pose encore la question de savoir quelle est-elle : qu’on le veuille ou non, le monde est métis, l’Afrique est métisse. L’Afrique a connu des influences, l’Afrique est dans cette croisée-là et on ne peut pas la lire autrement. Aujourd’hui, parler de l’homosexualité comme d’une importation occidentale reste [selon] moi une stratégie politique de positionnement dans cette globosphère, parce que l’Afrique est pauvre, elle n’est même pas maîtresse de sa pauvreté, elle n’est même pas maîtresse de son devenir ou semble ne pas l’être et alors on cherche comme [cela] des subterfuges pour essayer de se positionner.
* * *
« Au Cameroun, on parle de bilinguisme pour évoquer
ces hommes mariés qui vont fréquenter
des minets dans les bas quartiers
mais s’affichent publiquement homophobes... »
(Jann Halexander)
* * *
07:03 | JFC - Maître Alice Nkom, est-ce que l’homophobie est une expression parmi d’autres de la haine du Blanc ?
07:12 | AN - Je ne sais pas s’il faut [le dire ainsi] mais c’est certainement en partie vrai, parce que lorsque je discute de ce sujet ici, on me dit toujours qu’effectivement, l’homosexualité, c’est le colon. On cite même un ancien gouverneur du Cameroun comme étant le « grand manitou » de l’homosexualité au Cameroun [qui] aurait fait de l’homosexualité un ascenseur social, à travers lequel tous nos pères fondateurs du Cameroun sont [NDLR : « seraient » ?] passés. Il y a ce rejet qu’on colle à cette image du colon qui a aidé à fabriquer le Cameroun et les dirigeants camerounais d’aujourd’hui. Bien évidemment, ça traduit la haine du Blanc mais d’un autre côté, ceux qui vous disent que l’homosexualité est contre la religion et qui vous plaquent Sodome et Gomorrhe sur le visage oublient que la religion en question (qu’elle soit musulmane ou chrétienne) est une religion d’importation également - par les Blancs.
08:29 | JFC - Jann Halexander, est-ce que les églises (au sens large, églises chrétiennes, l’Islam également) sont des obstacles aux droits des homosexuel/le/s aujourd’hui ou est-ce qu’on instrumentalise la religion ?
08:44 | JH - Ce n’est pas un mystère, que ce soit en Europe de l’Ouest, de l’Est ou en Afrique, on ne peut pas dire que les religions soient très gay-friendly (en tout cas dans la pratique, bien qu’il y ait évidemment aussi des gens qui sont pratiquant/e/s et qui sont tolérant/e/s).
09:01 | JFC - Donc pas plus en Afrique qu’ailleurs ?
09:04 | JH - Je ne sais pas, je ne crois pas... Au Gabon, quelque chose est très resté ancré, c’est l’animisme. C’est un peu tabou mais le rapport au corps, à la sensualité, à la sexualité est quelque chose de très concret dans les pratiques animistes et n’a pas été encore complètement mis à mal par les religions (au Gabon, protestante surtout, protestante austère, catholique et dans une moindre mesure [...] musulmane).
* * *
« Lorsque l’Église a dénoncé les homosexuel/le/s,
le président de la République est intervenu
pour dire : Stop, c’est la vie privée »
(Me Alice Nkom)
* * *
09:38 | JFC - Et pour vous l’animisme explique pourquoi au Gabon les choses se passent mieux que dans d’autres pays - parce qu’au Gabon on ne réprime pas aujourd’hui l’homosexualité ?
