La Charia fait sont entrée dans la réglementation bancaire internationale
Le Comité de Bâle a mis au point un ratio de liquidité, le "LCR" (Liquidity Coverage Ratio), officiellement destiné à renforcer la liquidité des banques et donc la stabilité du système financier international. Il entrera en vigueur dans le monde entier à partir du 1er janvier 2015, et sera probablement adopté au minimum par une part significative du monde occidental.
Ce ratio comporte des dispositions extrêmement précises, parmi lesquelles l'obligation pour les banques de détenir une réserve importante de titres très liquides, le "HQLA" (High Quality Liquid Assets) pour faire face à d'éventuelles crises de liquidité. Par exemple, en cas de retrait massif de leurs dépôts consécutif à une défiance soudaine, des banques pourraient vendre rapidement ces titres en réserve pour rembourser les déposants.
Cette réserve de titres sera essentiellement composée d'obligations d'Etats. A l'échelle mondiale, il s'agit de milliers de milliards d'euros de titres d'Etats à acquérir et à détenir par les banques.
Or la Charia interdit le prêt à intérêt, et par conséquent l'investissement dans les titres obligataires liquides désignés par le Comité de Bâle.
Dans sa nouvelle mouture de janvier 2013, le Comité de Bâle introduit pour la première fois des aménagements spéciaux, exclusivement pour les banques respectueuses de la Charia.
Ce détail passera inaperçu du grand public, mais pourrait constituer un avantage important pour les banques en question, qui auront donc des moyens dérogatoires de constituer leur HQLA. Il s'agit en dernière analyse d'une distorsion de concurrence, puisque les titres éligibles au HQLA ont actuellement des rendements très faibles.
On peut donc raisonnablement penser que ces titres HQLA auront souvent des rendements inférieurs à ceux de leurs homologues conformes à la Charia.
Il s'agirait donc d'une pénalisation à l'échelle mondiale de toutes les banques ordinaires, et d'une incitation financière à adopter la Charia. De plus la définition des produits conformes à la Charia est purement religieuse, donc indépendante de toute décision publique : ce sont les autorités islamiques qui auront le pouvoir discrétionnaire de définir ce qui sera conforme à la réglementation internationale, sur ce point du moins.
Cet artifice permettra sans doute à certaines banques de prétendre appliquer les préconisations bâloises, alors qu'elles bénéficieront en réalité d'exemptions. Elles pourraient par exemple profiter d'accords commerciaux internationaux qui exigent le respect des critères bâlois, alors qu'elles les contournent dans les faits.
On peut même imaginer que des banques implantées en France déclarent observer la Charia afin d'obtenir un avantage concurrentiel sur le territoire national.
Gageons que le paragraphe concerné du texte de Bâle passera comme une lettre à la poste lors de la transposition prochaine en droit français.
Ci-après, le texte du Comité de Bâle en anglais :
"Shari’ah compliant banks face a religious prohibition on holding certain types of
assets, such as interest-bearing debt securities. Even in jurisdictions that have a sufficient supply of HQLA, an insurmountable impediment to the ability of Shari’ah compliant banks to meet the LCR requirement may still exist. In such cases, national supervisors in jurisdictions in which Shari’ah compliant banks operate have the discretion to define Shari’ah compliant financial products (such as Sukuk) as alternative HQLA applicable to such banks only, subject to such conditions or haircuts that the supervisors may require. (...)"
Source Basel III : The Liquidity Coverage Ratio and liquidity risk monitoring tools, paragraphe 68. Janvier 2013
http://www.bis.org/publ/
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON