La Russie : un tigre de papier ?
L’incursion militaire russe en Géorgie et sa victoire facile peuvent apparaître comme un succès et le renouveau d’une Russie triomphante qui aurait recouvré sa superbe et son influence.
Pourtant, à y regarder de plus près, cet énième épisode de l’affirmation brutale de la puissance russe auprès de ses voisins, après l’invasion de la Tchétchénie, le blocus du gaz en Ukraine, les pressions sur la Moldavie, les cyber-attaques contre les Pays Baltes, illustre plutôt la faiblesse de la présence russe aujourd’hui dans ce qui a été pendant des siècles des zones traditionnelles d’influence.
Le bilan après plus de quinze ans de délitement de l’ex-URSS montre l’échec magistral de la Russie à limiter sa perte d’influence. Les pays qui étaient depuis des siècles intégrés dans sa sphère d’attraction sont devenus indépendants et se sont solidement arrimés à l’Europe occidentale et aux Etats-Unis (la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, la Pologne font partie de l’Union européenne et de l’Otan ; l’Ukraine a un gouvernement pro-ocidental et souhaite ardemment intégrer ces institutions).
Les régions d’Asie centrale et du Caucase sont devenues des Etats souverains, donc autonomes. Et si certains restent étroitement liés au Kremlin (Arménie, Tadjikistan, Turkmenistan), d’autres sont franchement hostiles (Georgie, Azerbaïdjan). Tous sont en outre traversés par des mouvements pro-démocratiques proches des Occidentaux, par nature hostiles à l’autoritarisme russe, et qui menacent les liens noués par les régimes autoritaires en place avec leur puissant voisin.
L’armée, elle-même, fleuron sur lequel Vladimir Poutine s’appuie pour affirmer la puissance russe est en piteux état. L’absence d’investissement dans la recherche militaire, de crédits d’investissement ou de fonctionnement ont considérablement affaibli les forces armées depuis la chute de l’Union soviétique. La parité avec les Etats-Unis a depuis longtemps disparu, sauf pour les armes nucléaires, ce qui explique d’ailleurs la vigueur et la virulence de la réaction de la diplomatie russe face au projet américain de constitution d’un bouclier antimissile en Europe. La faiblesse de l’armée russe s’est illustrée par ses difficultés lors des deux guerres de Tchétchénie, où la Russie n’a dû sa relative victoire qu’à l’envoi de supplétifs sortis de ses prisons et à des alliances avec des milices locales. En Géorgie même, les soldats russes ont été stupéfaits de la différence de qualité de leur matériel et de celui de la petite marine géorgienne.
En termes économiques enfin, la Russie n’a pas non plus les moyens de ses ambitions impérialistes. En recul, elle ne représente que la 13e économie du monde, et encore doit-elle ce rang à ses matières premières, qui sont forcément amenées à décliner à plus ou moins brève échéance. Elle ne constitue en outre en aucun cas un modèle économique attractif pour ses voisins qui aurait pu l’aider à renforcer son influence, à l’image de ce que fait l’Union européenne, et dans une moindre mesure la Chine.
La Russie dispose certes de l’arme énergétique, sur laquelle elle peut compter face à une Europe occidentale craintive sur le sujet. Cependant, cette arme a une portée limitée : d’une part, la Russie a autant besoin, sinon plus, de vendre son pétrole et son gaz aux pays occidentaux que ces derniers de l’acheter, d’autre part, à trop agiter la menace, elle prend le risque de voir ses clients développer de nouvelles sources d’approvisionnement.
Les leviers de la puissance russe sont donc extrêmement faibles, sauf sans doute celui de la communication que Vladimir Poutine utilise avec une très grande habileté et dans le champ duquel s’inscrit sans doute l’intervention en Géorgie. A ce titre, on peut dire que le but est largement atteint.
Malgré les rodomontades du Kremlin et la faiblesse des réactions de certains pays occidentaux, la Russie n’est plus aujourd’hui qu’un tigre de papier, capable uniquement de terroriser de petits Etats.
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