La France a décidé de boycotter la conférence de l’ONU sur le racisme
Le mois prochain va s’ouvrir une nouvelle conférence sur le racisme au sein de l’ONU organisée par l’UNESCO. Cette conférence est appelée Durban IV en référence à celles qui l’ont précédée depuis 2001 en Afrique du Sud pour dénoncer le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, et l'intolérance.
Le 13 août 2021, dans un court communiqué, la présidence française a annoncé la non participation de la France à ce forum, après avoir rappelé les idéaux et les principes auxquels nous sommes attachés.
On propose de rappeler l'enjeu et l'opportunité de ces conférences périodiques après avoir donné un aperçu l'historique.
On examinera bien sûr les raisons qui ont poussé bon nombre de pays occidentaux à les boycotter.
La France a décidé de boycotter la conférence de l’ONU sur le racisme.
Le mois prochain va s’ouvrir une nouvelle conférence sur le racisme au sein de l’ONU organisée par l’UNESCO. Cette conférence est appelée Durban IV en référence à celles qui l’ont précédée depuis 2001.
Dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, une séance est prévue le 22 septembre pour marquer le 20e anniversaire de la Conférence mondiale qui s’est tenue à Durban, en Afrique du Sud, en 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.
Le 13 août 2021, soit 40 jours avant cette Conférence, dans un communiqué très bref et laconique, la présidence française a annoncé la non participation de la France à ce forum en soulignant que :
"Préoccupé par l'historique des déclarations antisémites prononcées dans le cadre de la conférence des Nations unies sur le racisme, dite conférence de Durban, le Président de la République a décidé que la France ne participerait pas à la conférence de suivi qui aura lieu cette année", indique l'Élysée.
« Attachée à l’universalisme des droits de l’homme, la France continuera de lutter contre toutes les forces de racisme et veillera à ce que la conférence de suivi de Durban se tienne dans le respect des principes fondateurs des Nations unies ».
Certes c’est un bon rappel conforme aux idéaux et aux principes issus de la Révolution française, mais pourquoi alors boycotter une fois de plus une conférence mondiale sur le racisme… ?
Fuir la confrontation, est-ce une arme efficace ? Pourtant, on sait que la politique de la chaise vide n’est guère constructive pour faire avancer le dialogue et les échanges entre les peuples. Il aurait été préférable de rappeler de vive voix haut et fort à tout bon entendeur, tous ces idéaux auxquels notre nation est profondément attachés.
Essayons de regarder de plus près les causes et la finalité d’une telle conférence et d’examiner les raisons qui ont poussé des pays occidentaux à boycotter cette conférence.
1 - Origine des conférences de Durban
Au lendemain de la seconde guerre mondiale et suite aux horreurs des persécutions notamment de la Shoah, les auteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, avaient émis le vœu que plus jamais le monde ne serait témoin de persécutions fondées sur la race, et avaient énoncé que chacun, sans distinction de couleur, de race, de sexe, de langue ou de religion, pourrait se prévaloir des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cette initiative lancée juste après la Seconde Guerre mondiale fait suite à l’appel consécutif à la publication, en 1950 de ‘’The Race Question’’ (La Question des races), document signé par de nombreux experts et dénonçant le racisme.
C’est donc dans cette reconnaissance affirmée au niveau international, qu’on a voulu examiner les racines historiques des maux actuels que sont le racisme, la xénophobie et les discriminations de toutes sortes. Le projet de « la route des abolitions de l’esclavage et des Droits de l’Homme » a assis sa référence et son lien avec la politique prônée par les Nations Unies et de sa Charte Universelle des Droits de l’Homme, élaborée par René Cassin, fils spirituel de l’Abbé Grégoire.
En 1949, l’Unesco entreprend un vaste programme de lutte contre le racisme, avec la collaboration d’intellectuels comme Claude Lévi-Strauss, Alva Myrdal, Alfred Métraux et Michel Leiris. En 1949 est adoptée une première « déclaration sur la race », visant à nier la validité scientifique du concept de race ; plusieurs autres suivront jusqu’en 1978.
Les deux premières conférences dénonçant le racisme se sont déroulées l’une en 1978 et l’autre en 1983 à Genève. La conférence de 1978 a mis l’accent pour dénoncer le régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Cela a bien porté ses fruits car grâce à une action concertée internationale, l’Afrique du Sud s’est aussitôt débarrassé de son régime raciste.
Plus de 60 ans après la seconde guerre mondiale, force est de constater que malgré quelques succès, les formes d’intolérances fondées sur des idées de supériorité, de rejet et de répression des minorités, des femmes, des peuples indigènes ou des travailleurs migrants se sont accrues ou sont réapparues.
Face à ces recrudescences, La conférence de Durban 1 ou plus exactement « Conférence mondiale de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance », qui s’est tenue du 2 au 9 septembre 2001 à Durban en Afrique du Sud, est la troisième session des Conférences mondiales contre le racisme organisées par l’UNESCO. Durban est une ville cosmopolite d’Afrique du sud. Cette conférence s’inscrivait dans le cadre des conférences mondiales contre le racisme initié par l’UNESCO. Il y eut deux forums, l’un gouvernemental et le deuxième regroupant les ONG admises à participer. Les ONG ainsi que les gouvernements devaient produire un document avec des recommandations finales.
Cette conférence a constitué une occasion pour se concentrer sur les étapes pratiques en vue de lutter efficacement contre le racisme et a émis des recommandations en vue de combattre les préjugés et l’intolérance.
