La Serbie, un caillou russe dans les chaussures de l’OTAN-UE
Le jeudi 17 janvier, le président Poutine a reçu un accueil enthousiaste à Belgrade où son club de fans est encore plus actif qu’à Moscou (phénomène classique comparable à ce qui s’était passé en 1967 avec De Gaulle à Montréal où il était plus populaire qu’en France).
Déjà en 2011, quand il était venu au stade Marakana pour assister au match qui opposait le Red Star de Belgrade au Zenit de Saint Petersbourg (sa ville natale) le public avait scandé : « Poutine, tu es serbe, la Serbie est avec toi ».
Trois ans plus tard, en 2014, Poutine avait assisté en tant qu'invité d'honneur à un défilé militaire marquant le 70e anniversaire de la libération de Belgrade de l'occupation nazie avec l'aide des troupes soviétiques.
Aujourd’hui, sa popularité en Serbie semble être restée intacte. Le 17 janvier, 100 000 personnes sont venues de toute la Serbie pour l’acclamer au centre-ville de Belgrade. On pouvait lire sur une banderole : "Frère Poutine, sauve le peuple serbe et le pays des Serbes". Propagande d’état ou non, l'accueil reçu par Poutine à Belgrade montre que la Russie exerce toujours une influence dans les Balkans, même si elle a connu une série de revers dans la région au cours des deux dernières années.
Le Monténégro , un ami de longue date de Moscou, a rejoint l'OTAN en juin 2017, malgré une forte opposition de la diplomatie russe et un prétendu complot « révélé » par la presse locale, qui aurait été soutenu par les renseignements militaires russes pour renverser le gouvernement monténégrin et déjoué (par qui ?).
Aujourd'hui, la nouvelle République de Macédoine du Nord (ex-république yougoslave de Macédoine rebaptisée en janvier 2019) a le projet de rejoindre également l’OTAN. La coalition pro-occidentale à Skopje a modifié la constitution du pays afin de ratifier l'accord de compromis signé avec la Grèce, ce qui a permis de résoudre le problème du nom de « Macédoine », objet d’un « malentendu » de longue date. Côté grec, le premier ministre grec Alexis Tsipras dispose du soutien du parlement pour obtenir l'approbation de l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN.
La sécurité de la Russie n'est pas menacée directement par ces deux jeunes états issus de l’éclatement de la Yougoslavie. Le Monténégro et la Macédoine du Nord sont très éloignés des frontières de la Russie. Mais les cartes géopolitiques actuelles présentent un point commun avec une partie de cartes à jouer : tout gain pour l’Occident est une perte pour Moscou, même sur le plan symbolique, surtout pour les territoires où l’on utilise l’alphabet cyrillique.
Dans la géographie post-soviétique, la Serbie est manifestement le plus proche allié du Kremlin en Europe. Engagé officiellement dans une politique de neutralité, Belgrade a passé un accord de coopération en matière de défense avec Moscou et reçoit du matériel militaire russe. Il refuse d'adhérer aux « sanctions » occidentales malgré les négociations en cours d'adhésion avec l’Union Européenne.
Le président Poutine a déclaré lors d’une conférence de presse que Gazprom était prêt à investir 1,4 milliard de dollars dans la mise en place de TurkStream 2, un gazoduc reliant la Russie à. Un accord commercial entre Belgrade et l'EEU (Union Economique Eurasienne) animée par la Russie est également en préparation. Plus important encore, Poutine soutient la Serbie dans le différend sur le Kosovo. A Belgrade, il a déclaré que l'Occident déstabilisait les Balkans en violant la résolution 1244 de l’ONU, adoptée à la suite de la guerre de 1999 concernant les Albanais du Kosovo.
En fait, tout se passe comme si la Serbie était la voie d’accès de la Russie vers l'ex-Yougoslavie. À Belgrade, Poutine a rencontré Milorad Dodik, membre serbe de la présidence bosnienne tripartite, soutenu par Moscou dans le but de créer un statut quasi indépendant pour la « Republika Srpska », l'une des deux entités de Bosnie-Herzégovine. Il a déjeuné avec les leaders du « Front Démocratique », le parti d'opposition au Monténégro, virulent opposant à l'adhésion à l'OTAN, et poursuivi juridiquement par la justice monténégrine pour avoir des liens avec le fameux « complot » du coup d'état.
Pour autant, malgré son attachement sentimental à la Serbie, à la Republika Srpska, au Monténégro et ailleurs, la Russie n’a ni les moyens ni l’intention d'établir son hégémonie dans cette région. L'UE est de loin le principal acteur économique et représente les deux tiers des échanges dans la région.
En dehors de l'approvisionnement en sources d’énergie, l’empreinte de Moscou est limitée. Même le succès du projet TurkStream dépend de l'approbation de la Commission Européenne qui est reconnue compétente pour décider de la conformité de l'entreprise aux règles de concurrence de l'UE, et les acteurs locaux sont pleinement conscients de cette réalité : "La Russie est peut-être dans nos cœurs, mais nos GPS affichent Munich comme destination", disent les Serbes. En ce qui concerne la sécurité militaire, non seulement l'OTAN intègre l'ex-Yougoslavie dans les principes, mais elle dispose également de troupes sur le terrain, contrairement à la Russie.
Dans cette histoire, le gagnant semble être le président serbe, M. Vucic qui était confronté depuis des semaines à des manifestations réunissant des citoyens de tous les horizons politiques, des libéraux à l'extrême droite nationaliste, pour protester contre une « présidentialisation » du système politique serbe. Lors de l’adoubement de Poutine, Vucic a rassemblé ses propres troupes : des milliers de ses partisans sont venus des coins les plus reculés du pays.
La Russie semble également soutenir ses projets d'accord sur un échange de territoires avec le président kosovar Hashim Thaci. Pour la Serbie, reconnaître le Kosovo en tant qu'état souverain serait douloureux, mais du coup, cela éliminerait le plus formidable obstacle à l’adhésion à l’UE.
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