09:45 | JH - Attention, c’est risqué d’aller sur cette pente-là. Le Gabon est un petit pays, très cosmopolite, qui a été occidentalisé, mondialisé avant les autres. Les Gabonais ont très vite vu ce qui se passait ailleurs dans le monde. Il y a eu une période sombre pour les homos au début des années 80, la police qui venait et tout... Cela a un peu changé [mais] il ne faut pas dire que c’est le paradis... [Paradoxalement, dans la vie de tous les jours,] c’est beaucoup plus facile d’être homo et gabonais dans les classes moyennes, petites classes, que dans les classes aisées... [Cependant, en cas de problème avec la police ou la justice, cela reste évidemment] beaucoup plus facile si vous avez de l’argent que si vous êtes pauvre pour vous défendre... [6] [En effet,] vous pouvez toujours être poursuivi/e pour atteinte aux bonnes mœurs, juridiquement : il n’y pas d’espace [légal ou officiel qui reconnaît clairement] qu’il y a d’autres genres sexuels que l’hétérosexualité. Cela dit, il faudrait aussi garder espoir : d’abord, il y a des millions d’Africain/e/s qui ne sont pas homophobes. L’homophobie n’est pas une authenticité africaine donc ce n’est pas naturel d’être africain/e et homophobe. Il y a beaucoup d’Africain/e/s, hommes et femmes, du Nord au Sud, qui ne sont pas homophobes et il y a de l’espoir parce que par rapport à l’an dernier, davantage de pays africains - dont le Gabon - ont signé la « charte de dépénalisation mondiale de l’homosexualité » mise en route par l’ONU [7].
11:18 | JFC - Est-ce qu’il y a des raisons d’être optimiste, Maître [Nkom] ?
11:23 | AN - Oui, je pense qu’il y a des raisons d’être optimiste, même si aujourd’hui au Cameroun la réforme du code pénal ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir (j’ai encore trouvé que le délit d’homosexualité était prévu dans le nouveau code, lorsque l’on étudie la réforme aujourd’hui). Ce qui me donne beaucoup d’espoir c’est que, lorsque l’Église catholique a dénoncé les homosexuel/le/s du Cameroun en 2005 ou 2006, le président de la République [Paul Biya] est intervenu pour dire : « Stop, c’est la vie privée des gens, vous n’avez pas à vous [en] mêler, c’est sacré » (alors, il ne faut pas spéculer sur les « vices » des uns et des autres) [8]. Je pense donc que le président de la République est conscient de son devoir de garant de toutes les libertés, [de] tout le monde, quelque soit l’âge, le sexe, la religion et à plus forte raison l’orientation sexuelle des uns et des autres. Je crois que l’un de ces quatre matins, nous pourrons, en le citant, faire échec à la montée de l’homophobie (qui est le fait de quelques-uns seulement de ses collaborateurs, [lesquels] malheureusement sont bien placés aujourd’hui pour pouvoir induire un nouveau code qui ne prend pas en compte les engagements internationaux du Cameroun - parce que le Cameroun a signé tous les traités et toutes les conventions [dans] lesquels on refuse la discrimination de quelque nature que ce soit).
* * *
« Il est bon de distraire la population
- surtout quand on parle de pouvoirs illégitimes -
en lui donnant les homosexuel/le/s en pâture »
(Charles Gueboguo)
* * *
13:01 | JFC - Charles Gueboguo, est-ce que vous avez le même diagnostic que Maître Nkom sur le cas camerounais, puisque vous l’avez étudié de près ?
13:08 | CG - Je partage totalement l’avis de Maître Alice Nkom, non seulement sur le cas camerounais mais également sur le cas de plusieurs pays africains. Ce que je voudrais apporter à son analyse serait qu’il ne faudrait pas qu’on oublie également qu’il nous faut du temps : il faut inscrire le changement dans le temps, parce que malheureusement on ne change pas les mentalités à coups de décrets.
13:33 | JFC - Cela veut dire que la réponse n’est pas essentiellement politique ?
13:39 | CG - La réponse n’est pas essentiellement politique mais le politique peut jouer un rôle fondamental parce qu’après il faudrait éduquer les populations. Les associations comme celles de Maître Alice Nkom et d’autres en Afrique subsaharienne jouent déjà ce rôle, petit à petit, avec le peu de moyens [qu’elles] ont, à travers les médias, à travers le porte-à-porte... Les résultats ne peuvent pas se mesurer tout de suite, on les aura peut-être dans vingt ans ou dans dix ans, mais le politique a un rôle fondamental à jouer. Encore maintenant faudrait-il qu’il y ait une volonté politique or parfois cette volonté politique ne se manifeste pas, parce que, comme je le disais au début, elle s’inscrit dans une logique où il est bon de distraire la population - surtout quand on parle de pouvoirs illégitimes - [en lui donnant], la plupart du temps, les homosexuel/le/s en pâture...