La conférence de Durban a réuni les délégations de 170 États, sous la houlette de Mary Robinson, alors haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU et secrétaire générale de la conférence. Elle est précédée d'une phase préparatoire dite « pré-Durban ».
A l’occasion de cette conférence, il a été reconnu « …que l’esclavage et la traite des esclaves, en particulier la traite transatlantique, ont été des tragédies effroyables dans l’histoire de l’humanité, en raison non seulement de leur barbarie odieuse, mais encore de leur ampleur, de leur caractère organisé et tout spécialement de la négation de l’essence des victimes…. l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité et qu’il aurait toujours dû en être ainsi, en particulier la traite transatlantique, et sont l’une des principales sources et manifestations du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, et que les Africains et les personnes d’ascendance africaine, de même que les personnes d’ascendance asiatique et les peuples autochtones, ont été victimes de ces actes et continuent à en subir les conséquences… ».
A Durban 1, certains témoins ont fait part des violences ainsi que des slogans antisémites exprimés sans retenue dans le Forum des ONG de la conférence mondiale contre le racisme. Le forum des ONG a donné lieu hélas à des comportements inadmissibles, la réunion gouvernementale a été quant à elle plus constructive. Lors de ces deux rencontres, on a assisté à une focalisation sur la question du Proche-Orient et on a voulu l’utiliser dans la plateforme d’action (DPA) contre le racisme.
Finalement, l’UE et le Haut commissariat aux droits de l’homme de l’ONU ont accepté que la Déclaration finale (DPA) soit adoptée par consensus par l’ensemble de la communauté internationale.
Notons que la DPA gouvernementale comporte certains paragraphes encourageant pour le mouvement antiraciste, notamment en ce qui concerne les Roms, les Gitans, les Sintis ainsi que les minorités et les peuples autochtones. En revanche, il n’a pas été possible d’évoquer les discriminations de caste et la situation des Dalit (Intouchables) en Inde, ou celles commises contres les minorités en Chine, en particulier contre le peuple tibétain. De même le problème des minorités et de la liberté religieuse n’a pu être débattu.
La traite négrière transatlantique et l’esclavage ont été condamnés sans hésitation et considérés comme des crimes contre l’humanité. En revanche, certains pays voulaient qu’on les mette sur le même plan que l’esclavage contemporain, avec la traite transsaharienne ou celle opérée dans l’Océan Indien. Voir aussi la résolution du parlement européen sur la Conférence mondiale de Durban contre le racisme.
Mais beaucoup de médias ont passé sous silence l’accord important entre l’UE et l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) dans lequel cette dernière reconnaît la tragédie de l’Holocauste. Cet accord a été le point de départ pour que la résolution 60/7 de l’ONU soit adoptée sans vote. Cette résolution intitulée « Mémoire de l’Holocauste » a été admise le 1er novembre 2005 par l’Assemblée générale de l’ONU qui avait aussi décidé - malgré des réserves de l’Egypte qui voulait associer également "la souffrance de tous les Peuples" - que les Nations Unies proclameraient donc tous les ans le 27 janvier journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.
Controverse au sujet du conflit israélo-palestinien
La « conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les diverses formes d’intolérance » a été l’occasion de neuf jours de débats houleux, à la suite de l’appel lancé par certains pays arabes en vue de rétablir la résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU du 10 novembre 1975, révoquée après la conférence de Madrid de 1991, qui, outre des appels à l’autodétermination des peuples et contre l’apartheid en Afrique du Sud, condamnait « l’alliance impie entre le racisme sud-africain et le sionisme » et qualifiait ce dernier de « raciste ».
Avant la conférence (pré-Durban), les États-Unis ont demandé aux organisateurs de se garder d'accusations antijuives ou de condamnations d'Israël, et au début de la conférence, son président, Kofi Annan annonce qu'il exclut toute référence au sionisme.
Les délégations des États-Unis et d’Israël quittent alors la conférence, le 3 septembre, après avoir été impuissants à la recentrer sur ses objectifs initiaux relatifs au racisme dans le monde. La France et les autres pays de l'Union européenne menacent d'en faire de même si le sionisme est assimilé à du racisme.
Une déclaration finale contre le racisme est votée, à l’arraché, par la conférence. Cette déclaration est condamnée par l’Australie et le Canada, qui dénoncent l’« hypocrisie » de la conférence qui ne servait pas la résolution du conflit israélo-palestinien mais qui cherchait surtout, selon le délégué canadien, « à délégitimer l’État d’Israël et à déshonorer son histoire et la souffrance du peuple juif ».
Finalement, le 58e point du rapport final de Durban disposait : « Nous rappelons que l’Holocauste ne doit jamais être oublié, le 61e point critiquait la « montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie dans diverses régions du monde », tandis que le 63e point affirmait :
« Nous sommes préoccupés par le sort du peuple palestinien vivant sous l’occupation étrangère. Nous reconnaissons le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et à la création d’un État indépendant, ainsi que le droit à la sécurité de tous les États de la région, y compris Israël, et engageons tous les États à soutenir le processus de paix et à le mener à bien rapidement ».
