La Syrie : où en est-on ?
Ca fait bientôt deux ans que le front syrien a été ouvert. Les médias ont eu plus que leurs quotas de sang, de morts et de massacres en tous genres. Les spectateurs que nous sommes, avons fait le plein de sensations fortes arrosées d’adrénaline jusqu’à plus soif. Cette période nous a fourni tous les motifs d’indignation, de colère, de frustration et de déception. Nous avons eu aussi notre dose de joie, d’espoir, de jubilation parfois et de satisfaction admirative. Tous les jours, nous allions nous abreuver à nos sources favorites, qui chez OSDH, AFP, le Figaro, le Point, I Tété, qui chez Sana, Syria Truth, Info-Syrie, Allain Jules, chacun de ces supports s’efforçant de faire de son mieux pour nous satisfaire et nous fournir notre pain quotidien.
Deux excellentes années. Crus exceptionnels, même. Sauf pour les Syriens. Pendant que nous vociférons sur les gradins, eux ils sont dans l’arène. Ils combattent pour leurs vies et leur survie. Et leurs vies ne tiennent qu’à un fil. Il en disparait tous les jours des dizaines, des centaines, vite évacuées de l’arène pour faire place nette et pouvoir poursuivre le combat. Show must go on.
Après près de deux ans de conflit, nous en sommes toujours au même point. Le même scénario se répète de jour en jour. Les terroristes s’infiltrent à partir des pays voisins, attaquent des postes de contrôle, investissent des quartiers, attaquent des centres administratifs et des bases plus ou moins désaffectées. Il ne leur reste plus ensuite qu’à crier « victoire » après avoir fait quelques vidéos avec leurs téléphones cellulaires (on se demande s’ils n’ont pas été fournis que pour ça), et envoyer le tout, récits et vidéos, accompagné de chiffres déjà prêts à l’avance, à la presse amie qui se chargera de relayer. Quelques heures plus tard, l’Armée syrienne arrive, extermine les terroristes, saisit leurs armes, libère les quartiers, repousse les survivants jusque dans les pays voisins. Là aussi, après que quelques vidéos aient été tournées, le service de presse syrien prend le relais. Le lendemain, même scénario, mêmes compte-rendus. Le surlendemain, idem. Un éternel recommencement émaillé de temps à autre d’un attentat suicide avec sa cohorte d’images toutes plus atroces les unes que les autres, ou un massacre de civils organisé à la veille d’une réunion internationale.
Chaque parti nous dit – nous fait croire plutôt – qu’il gagne du terrain, qu’il viendra bientôt à bout de son ennemi. Si on additionne leurs chiffres, la moitié de la Syrie a déjà été décimée. Selon les djihadistes, le peu de civils qui restent encore et qui ne sont pas encore massacrés, le seront bientôt par les hordes barbares qui soutiennent le régime sanguinaire de Damas. Quant aux médias syriens, si on se réfère aux divers communiqués quotidiens, plus les terroristes tombent comme des mouches, plus il en ressurgit chaque jour un peu plus. A croire que le monde entier n’était peuplé que de salafistes qui n’attendaient que l’heure propice pour faire leur coming out. Vu d’ici, tout cela ressemble à un film mal conçu et mal joué, une sorte de sitcom dont le seul objectif est de tenir le public en haleine.
Mais qu’en est-il vraiment sur le terrain ? Que se passe-t-il en Syrie depuis deux ans ? Dans la réalité, c’est la souffrance au quotidien, la mort au coin de la rue. La réalité c’est que la Syrie est un pays qui subit une agression délibérée de la part d’une coalition qui ne se cache même plus sous des faux-semblants. Ce n’est plus un mystère pour qui que ce soit. Si, au début, il était encore possible pour certains d’hésiter ou de croire aux manifestations pacifiques réprimées dans le sang, au soulèvement spontané pour chasser une dictature, à la férocité d’un régime opprimant et massacrant son peuple, aujourd’hui rien de tout cela ne tient plus. Toutes les argumentations qui furent les causes du chaos apparaissent pour ce qu’elles ont toujours été : de la propagande. Y compris pour ceux qui les brandissent encore, soit pour justifier leur engagement, soit par habitude, soit encore pour ne pas avoir à reconnaître de s’être fait manipuler comme des enfants.