14:35 | JFC - Donc les homosexuel/le/s sont un bouc émissaire pour un certain nombre d’hommes politiques africains ?
14:39 | CG - Exactement, un bouc émissaire, un exutoire, une sorte de catharsis... Autrement, on ne peut pas défendre une politique de mauvaise gouvernance, de gouvernement corrompu, on ne peut pas défendre la famine, la paupérisation des sociétés africaines... quand on sait que le sol africain - entre autres - est très riche ! D’une part, il y a cet espoir que je lis et je partage l’avis de Maître Alice Nkom mais, d’autre part, je sais qu’il faudrait du temps (un temps qui va s’inscrire dans la durée).
* * *
« Des Africains noirs disent
que l’homosexualité est un truc de Blanc
mais sont bien contents d’avoir la voiture des Blancs
et de prier pour un Jésus blanc »
(Jann Halexander)
* * *
15:16 | JFC - Jann Halexander, quel regard portez-vous sur ce qui se passe en Ouganda (comme le Gabon, pays d’Afrique centrale), avec ce débat parlementaire qui a été repoussé sine die mais quand même [cette proposition] de loi anti-homosexualité qui a été présenté[e] et qui prévoit la peine de mort dans certains cas contre les homosexuel/le/s ?
15:35 | JH - Vous voyez qu’avec Charles Gueboguo ou Alice Nkom, on vous dit à peu près la même chose. Avant de répondre, [je voudrais dire] que je suis toujours affligé quand je vois des Africain/e/s noirs qui disent que [l’homosexualité] est un truc de Blanc et [sont par contre] bien contents d’avoir la voiture des Blancs, l’ordinateur des Blancs, le dernier confort ultra-luxe tel qu’on le voit dans les publicités occidentales, de prier pour un Jésus blanc, une Marie blanche... mais par contre « ça » [l’homosexualité], ça leur pose problème ! [Concernant] l’Ouganda, j’ai du mal à me réjouir. Effectivement, pour le moment [la proposition de] loi est suspendue mais rien n’est réglé : des gens se réjouissent bien trop vite, je suis très perplexe, j’attends de voir ce qui va se passer, il faut toujours rester en alerte. Il est clair que cette loi avait été proposée par ce monsieur, David Bahati, en pleine crise : des Ougandais manifestaient contre la faim, contre la crise économique, et vous voyez que - comme par hasard ! - c’est ce jour-là qu’on veut proposer un truc pour discriminer les homos [9]. Dernier point, par rapport au Gabon : c’est peut-être plus sûr d’être à l’heure actuelle une lesbienne dans un quartier de Libreville ou de Port-Gentil [au Gabon] qu’à Soweto [en Afrique du Sud]. Pourtant, en Afrique du Sud, c’est légalisé, c’est reconnu mais les meurtres atroces qui [s’y] passent régulièrement en ce moment montrent bien qu’une politique ne suffit pas (qu’une réponse juridique, une loi, ne suffit pas) : il faut aussi un changement de mentalité.
17:19 | JFC - Alice Nkom, quelle action concrète sur le terrain, au quotidien, peut-on mener pour faire accepter l’homosexualité ?
17:29 | AN - Il faut combattre l’ignorance. Beaucoup de gens prêchent par ignorance. J’ai vu ici un cardinal organiser des marches, faire signer des pétitions à ses ouailles en disant « Voilà, le Cameroun s’apprête à légaliser l’homosexualité ! » alors qu’il était simplement question de ratifier le protocole de Maputo [10], qui n’a pas une ligne, pas un mot sur l’homosexualité, bien au contraire (qui rassemble les droits des femmes africaines). Je l’ai vu le faire et je l’ai entendu dire que « les homosexuel/le/s sont moins que des animaux parce que les animaux ne sont pas homosexuel/le/s », ce qui est faux : c’est de l’ignorance. De la même façon, lorsqu’un prélat de ce niveau-là parle à ses ouailles, on ne leur dit pas, par exemple, que l’Église catholique en sa plus haute échelle, le Vatican en tant qu’État, consacre la séparation des pouvoirs et ne va jamais jusqu’à la répression des homosexuel/le/s. Cela résulte d’une déclaration - claire et nette ! - du Vatican faite à la LXVIIIème session, je crois, de l’assemblée générale des Nations unies [NDLR : Plutôt, semble-t-il, la LXIIIème] [11]. Le Vatican en tant qu’État sait très bien et affirme que l’égalité des droits, l’appartenance aux Nations unies, la ratification de tous les traités sur la non-discrimination, la non-violence, la non-torture ne [lui] permettent pas de [réintroduire] les dogmes religieux dans l’État et le Vatican n’a jamais réprimé un seul homosexuel !