Autres points (esclavage, minorités,…)
Outre la controverse suscitée par le conflit israélo-palestinien, un certain nombre de pays africains, avec à leur tête le Nigeria et le Zimbabwe, accompagnés d’ONG afro-américaines, ont exigé des excuses individuelles de la part de chaque État s’étant engagé autrefois dans l’esclavage, ainsi que la reconnaissance de celui-ci comme crime contre l’humanité, assorti de réparations. Les États européens se sont opposés à cette requête, se rangeant à l’avis du Royaume-Uni. En fin de compte, la conférence publia un appel à soutenir la Nouvelle Initiative Africaine, à réaménager la dette, à financer la lutte contre le SIDA, à recouvrer les fonds transférés dans les pays riches par les dictateurs et enfin à mettre un terme au trafic d’êtres humains.
Le rapport final réaffirmait le droit des réfugiés et la nécessaire protection des minorités ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses, critiquait la discrimination contre les Roms et les gens du voyage (point 68), reconnaissait explicitement le lien entre sexisme et racisme (point 69) et la plus grande vulnérabilité des filles à l’égard du racisme (point 71) :
« Nous sommes convaincus que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée se manifestent de manière différente à l’égard des femmes et des filles, et peuvent être parmi les facteurs qui entraînent la dégradation de leurs conditions de vie, qui engendrent la pauvreté, la violence et des formes multiples de discrimination, limitent leurs droits fondamentaux ou les en privent » (point 69).
Déclaration sur le Tibet
Jampal Chosang, à la tête d’une délégation d’associations de Tibétains en exil participant au forum des ONG, a dénoncé « une nouvelle forme d’apartheid » au Tibet, en affirmant que la « culture tibétaine, la religion, et l’identité nationale sont considérées comme une menace » pour la politique et le contrôle de Pékin.
Une autre rencontre sur le racisme a été programmée à Genève en avril 2009. Quelques pays occidentaux de l’UE ainsi que la Nouvelle-Zélande et le Maroc ont, pour leur part, quitté la conférence afin de protester contre le « danger grandissant représenté par l’Iran ».
Le 20 avril 2009, quinze intervenants se sont succédé à la tribune. Dans la matinée Stéphane Hessel, ancien résistant déporté à Buchenwald et Berthe Kayitesi, survivante du génocide rwandais, ont fait partie de ceux qui se sont exprimés pour rappeler l’importance de cette conférence.
Israël est à nouveau un sujet de polémiques du fait des propos du président iranien le qualifiant d’État raciste qui dit : "Après la fin de la Seconde guerre mondiale, ils (les Alliés, ndlr) ont eu recours à l'agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive‘’. Le discours négationniste et fortement antisioniste du président iranien Mahmoud Ahmadinedjad est devenu inacceptable, provoquant alors le retrait provisoire des 5 pays de l'UE faisant ainsi écho à la débâcle de Durban I.
Le 23 avril 2009, les Nations unies expulsent de la conférence trois groupes d’activistes pour « comportement inacceptable » : le groupe iranien Neda Institute for Political and Scientific Research pour avoir distribué des « documents incitatifs », l’Union des étudiants juifs de France et l’organisation londonienne Coexist.
Le dernier jour de la conférence, le 24 avril 2009, à la demande du délégué chinois, soutenu par le délégué iranien, le président de la conférence a empêché deux ONG pro-tibétaines, la Société pour les peuples menacés et International Campaign for Tibet, de terminer leurs discours, qui évoquaient notamment la situation au Tibet comme exemple d’incitation à la haine raciale.
Le programme d’action de Durban met à l’honneur la religion comme « valeur intrinsèque des êtres humains » qui « peut aider à promouvoir la dignité » et à « éliminer le racisme ». Pour la première fois, le terme d’« islamophobie » a été introduit dans un texte international. Ban Ki moon le qualifie de racisme.
Pour Doudou Diène, rapporteur général des Nations unies, le terme islamophobie se réfère à une hostilité non fondée ainsi qu’une peur de l’islam, ayant pour conséquence la crainte et l’aversion envers tous les musulmans ou la majorité d’entre eux. Il se réfère également aux conséquences pratiques de cette hostilité en termes de discrimination, préjugés et traitement inégal dont sont victimes les musulmans (individus et communautés) et leur exclusion des sphères politiques et sociales importantes. Ce terme a été introduit pour répondre à une nouvelle réalité : la discrimination croissante contre les musulmans qui s’est développée ces dernières années. Mais cela n’a pas été sans poser de problèmes ; certains intellectuels y ont vu une menace contre la liberté d’expression et la liberté de conscience, récusant la terminologie faisant référence à une religion. D’autres personnalités telles Alain Gresh ou Jean Baubérot dénoncent l’islamophobie, qu’ils conçoivent comme un amalgame entre croyants et intégristes, et fondée sur une interprétation belliciste du Coran, qui sous prétexte de protection de la liberté d’expression, dégénère souvent en xénophobie. Mais le débat hélas est loin d’être clos. Le 3 décembre 2007 à Alger, le président français Nicolas Sarkozy avait fait un parallèle entre l’islamophobie et l’antisémitisme : « En France comme en Algérie, nous devons combattre avec une détermination sans faille toute forme de racisme, toute forme d’islamophobie, toute forme d’antisémitisme. Il n’y a rien de plus semblable à un antisémite qu’un islamophobe. Tous deux ont le même visage : celui de la bêtise et de la haine. (…) Le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme ne s’expliquent pas. Ils se combattent. Ce qui vaut pour la France vaut partout ailleurs dans le monde. »
On peut espérer que ces paroles de raison amèneront certains à réaliser que le racisme quel qu’il soit est abject et dangereux, comme il est dangereux de hiérarchiser ses victimes.
