La défense des droits de l’homme en Tunisie ?
L’article fait une lecture à caractère économique de la position prise par le président Sarkozy à propos des droits de l’homme lors du voyage qu’il vient d’effectuer en Tunisie les 28 et 29 avril 2008.
Au-delà des propos surprenants du président Sarkozy en Tunisie, disant et réaffirmant que les droits de l’homme ont progressé en Tunisie et de l’image d’une Rama Yade complètement éteinte dans les images vues à la télévision, il faut s’interroger sur les effets du non-respect des droits de l’homme en Tunisie, sur nous, Français.
Nous pourrions nous contenter de nous dire que la défense des droits de l’homme en Tunisie n’est qu’un exercice de style pour nous donner bonne conscience et nous dire que, de l’autre côté de la Méditerranée, les femmes et les hommes de Tunisie bénéficient des mêmes droits que nous. En fait, il faut savoir que le non-respect des droits de l’homme en Tunisie se traduit par l’impossibilité pour les syndicats de revendiquer librement des augmentations de salaires ou le respect des normes du travail, et se traduit également pour la presse ou pour toute personne par l’impossibilité de mener des enquêtes et de dénoncer le non-respect des normes écologiques ou de protection des biens et des personnes en cas de catastrophe industrielle. Et, pourtant, sous les effets des délocalisations et du développement industriel du pays en fonction de ses potentialités, la Tunisie regorge de sites industriels dangereux qui en France seraient classés Sevéso et feraient l’objet de mesure de précautions particulières. En Tunisie, pour ne pas effaroucher le bon peuple et pour ne pas faire peur aux touristes, le silence règne sur ces questions sauf lorsque la communication est faite par les organes officiels des ministères en charge de ces questions. On s’en doute, pour nous dire que tout est aux normes et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Le problème, c’est en l’absence de respect des droits de l’homme, l’information n’est pas crédible et qu’elle sera sacrifiée sur l’hôtel du réalisme économique ou politique.
Car, finalement, la lutte contre l’islamisme est un cheval de bataille commode pour le régime du président Ben Ali pour faire taire toute information portant sur les risques tant industriels que sur ceux relatifs à la contestation économique. Des fois que de dangereux islamistes se cacheraient derrière les syndicalistes.
En fait, on peut être inquiets, nous Français, de voir que notre président trouve que les droits de l’homme progressent en Tunisie. Voudrait-il dire qu’il souhaiterait que la France devienne un peu la Tunisie de Ben Ali où les syndicalistes, et en fait où toute contestation aussi minime soit-elle du régime et de ses décisions, sont bâillonnés sous le prétexte de ne pas faire le lit de l’islamisme ?
Plus directement, la mise au pas des syndicats permet à la Tunisie de continuer à profiter des délocalisations des entreprises françaises et fausse complètement le jeu de la concurrence si chère à la notion de libéralisme et de mondialisation. Pour un président qui voulait mettre fin aux délocalisations et pour cela voulait même mettre en place une TVA sociale (qui a fait long feu !) pour pouvoir lutter contre, on peut quand même s’étonner ! Il devrait comprendre qu’en obligeant la Tunisie à mieux respecter les droits de l’homme et donc en permettant aux syndicats d’avoir de meilleurs salaires, cela permettrait aux industriels de réfléchir à deux fois avant de délocaliser en Tunisie.
Quant au fait d’empêcher tout débat réellement libre, dans les médias notamment, sur le respect des normes environnementales et industrielles, cela peut nous toucher directement lorsque nos compatriotes vont passer des vacances en Tunisie. Notre président peut ne pas être inquiet, c’est généralement une clientèle populaire, celle qui n’a pas les moyens de se payer des vacances sur un yacht privé !!!
En ayant la position qui a été la sienne sur les droits de l’homme en Tunisie, le président Sarkozy a agi en défenseur des patrons français qui vont délocaliser en Tunisie et ce ne sont pas quelques contrats de vente d’avions Airbus, dont une bonne partie sera fabriquée par des sous-traitants d’EADS en Tunisie, qui doivent nous faire croire le contraire.
Contrairement à l’image qu’il a voulu donner, en allant en Tunisie signer des contrats, il n’a pas agi en défenseur des intérêts des citoyens français que nous sommes et encore moins en faveur des femmes et des hommes de Tunisie. Notre secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, Rama Yade, devrait comprendre qu’en défendant les droits de l’homme à travers le monde, elle a en bonne partie une mission économique en faveur des travailleurs français car respecter les droits de l’homme, c’est d’abord faire respecter les droits des syndicats dans les pays où les entreprises françaises délocalisent à tour de bras. Faire respecter avec rigueur les droits de l’homme partout dans le monde, c’est d’abord faire respecter nos propres droits de l’homme, à nous Français !
A moins que le seul but du président Sarkozy et de son gouvernement soit celui de défendre les intérêts des patrons français… On s’en doutait un peu en voyant la patronne du Medef applaudir à chaque prise de parole du président Sarkozy !
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