19:21 | JFC - Merci à vous.
Signataires :
- - -
Me Alice Nkom
- - -
- - -
Charles Gueboguo
- - -
- - -
Jann Halexander,
président de la commission culturelle de Tjenbé Rèd Prévention
- - -
- - -
David Auerbach Chiffrin,
président de Total Respect - Tjenbé Rèd Fédération
- - -
Références :
[1] 17 mai 2011 - Émission « Droits des homosexuels en Afrique : où en est-on ? » (animée par Jean-François Cadet, avec Charles Gueboguo, sociologue, spécialiste de la question de l’homosexualité en Afrique, auteur de « La question homosexuelle en Afrique : le cas du Cameroun », éditions L’Harmattan ; Me Alice Nkom, avocate camerounaise et fondatrice de l’Adéfho, Association de défense des homosexuels ; Jann Halexander, réalisateur et chanteur franco-gabonais, responsable de la commission culturelle de l’association Tjenbé Rèd, association de soutien aux personnes noires et métisses LGBT, lesbiennes, gaies, bi & trans, sur RFI, antenne Afrique)
[2A] 30 novembre 2006 - « La question homosexuelle en Afrique : le cas du Cameroun » (par Charles Gueboguo, sociologue, spécialiste de la question de l’homosexualité en Afrique, aux éditions L’Harmattan)
[2B] Entrée Charles Gueboguo sur le site Internet Wikipédia
[3] Site officiel de Jann Halexander, réalisateur et chanteur franco-gabonais, président de la commission culturelle de l’association Tjenbé Rèd Prévention (Association de prévention des racismes, des homophobies & du sida issue des communautés afro-caribéennes)
[4] Site officiel de l’association Tjenbé Rèd Prévention (Association de prévention des racismes, des homophobies & du sida issue des communautés afro-caribéennes)
[5A] Page du site Internet officiel de Maître Alice Nkom, avocate camerounaise, consacrée à l’Adéfho (Association de défense des homosexuels) qu’elle a fondée en février 2003
[5B] 12 juin 2009 - Préface accordée par Me Alice Nkom, avocate au Cameroun, présidente du Cofenho (Collectif des familles d’enfants homosexuels) et de l’Adéfho (Association de défense des homosexuels), au rapport 2008 de Tjenbé Rèd
[6] Précision de Jann Halexander (courriel du 21 août 2011 à 20h03) : « Rien de contradictoire, en fait : oui, c’est plus facile d’être homo ou bi dans les classes moyennes et populaires parce que, là, on a moins à perdre en terme de réputation et tout à gagner, par exemple, en cas d’élévation sociale si le gay de la famille a un conjoint aisé. Par contre, si on est séropo ou victime de brimades de la police, mieux vaut être le fils de... et avoir du fric. »
[7] Il est difficile d’identifier le document évoqué ici de mémoire par Jann Halexander :
Le 18 décembre 2008, une « Déclaration relative aux droits de l’homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre », lue à New-York lors de la LXIIIème session de l’assemblée générale des Nations unies, a bien été signée par 68 États dont le Gabon ainsi que cinq autres États africains (Cap-Vert, Guinée-Bissau, Maurice, République centrafricaine et Sao-Tomé-et-Principe), alors que vingt États africains figuraient parmi les 57 signataires d’une déclaration opposée (Algérie, Bénin, Cameroun, Tchad, Comores, Côte-d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Guinée-Conakry, Kenya, Libye, Malawi, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger, Nigéria) [7A] ;
Le 21 décembre 2010, cinq États africains (Afrique du Sud, Angola, Cap-Vert, Maurice, Rwanda) approuvaient la mention de l’orientation sexuelle dans une résolution relative aux « exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires » alors que vingt-neuf s’y opposaient (Algérie, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Comores, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Djibouti, Égypte, Gambie, Ghana, Libye, Malawi, Maroc, Mauritanie, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, Sénégal, Tanzanie, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Swaziland, Tunisie, Zambie, Zimbabwe) [7B] ;