D’autres mécanismes idéologiques apparaissent dans les réunions préparatoires, notamment sur les descendants d’Africains, le droit des femmes et des minorités diverses.
En ce qui concerne le droit des femmes, les approches divergent, d’un côté celles qui placent les traditions, les cultures et les religions au même titre que les droits universels et, de l’autre celles mettant en avant l’émancipation.
Bienheureusement certains thèmes comme la représentation politique des femmes, les mutilations sexuelles, la traite et la prostitution ont été admises, valorisant ainsi la place des femmes dans la société..
En revanche, le débat sur la diffamation des religions a été moins concluant. Il était à la limite même d’un dialogue de sourd. D’un côté on parle de la responsabilité des médias dans la diffusion de textes insultants ou de dessins diffamatoires, dérapant souvent vers une forme de discrimination raciale ou religieuse – comme on l’a observé avec l’affaire des "caricatures". D’un autre côté, on dénonce la censure sur la liberté d’expression qui menaçait surtout la laïcité nous dit-on et portait atteinte à la conscience antireligieuse et aux sentiments athées ou agnostiques. Comme si pour défendre la liberté d’expression il fallait protéger la laïcité et véhiculer nécessairement un stéréotype négatif des religions incitant ainsi à la haine religieuse (voir les analyses de Blandine Chelini-Pont ou de Nicolas Haupais ainsi que le rapport de l’ONU).
Afin de prévenir les conflits futurs et de parvenir à une paix durable entre les peuples, le dialogue interreligieux est promu.
Lors de la conférence du Mouvement des non alignés à Durban en 1998, le président de la République islamique d’Iran Mohamed Khatami avait proposé que l’Assemblée Générale consacre l’année 2001 ‘’année du dialogue des civilisations’’, réfutant ainsi l’idéologie du « choc des civilisations » chère à l’universitaire américain, Samuel Huntington. Après les attentats de Madrid en 2005, une nouvelle structure va naître au sein de l’ONU, « L’Alliance des Civilisations » sous l’égide des gouvernements espagnols et turcs.
Cette « Alliance des Civilisations » propose un rapprochement des différentes communautés de cultures et d’ethnies. Ces communautés seraient chacune représentées par deux personnes. Ainsi l’Europe de l’Ouest serait représentée par Hubert Védrine et Karen Armstrong. Khatami représenterait un Moyen-Orient avec la qatarie Mozah Bint Nasser Al Missned . Arthur Schneier se verrait confier la représentation de l’Amérique du Nord avec John Esposito.
En réalité, l’alliance ou le dialogue des civilisations présentent une autre vision du monde qui met en avant un consensus universaliste enrichi de ses différentes composantes culturelles locales, et confèrant aux religions une place politique de premier plan.
Notons que l’Assemblée générale de l’ONU a voté une résolution le 20 octobre 2005 en faveur du Dialogue entre les civilisations dont il est intéressant de rappeler ces quelques lignes : « Nous réaffirmons la Déclaration et le Programme d’action en faveur d’une culture de paix, ainsi que le Programme mondial pour un échange accru entre les diverses cultures. Son plan d’action a été adopté par l’Assemblée générale, mettant l’accent sur les différentes initiatives en faveur d’un dialogue des cultures et des civilisations, notamment les échanges et la coopération interconfessionnelle. Nous nous engageons à prendre des mesures propres à promouvoir une culture de paix et un dialogue aux niveaux local, national, régional et international, et nous prions le Secrétaire général de réfléchir aux moyens de renforcer les mécanismes d’application et de donner suite à ces mesures. ».
Hubert Védrine dans son discours du 10 novembre 2009 à l’Assemblée Générale, rappelle les grands objectifs qui doivent « permettre à toutes les langues, cultures et civilisations, de vivre et de dialoguer ».
Il est important de noter que pour la première fois depuis sa création, l’ONU envisage une approche des problèmes et des rapports entre les hommes, vus sous un autre angle que celui politique ou économique.
La Haut Commissaire des Droits de l’Homme s’est engagée à tout faire pour amener toutes les parties autour de la table et donner un nouvel élan à la lutte contre la discrimination, la xénophobie, l’intolérance et le racisme :
« Si les divergences devenaient le prétexte à l’inaction, les espoirs et les aspirations de beaucoup de victimes seraient anéantis peut-être de manière irréparable », a averti la militante anti-apartheid.
Le Canada, les Etats-Unis et Israël boycottent les travaux préparatoires de la conférence de Genève, alors que d’autres pays européens, comme la France, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne menacent de les suivre si la conférence se transforme en plate-forme anti-israélienne.
« J’appelle les gouvernements qui ont exprimé l’intention de ne pas participer à la conférence à reconsidérer leur position », a demandé solennellement la Haut Commissaire.
Elle ne croit pas qu’une approche du ‘’tout ou rien’’ soit la bonne. : « Sans la participation de tous, le débat et la lutte contre le racisme seront affaiblis », a souligné l’ex-juge à la Cour pénale internationale (CPI), qui a également appelé à renforcer la lutte afin de prévenir toute forme de génocide.