L’agression est désormais avérée. Les agresseurs se sont démasqués un à un. Les buts poursuivis semblent se dessiner, même s’il est encore difficile d’en cerner les contours. Mais malgré cela, les gesticulations continuent. Les fausses réunions, les fausses candeurs, les fausses déclarations battent leur plein comme aux premiers jours. Ça ne trompe plus personne, mais on fait comme si. Rien d’étonnant alors si le ministère russe des affaires étrangères ferme son téléphone à toutes ces simagrées. Il n’est pas étonnant, non plus, de voir la Syrie et l’Iran concentrés plus que jamais sur la fin de cette zizanie. Tous semblent dire : « Assez. On ne joue plus. Si vous voulez discuter sérieusement, on est prêt ; sinon, allez vous faire voir ».
En effet, tous savent maintenant comment ce conflit finira et comment y mettre un terme. Il est évident pour tout le monde que les terroristes, quels que soient leur armement et leur financement, ne parviendront jamais à gagner contre tout un peuple qui maintenant fait bloc autour de son gouvernement et de son armée de conscrits. Ce ne sont pas quelques exactions de plus ou quelques tueries ou sabotages supplémentaires qui changeront la donne. Ici, nous ne pouvons que nous remémorer la déclaration de Serguei Lavrov avant même la déferlante djihadiste : « même si vous les armez jusqu’aux dents ils ne viendront pas à bout de l’armée syrienne » avait-il dit. Cela montre bien la détermination russe depuis le début, et surtout met en relief une réalité que seuls les aveugles ne pouvaient ou ne voulaient pas voir. Du côté du gouvernement syrien, il est devenu clair que la victoire ne sera jamais militaire, surtout quand l’argent et les armes continuent à couler à flot pour entretenir le terrorisme. Quels que soient les exploits de l’armée, la solution ne pourra se trouver qu’à travers les négociations. En attendant, il faut tenir, rendre coup pour coup et même plus. La Syrie a tout ce qu’il faut pour cela, malgré les tentatives maladroites d’embargo, l’arme suprême des atlantistes. Cette fois, cette arme, autrefois redoutable, a fait long feu. Même si les syriens en souffrent, elle n’a pas affaibli l’économie au point d’influer sur les capacités de résistance du pays. C’est une première, mais une première qui laisse augurer que les prochains embargos, en tant qu’armes subversives, n’auront plus les effets d’antan, comme ceux constatés pour l’Irak par exemple.
La Syrie a donc de quoi tenir. Les agresseurs ont fini par en prendre conscience. Nous n’avons déjà plus cet obsédant refrain « Bachar El Assad doit partir », refrain chanté sur tous les tons et ponctuant chaque discours, rappelant étrangement l’obsession de Caton pour Carthage. La tendance est désormais à la sortie de la crise. Mais comment ? Des sommes énormes et beaucoup d’espoir ont été investis dans ce conflit. Des dindons de la farce, il y en aura forcément, mais personne n’a envie d’en être. D’où quelques tergiversations, et même parfois de l’animosité entre certains des partenaires. Le torchon brûle, en quelque sorte. Il ne faudra donc pas s’attendre à un arrêt immédiat du chaos syrien. Il y aura d’abord d’âpres discussions et tractations entre les membres de la coalition des agresseurs pour que chacun puisse retirer ses billes sans trop de pertes et la tête haute, si possible. Ensuite seulement le vrai débat sur la fin des hostilités sera engagé. Pendant ce temps nous aurons droit à notre lot quotidien de morts, de massacres, d’attentats, de prises et reprises, de nettoyages, de saisies d’armes… Show must go on pour nous, mais, pour les syriens, c’est la tourmente et le chaos qui continuent.
Avic
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