Le 22 mars 2011, cinq États africains (Afrique du Sud, République centrafricaine, Rwanda, Seychelles et Sierra Leone) figuraient parmi les 85 signataires d’une « Déclaration appelant à la fin des violences et des violations des droits de l’Homme fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre » [7C] ;
Par ailleurs, le 17 juin 2011, une résolution relative « aux droits humains, à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre » du conseil des droits humains des Nations unies a recueilli deux votes africains (Afrique du Sud et Maurice) contre neuf (Angola, Cameroun, Djibouti, Gabon, Ghana, Mauritanie, Nigéria, Sénégal, Uganda) et deux abstentions (Burkina Faso et Zambie), la Lybie étant suspendue [7D].
[7A1] 18 décembre 2008 - Déclaration relative aux droits de l’homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre lue par l’Argentine au nom du groupe interrégional, le 18 décembre 2008, à New York, lors de la LXIIIème session de l’assemblée générale des Nations unies (Version portant mention de 55 signatures et non de celle du Gabon)
[7A2] 15 juin 2011 - Orientation sexuelle et identité de genre (Page du site Internet de la France à l’Onu indiquant 68 signatures, dont celle du Gabon, pour la Déclaration relative aux droits de l’homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre du 18 décembre 2008)
[7B1] 21 décembre 2010 / 30 mars 2011 - Résolution n°65/208 de l’assemblée générale des Nations unies relative aux exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (adoptée le 21 décembre 2010, la Gabon n’ayant pas pris part au vote ; distribution générale le 30 mars 2011)
[7B2] 18 décembre 2010 - L’ONU doit condamner les meurtres homophobes ! (Lettre de Tjenbé Rèd à Michèle Alliot-Marie portant demande de soutien par la France au vote du 20 décembre à l’ONU pour la protection des personnes LGBT contre les exécutions extrajudiciaires) - Communication n°TR10INT14
[7B3] 22 décembre 2010 - L’ONU condamne les meurtres homophobes (Tjenbé Rèd Fédération demande cependant des explications à Sainte-Lucie, au Bénin, aux îles Salomon et au « Saint-Siège » après leurs positions homophobes) - Communiqué de presse n°TRF10INT14B
[7B4] 22 décembre 2010 - L’Afrique et l’océan Indien doivent lutter contre les meurtres homophobes ! (Lettre aux États africains et océano-indiens et notamment au Bénin, principal État de la région à s’être prononcé en faveur des meurtres homophobes !) - Communication n°TRF10INT14D
[7B5] 24 décembre 2010 - Lettre à Brice Hortefeux en vue de voir modifiée, suite au vote de l’ONU, la « liste des pays sûrs » - Communication n°TRF10INT14F
[7C1] 22 mars 2011 - Dépénalisation de l’homosexualité : 85 pays signent une déclaration à l’ONU (par Judith Silberfeld, pour Yagg.com)
[7C2] 22 mars 2011 - Human Rights Council holds general debate on follow-up and implementation of the Vienna Declaration and Programme of Action (Office of the High Commissioner for Human Rights)
[7C3] 22 mars 2011 - Joint Statement on the Rights of LGBT Persons at the Human Rights Council (U.S. Department of State, Washington, DC)
[7C4] 22 mars 2011 - Over 80 Nations Support Statement at Human Rights Council on LGBT Rights (Statement by Ambassador Eileen Chamberlain Donahoe U.S. Representative to the Human Rights Council on the “Joint statement on ending acts of violence and related human rights violations based on sexual orientation & gender identity”)
[7C5] 22 mars 2011 - Conseil des droits de l’Homme - Déclaration appelant à la fin des violences et des violations des droits de l’Homme fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (Ministère français des affaires étrangères et européennes)