Quant au sécrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon qui ouvre la conférence "Durban II", il s’est déclaré "profondément déçu" de l'absence de nombreux pays. "Certaines nations qui, de droit, devraient aider à créer le chemin d'un avenir meilleur, ne sont pas là", a déclaré M. Ban, regrettant que le "racisme est toujours parmi nous".
Les éternels opposants à Durban II
Malgré tous ces progrès notoires, il est à noter qu’en France, les prises de position en faveur du retrait de la délégation française de cette conférence continuent à se faire entendre. On trouve dans cette direction des intellectuels tels que Fodé Sylla dans son intervention le 1er mars au colloque organisé par Africa International et l’IFIE. Bernard Henri Levy dans "Le Point" dénonce "la mascarade de Durban II". Pascal Bruckner demande "le boycott pur et simple. Des personnalités politiques telles que Bertrand Delanoé soutient "Notre pays compromettrait ses valeurs et sa devise en participant à cette mascarade", ou Claude Goasguen qui appelle "les députés à se mobiliser pour obtenir une décision claire et publique du gouvernement français, en rejoignant l’appel parlementaire pour le retrait de la France des travaux de Durban II". Sans oublier des organisations telles que la Ligue du droit international des femmes, le Grand Orient et la LICRA.
Pour appeler au boycott de la conférence sur la racisme, ces intellectuels ou ces politiques invoquent toujours la rhétorique récurrente de stigmatisation et d’anathème basée sur des arguments caricaturaux à savoir :
- a) d’imposer, au nom de la prétendue liberté religieuse, la supériorité d’une religion - l’Islam - sur toutes les autres religions….
- b) d’institutionnaliser l’antisémitisme au sein de la Conférence de l’ONU en mettant ouvertement et systématiquement en accusation l’Etat d’Israël.
- c) de promouvoir des thèses sexistes, hostiles aux droits des femmes et contestant en particulier leur droit à l’émancipation.
- d) de rejeter l’universalité des droits de l’homme au profit d’un communautarisme exacerbé qui devrait tenir compte des « spécificités culturelles »….
Quant à la sociologue Malka Marcovitch, elle se cantonne dans une attitude de rejet systématique " le mauvais compromis de Durban 2 me fait penser à Munich" dit-elle
Tsipi Livni, ministre des Affaires étrangères israélienne a surenchéri :
« Durban II est une conférence cynique entièrement antisémite et anti-israélienne qui se cache sous le combat contre le racisme. La décision du gouvernement américain est une authentique et courageuse expression de ses valeurs de leader du monde libre, et cette décision doit montrer la voie pour tous ces autres pays qui partagent les mêmes valeurs. »…
Certes, mais n’est ce pas déshonorer toutes ces valeurs en maintenant tout un peuple sous occupation militaire et sous un régime d’apartheid après les avoir spolié de leurs droits.... ?
4 - Durban III (New-York, septembre 2011)
L’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, le Canada, l’Italie, la République Tchèque demandent avec Israël, le boycott de la Conférence mondiale sur le racisme, dite Durban III, après s’être efforcés d’empêcher Durban II (Genève, 2009). Examinons de plus près les raisons.
Le programme de Durban III devrait être intense, avec des « réunions plénières d’ouverture et de clôture », des « tables rondes consécutives » et des « groupes thématiques », l’ensemble aboutissant à une « déclaration politique » - le tout dans la célébration de la « Conférence mondiale sur le racisme » qui s'est tenue à Durban I, en Afrique du Sud, en 2001. Selon les organisateurs, faire coïncider Durban III avec l’ouverture annuelle de l’Assemblée Générale devrait garantir une large participation des présidents et premiers ministres, ce qui n’avait pas été prévu par les organisateurs de Durban I et de Durban II
La déclaration finale de Durban III rappelle que le principal objectif de cette commémoration était de (re)mobiliser la volonté politique de lutte contre le racisme, aux niveaux national, régional et international.
Le secrétaire général Ban Ki-moon a assisté à la conférence jeudi et a exhorté tous les pays à "se tenir fermement" contre l'antisémitisme et l'islamophobie et à rejeter la discrimination contre les chrétiens.
Jusqu'à présent, 13 pays ont annoncé qu'ils n'assisteraient pas à la conférence, baptisée "Durban III ‘’.
L'Union américaine des libertés civiles (American Civil Liberties Union) a critiqué l'administration Obama pour avoir refusé de participer à la conférence de Durban III, déclarant jeudi dans un communiqué que « l'absence des États-Unis dans les débats d'aujourd'hui est décevante ; cela contredit la position déclarée de l'administration de promouvoir des modèles positifs pour faire avancer les droits de l'homme et envoie le mauvais message à la communauté mondiale concernant l'engagement des États-Unis à lutter contre l'injustice raciale en tous lieux.
La déclaration a appelé les États-Unis à « donner l'exemple et à traduire leur engagement déclaré à mettre fin à la discrimination raciale en lois et politiques concrètes ».
Lors des débats, Israël a été accusée de « génocide » et d’« ethnocide » vis à vis des Palestiniens
Le document final du forum déclarait qu'Israël était « un État raciste d'apartheid » et appelait à la création d'un tribunal pour traduire les responsables Israéliens en justice pour « crimes de guerre, actes de génocide et nettoyage ethnique » suite aux bombardements de civils a Gaza.
Une coalition internationale d'ONG, de militants des droits humains et de dissidents politiques s'est réunie à New York pour la première session du Sommet mondial contre la discrimination et la persécution.
