La leçon inattendue de la Tunisie
Les experts médiatisés ont pour profession de se tromper et pour passe temps d’inférioriser leur auditoire. Ceux patentés de la Tunisie et du F.M.I. n’ont pas failli à la règle.

Maintenant que la surprise de la révolution s'estompe, il est quelques vérités qui méritent d'être relevées.
Par exemple, du temps de la gloire de Ben Ali, ils crurent bon de s’extasier devant la prospérité naissante du pays et sa stabilité néanmoins toute policière.
Certains, le patenté autoproclamé de la Tunisie, Antoine Sfeir, est même allé jusqu’à susurrer que les Tunisiens devaient leur prospérité à leur tortionnaire, flagornerie un peu trop grossière pour être crue, car, si depuis la Fontaine tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, cet exercice, pour un fromage normalement réservé au renard, n’est pas à la portée du premier amateur venu, qui, pressé par l’appétit des avantages et des honneurs qu’ils espère de celui qu’il flatte, oublie un peu vite que Ben Ali, s’il était tout aussi avide que son flatteur, n’en était pas moins beaucoup plus lucide, en plus d’être beaucoup plus intelligent que le corbeau et donc très peu empressé, bien que convaincu d’être le phœnix de son bois, de laisser à des imbéciles une quelconque miette de son fromage.
Le renard amateur et courtisan, pas moins médiocre dans sa reconversion que dans son métier de pseudo expert, fit donc les frais de sa flatterie qui, ne lui ayant rien procuré de son bienfaiteur espéré, le fit passer pour ce qu’il était devenu : le faux ami de la vérité.
Car au fond, lui et son acolyte du F.M.I., Strauss Khan, auraient pu ou dû y réfléchir à deux fois, bien qu’experts médiatisés, et en cette qualité professionnels de l’erreur, avant d’avancer que la prospérité d’un peuple était due à l’arbitraire d’un seul, que la prospérité si difficilement gagnée et encore si fragile de tout un peuple devait tout aux pratiques de musèlement d’un tortionnaire.
Sans doute la présomption de l’un l’aura aveuglé ; et sans doute, les appétits insatiables de l’autre l’auront fait délirer.
Se pouvait-il que des esprits aussi distingués aient pu s’abuser au point de soutenir que la prospérité et la dictature ne feraient pas un mariage contre nature puisque non seulement ils l’ont prétendu, contre toute évidence, mais encore ont intimé l’ordre à tout une nation de se soumettre, contre son gré, à cette abomination ?
Ils auraient pu se contenter d’ applaudir à la prospérité nouvelle et sans doute, spectateurs heureux du bonheur des Tunisiens, nos amis, nous nous serions joints à leurs ovations, saluant que le courage de tout un peuple ait pu, à partir d’un désert, gagner à force de travail et d’intelligence, en plus de sa prospérité méritée, l’indépendance et la dignité qu’elle leur procura.
Ils auraient pu encore souligner tout ce que la paix civile dut à l’autoritarisme de Bourghiba et à l’État policier de Ben Ali, et sans rien partager ou si peu de cette analyse en vertu du prix qu’il en coûta aux Tunisiens, nos amis, nous l’aurions néanmoins respecté, la liberté de choix d’un peuple, sacrée, commandant qu’il puisse encore choisir entre une prétendue sécurité policière et une prospérité par nature instable.
Mais ils ne pouvaient, comme ils l’ont fait, marier une prospérité si âprement gagnée avec un pouvoir si odieusement attentatoire à leurs libertés ; soutenir, comme ils l’ont fait, par un monstrueux paradoxe d’injustice, que le totalitarisme d’un seul était la cause nécessaire de la prospérité de tous alors que la vérité, son inverse – que les Tunisiens connaissaient trop pour la vivre quotidiennement – était justement que le totalitarisme tentaculaire de l’État policier d’un seul et sa coterie n’avaient fait qu’empêcher, contrarier, retarder, diminuer, voler les efforts et les bénéfices du travail, de l’entreprise, du courage et en définitive du talent de tous.
Ce faisant, ces faux amis de la Vérité, qui n’ont plus utilisé leurs expertises que pour mieux véhiculer leurs mensonges, nous ont insinué et présenté comme un théorème vérifié que la solution inepte qu’ils préconisaient pour toute une nation, celui de la marier avec son bourreau, devrait se préconiser également en tout terrain analogue, ce qui revenait à soutenir que chaque fois qu’une prospérité s’établirait sur un territoire, la meilleure ou seule façon de la garantir serait d’y installer un état policier….au nom de la démocratie.
Mais le bon sens le plus immédiat se glace d’effroi devant de tels sophismes. Notre silence indigné sera notre seule réponse ; notre seul débat.
L’histoire dira que nous n’avons dû qu’à la révolte des Tunisiens d’avoir été décillés, et, sans rien pouvoir prédire du futur de cette nation devenue aristocratique pour avoir gagné sa liberté à la mesure de son courage, refusant de nous bercer de mots aussi creux que factices et botaniques de “la révolution de jasmin”, tous issus d’un romantisme aussi hystérique qu’hypocrite, à la proportion de l’hystérie et du romantisme feint ou échevelé de leurs auteurs, comme tels, tant les personnes que leurs effets, inutiles ou pervers, alors que l’insurrection des Tunisiens fut d’abord l’insurrection de la dignité, beaucoup plus haute, nous nous souviendrons donc que nos amis, en se libérant de leur tourmenteur, réussirent là où nous n’avons pas eu seulement le courage d’entreprendre.
Car en effet, de même qu’ils se sont libérés de Ben Ali leur tortionnaire, de même sur leur exemple, il nous reste à nous libérer de leurs faux amis, nos faux experts.
Car tous, de Ben Ali aux faux experts, sont les instigateurs sinon pleinement conscients néanmoins toujours intéressés de la barbarie.
La leçon cinglante et inattendue de la Tunisie, notre amie.
François DESVIGNES
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