[7D1] 17 juin 2011 - Résolution « Human rights, sexual orientation and gender identity » du conseil des droits humains des Nations unies (le Gabon ayant voté contre)
[7D2] 17 juin 2011 - Council establishes mandate on Côte d’Ivoire, adopts protocol to child rights treaty, requests study on discrimination and sexual orientation (Office of the High Commissioner for Human Rights)
[7E1] 6 novembre 2006 / 31 mars 2007 - Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre dits « de Jogjakarta »
[7E2] 27 octobre 2010 - Homophobie : La violence de l’intolérance (Navanethem Pillay, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, prend position contre l’intolérance envers les minorités sexuelles en Afrique et ailleurs)
[7E3] 21 juillet 2011 - Sexual Orientation and Gender Identity at the United Nations (From Wikipedia, the free encyclopedia)
[8] 10 février 2006 - Discours à la jeunesse (par Paul Biya, président de la république du Cameroun, appelant au « nécessaire respect de la vie privée » -texte intégral introuvable)
[8A] 20 juillet 2006 - Lettre ouverte à Son Excellence Paul Biya, Président de la République du Cameroun, au sujet de la mort du jeune Alim Mongoche en particulier et de la situation des personnes homosexuelles au Cameroun en général - Communication n°ANA2006/12
[8B] 2 août 2006 - Mort d’Alim : le cabinet de Girardin reçoit An Nou Allé et le Comité Idaho - Communiqué de presse n°ANA2006/18
[8C] 23 juillet 2008 - Homosexualité : Ces ministres accusés d’avoir fabriqué les listes (Cameroun On Line : « Bien que Paul Biya, le président de la République et du RDPC [Rassemblement démocratique du peuple camerounais], ait condamné le 10 février 2006 lors d’un discours à la jeunesse et en juillet 2006 lors du congrès du parti au pouvoir, l’immixtion de la presse dans la vie privée des citoyens – allusion à peine voilée aux listes - comment ne pas s’interroger sur le bénéfice que son régime en a tiré ? »)
[8D] 11 décembre 2009 - Cameroun : Un appel à Paul Biya pour dépénaliser l’homosexualité (par Edouard Jean Pierre Kingue, pour Presse de la nation)
[8E] 21 juillet 2010 - Lettre ouverte à Paul Biya, président de la République du Cameroun, au sujet des persécutions policières homophobes - Communication commune Adéfho | Afsupes | Tjenbé Rèd - Communication n°TR10INT10
[9A] 3 avril 2010 - Ouganda : la proposition de loi « anti-homosexualité » est anti-droits humains ! Tjenbé Rèd signe la pétition lancée par la Uganda’s Civil Society Coalition on Human Rights & Constitutional Law - Communiqué de presse n°TR10INT07
[9B] 19 février 2011 - Suite au meurtre de David Kato : Nouvelle journée d’action devant les ambassades d’Ouganda & du Royaume-Uni - Communiqué de presse n°TRF2011-07J
[10A] 11 juillet 2003 / 25 novembre 2005 - Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, dit « de Maputo » (adopté par la IIème session ordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine le 11 juillet 2003 à Maputo, Mozambique, entré en vigueur le 25 novembre 2005 après ratification par quinze États)
[10B] 27 juin 1981 / 21 octobre 1986 - Charte africaine des droits de l’homme et des peuples | African Charter on Human and Peoples’ Rights (adoptée par la XVIIIème conférence de l’Organisation de l’unité africaine - OUA - le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, entrée en vigueur le 21 octobre 1986 après ratification par vingt-cinq États)
[11] 18 décembre 2008 - Statement of the Holy See delegation at the 63rd session of the general assembly of the United Nations on the declaration on human rights, sexual orientation and gender identity (“The Holy See continues to advocate that every sign of unjust discrimination towards homosexual persons should be avoided and urges States to do away with criminal penalties against them”)