Tenu parallèlement à la 65e session des Nations Unies, le sommet présente d'anciens prisonniers politiques de Chine, d'Iran et du Soudan. D'autres conférenciers viennent de Cuba, d'Ouganda, du Vietnam et de Birmanie, partageant tous des histoires de persécution et de persévérance. L'événement donne une plate-forme à leur lutte continue pour la liberté tandis que les gouvernements du monde entier se réunissent à proximité de l'Assemblée générale des Nations Unies.
Israël est-il un état démocratique et raciste ?
Etat démocratique au sens occidental, certainement ; la liberté d’expression y est garantie, les ONG sont libres d’agir, de même pour tous les opposants, même au sionisme. On peut noter qu’en Israël personne ne peut être inquiéter pour ses idées ou pour ses opinions. Cependant cet état est peu soucieux des comportements humanitaires et du respect des droits de l’homme.
Quant au second qualificatif, Il est difficile de répondre de manière claire par oui ou par non, tellement les signaux envoyés par le régime sioniste sont contradictoires.
Non il n’est pas raciste car :
- Dernièrement, la Knesset a voté une loi permettant au conjoint d’un arabe israélien d’obtenir la nationalité israélienne.
- Une petite portion des nouvelles constructions dans certaines colonies a été octroyée à des palestiniens.
- Le mont du temple est sécurisé et est toujours reconnu propriété du Wakf (c'està-dire des musulmans), bien que les fideles juifs sont autorisé à y pénétrer pour prier.
- Beaucoup d’efforts surtout diplomatiques et commerciaux ont été accomplis en vue d’améliorer les rapports avec les voisins arabes.
- Certains palestiniens sont parfaitement intégrés dans la société israélienne (juge, consuls, médecins,…).
….
Oui il est raciste car :
- Exclusion systématique de la vie politique et sociale de la minorité palestinienne, qui ne bénéficie pas des mêmes droits.
- Dure répression et tirs à balles réelles contre les manifestants palestiniens même pacifiques.
- Bombardement régulier des zones civiles à Gaza sans distinction.
- Refus d’une enquête internationale de la CPI sur les crimes de guerre.
- Prolifération des colonies de peuplement et confiscation des terres et des maisons palestiniennes.
- adoption par la Knesset de la loi fondamentale de 2018 qui réserve aux seuls habitants juifs la pleine citoyenneté de l’Etat et le « droit à l’autodétermination ».
Cependant, la charte du Likoud fidèle au sionisme messianique ne reconnaît pas l'existence d'un État Palestinien. Au contraire, cette charte stipule que les communautés juives de « Judée », de « Samarie » et de Gaza sont une concrétisation des valeurs sionistes, que l’implantation est l’expression du droit irréfutable du peuple juif à disposer de la terre d’Israël et que le Likoud s’attachera à renforcer et à développer ces communautés et s’opposera à leur démantèlement.
D'autre part, la charte du Likoud rejette fermement la création d’un État arabo-palestinien à l’ouest du Jourdain.
Nous sommes donc très loin des accords d’Oslo et de l’immense espoir qu’ils ont suscités… On ne peut constater avec amertume que les partisans convaincus de la paix (entre ces 15 millions de personnes arabes et juifs) et des visionnaires de la stature d’Yitzhak Rabin ou de Yasser Arafat font cruellement défaut au Moyen-Orient.
Faut-il participer à la prochaine conférence de Durban IV ?
Déjà en 2001, d’après le journaliste suisse Stephane Hussard "En brandissant la menace de ne pas participer au sommet de Durban, les Européens ont adopté une stratégie de négociation maximaliste dangereuse, car elle révèle ce qu’ils fustigent dans les enceintes multilatérales : l’intransigeance des Etats arabes susceptible de donner corps à la thèse du choc des civilisations.... Le consensus est possible."
Plus pragmatique, Caroline Fourest dans « La tentation obscurantiste » avait dénoncé des "Etats qui persécutent chez eux les minorités religieuses prétendant nous donner des leçons de tolérance – envers l’Islam."
Déjà dans le Monde du 13 mars 2009 dans un article intitulé "Il ne faut pas déserter Durban II" elle salue l’avancée de la plate-forme d’action qui a éradiqué une partie des dégâts de Durban I. Elle a bien pris conscience que les "lignes rouges bien établies" n’ont pas été franchies. Elle conclue de manière lucide "Mépriser cette négociation ne permettrait pas d’expliquer au monde la position de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de déserter la lutte contre le racisme, mais de résister à son instrumentalisation. Le risque serait surtout d’affaiblir un peu plus le multilatéralisme, dont nous avons tant besoin pour préserver l’universalisme et renégocier un jour cette plate-forme."
Arguments de ceux qui soutiennent le boycott
La Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) a également partagé sur Twitter une tribune publiée dans Le Figaro appelant à ne pas célébrer le 20e anniversaire de la conférence. "La réalité est que Durban a marqué un tournant voire un point de départ dans la manière dont l'antisémitisme se manifeste aujourd'hui", déclare, dans cette tribune, Simone Rodan-Benzaquen, directrice de l'AJC (American Jewish Committee) pour l'Europe. Elle prétend de plus que "Contrairement à ce que pensent de nombreux observateurs, la frustration et la colère des Palestiniens ne sont pas seulement dues à l’occupation israélienne.’’ Faut-il croire qu’il y a pire pour les palestiniens que le racisme, l’occupation militaire et l’humiliation quotidienne ? Elle dénonce de plus de manière un peu exagérée, « les indignations sélectives » du Conseil des droits de l’Homme : "Ce ciblage obsessionnel d’Israël est non seulement injuste pour ce pays, mais il signifie également que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU passe trop de temps sur Israël pendant qu’il ignore les véritables violations des droits de l’homme dans le monde.’’
En juillet 2021, alors que de nombreux pays annonçaient le boycott de cette réunion, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) avait sommé la France de prendre position sur le sujet. Le président du CRIF, Francis Kalifat, avait lancé un « appel solennel » aux dirigeants français à se retirer de cette conférence, « afin que la France ne perde pas son âme en participant à cette mascarade ».
« La perversité de cette réunion ne réside pas seulement dans la diabolisation obsessionnelle d’Israël : elle réside dans le fait qu’elle absout en quelque sorte les nazis », avait commenté M. Kalifat, selon qui « la conférence de Durban en 2001 a été l’exemple le plus flagrant de ce délire antisémite ».
Les partisans d’une paix en Palestine
Stéphane Hessel. Décédé en 2013, résistant, il est arrêté et déporté à Buchenwald. Il a été membre de la Commission française consultative des droits de l'homme, que René Cassin avait fondée. C’est un ardent défenseur des droits de l'homme qui milite pour la paix et la dignité.
"Si j'osais une comparaison audacieuse sur un sujet qui me touche, je dirais ceci : l'occupation allemande était – par rapport à l'occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens – relativement inoffensive, exceptées les arrestations, les internements et les exécutions, ainsi que le vol de chefs d'œuvre."
Stéphane Hessel publie une réponse à l’UEJF, sur le site du Nouvel Observateur : "Les expressions que j’ai employées dans ce texte sur le FAZ [Frankfurter Allgemeine Zeitung] étaient peut-être rapides, vite écrites, et vite lues", admet-il. Mais il maintient l'essentiel : "Dans ces territoires occupés, les Palestiniens sont dans une constante mise à l’épreuve par la présence israélienne. Je pense en particulier au cas de Gaza : jamais l’occupation allemande n’a entouré le territoire français de tels obstacles."
Il dénonce la brutalité de Tsahal :
« Tous responsables, tous coupables de n’avoir pas été suffisamment sévères à l’égard des violations graves qu’Israël apporte depuis 40 ans au droit international », reprochait-il dans une interview à la fin du pilonnage de Gaza, dénonçant « une brutalité incroyable [de l’armée israélienne] qui rappelle Srebrenica ou la Tchétchénie… »
« Je n’aurais jamais cru que cela serait possible, je suis scandalisé, indigné et très malheureux pour la bonne conscience éventuelle de nous autres juifs et de l’Etat d’Israël, bonne conscience qui ne peut pas subsister après les massacres qui ont été pratiqués entre le 27 décembre et le 19 janvier », confiait l’ancien déporté. Et de rappeler une vérité : « la sécurité à long terme d’Israël n’est concevable que s’il y a un véritable Etat palestinien… »
‘’L’élection de Barack Obama a suscité beaucoup d’espoir, notamment après son discours du’Caire mais depuis, force est de constater qu’il n’arrive pas à convaincre Netanyahou à négocier...’’
‘’…C’est notre principale déception. Nous avions interprété ‘le discours prononcé au’Caire et l’envoi ‘du négociateur George Mitchell ‘dans la région comme une volonté ‘de Barack Obama d’utiliser les moyens de pression nécessaires, car les États-Unis ont les moyens pour contraindre Israël à négocier une paix juste sur la base des résolutions de l’ONU. Jusqu’ici, force est de constater que cela n’a pas beaucoup progressé. ‘C’est ce qui nous inquiète. Il faut rappeler que c’est l’ONU qui a créé Israël, ‘que des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité indiquent clairement une solution fondée sur deux États, avec Jérusalem pour capitale de deux États, en plus du règlement des réfugiés palestiniens. C’est ce que disent ces résolutions. Si maintenant Barack Obama se met sérieusement à travailler dans le cadre de l’ONU, en imposant un retour de la négociation dans ce cadre, alors Israël sera obligé d’accepter. Car la question est de savoir si Israël va continuer cette politique qui le marginalise au sein de la communauté internationale, avec tous les risques que cela comporte pour son existence. Ou s’il va enfin se décider à envisager une autre politique allant dans ‘le sens d’une paix juste et durable…’’
Israel et la politique d’Apartheid
L’ancien président américain Jimmy Carter avait repris à son compte en 2006, avec ce livre au titre un peu provocateur : ‘Palestine - Peace, not apartheid’
A l’époque, il avait déclenché la colère de nombreuses organisations juives américaines, et des pétitions avaient fleuri pour dénoncer précisément l’usage du mot apartheid pour décrire la condition faite aux Palestiniens. L’ex-Président aurait renchéri, mettant à profit la polémique pour dénoncer le climat d’”intimidation” aux Etats-Unis dès lors que les critiques à l'égard de la politique israélienne faisaient l’objet d’une chape de plomb et d’un tabou opiniâtre, dans le monde politique comme dans les médias.
Quinze ans plus tard, c’est la démocrate Rashida Tlaib, seule élue d'origine palestinienne au Congrès, qui a interpellé Joe Biden, accusant les chefs de file démocrates de cécité tandis que les ‘’morts s'accumulaient dans les bombardements sur Gaza’’. Mais cette élue à la voix hétérodoxe dans l'histoire du parti démocrate n’avançait plus aussi seule. Mi-mai 2021, une semaine avant l’interview de Jean-Yves Le Drian, l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez publiait à son tour une série de twits. D’abord ceci :
‘’Si l'administration Biden ne peut pas tenir tête à un allié, qui peut lui tenir tête ?’’
‘’Les pays de l’apartheid ne sont pas des démocraties.’’
Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch annonçait :
Cette étude détaillée révèle que les autorités israéliennes ont déjà franchi ce seuil et commettent aujourd’hui les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution.
Mais il déclarait aussi ceci, qui éclaire la trajectoire du mot :
Depuis des années, des voix éminentes ont averti du risque d’apartheid si la domination d’Israël sur les Palestiniens se poursuivait.
‘’Israël maintient un régime d’apartheid entre le Jourdain et la Méditerranée’’ : c’est le constat, que fait pour la première fois une organisation de défense des droits de l’homme juive israélienne de premier plan, B’Tselem. Dans un rapport publié mardi 12 janvier, l’ONG s’affranchit de la division communément admise entre les systèmes politiques en place en Israël et dans les territoires palestiniens.
Démocratie d’un côté, occupation militaire temporaire de l’autre. B’Tselem estime qu’une telle distinction s’est vidée de son sens au fil du temps, depuis la conquête des territoires par Israël, lors de la guerre de 1967. « [Cette distinction] obscurcit le fait que l’ensemble de la zone située entre la mer Méditerranée et le Jourdain est organisé selon un unique principe : faire avancer et cimenter la suprématie d’un groupe – les juifs – sur un autre – les Palestiniens », juge l’organisation.
C’est la définition d’un Etat d’apartheid, selon le précédent historique de l’ancien régime de ségrégation raciale d’Afrique du Sud, une comparaison polémique au dernier degré en Israël, mais surtout selon la définition établie par le droit international : le ‘’statut de Rome’’, instituant la Cour pénale internationale en 2002, qui en fait un crime contre l’humanité.
Dénonciation d’une suprématie juive institutionnalisée
« Nous voulons changer le discours sur ce qu’il se passe ici. L’une des raisons pour lesquelles rien ne bouge, c’est que la situation n’est pas analysée correctement », affirme le directeur exécutif de l’ONG, Hagaï El-Ad. Cette prise de position va au-delà de l’analyse généralement admise même au sein de la gauche israélienne. Cependant elle ne surprend pas pour autant, s’inscrivant dans un mouvement de fond.
L'avocat israélien Michael Sfard a présenté mercredi 29 janvier à Paris son ouvrage "Le mur et la porte" : "C'est drôle que le président américain appelle cela un plan de paix parce que c'est un plan d'annexion, qui compromet l'avenir du Proche-Orient et celui du conflit israélo-palestinien", estime Michael Sfard. "Il va aussi avoir de grosses conséquences sur l'ordre légal. C'est un pas de plus pour perpétuer la domination des Israéliens sur les Palestiniens et pour des années. Les Israéliens auront tous les droits d'un État moderne et des Palestiniens seront dominés, sans contrôle sur leur destin", dénonce l'avocat de 47 ans.
Dans son livre "Le mur et la porte", Michael Sfard décrit aussi dans le détail "les conditions d'enfermement" des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. "C'est difficile de l'admettre, mais je regarde la réalité en face et il y a un crime contre l'humanité qui s'appelle l'apartheid. Dans la même région, il y a deux groupes avec l'un qui contrôle l'autre et la discrimination d'un groupe sur l'autre. Une situation où deux groupes sont soumis à deux lois différentes, je l'appelle apartheid", regrette-t-il.
Par ailleurs, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lui-même a mis en garde, dimanche 23 mai dernier, contre un “risque d’apartheid” en Israël si une solution à deux États n’émerge pas entre Israéliens et Palestiniens.
“Dans des villes israéliennes, les communautés se sont affrontées”, a-t-il souligné au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI,
“C’est la première fois et ça montre bien que si d’aventure on avait une autre solution que celle à deux États, on aurait alors les ingrédients d’un apartheid qui durerait longtemps”, a-t-il averti. “Le risque d’apartheid est fort si on continue à aller dans une logique à un État ou du statu quo. Même le statu quo produit cela”, a ajouté le chef de la diplomatie française.
Pendant ce temps, à Gaza en Cisjordanie, des millions de Palestiniens continuent d’être privés de leurs droits fondamentaux et restent soumis à un régime militaire draconien. C’est une réalité hélas quotidienne pour la grande majorité des Palestiniens depuis 72 ans. L’apartheid sud-africain n’a duré que 46 ans. Celui d’Israël se poursuit.
Pour que 2021 soit l’année de la fin de l’apartheid en Israël
On peut seulement espérer que la France et d’autres pays du monde libre assumeront leur pleine responsabilité devant l’Histoire, celle de défendre la justice, les droits de l’homme et, aussi du droit des peuples à disposer de leur avenir. Prendre des décisions courageuses dans ce sens ou s’asseoir à une table pour rappeler ces beaux idéaux ne peut que donner du baume au cœur et surtout de l’espoir à tous ceux qui souffrent de l’oppression en silence dans tous les recoins de la terre, que ce soit en Palestine, au Sin-Kiang, en Birmanie, en Afghanistan….
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